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L’AUBERGE DE FLEURIGNÉ I

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Le 15 mars 1793, une agitation extraordinaire régnait dans la petite cité républicaine de Fougères. Tout le long de la rue de la Beuverie, la plus fréquentée les jours de foire et de marché, parce qu’elle relie les deux parties de la ville, des hommes armés se hâtaient. La plupart montaient vers la place de la Cathédrale; d’autres, en moins grand nombre, descendaient vers le quartier de Saint-Sulpice, là où s’élève le château de Fougères, au-dessus des eaux noires du Couesnon. Des femmes, sur le seuil des portes, se groupaient, arrêtaient les passants.

— Où sont-ils?... Que dit-on?... Viennent-ils?

Telles étaient les questions que toutes avaient sur les lèvres, que plusieurs formulaient et auxquelles personne ne pouvait répondre.

— «Ils.» — C’étaient les chouans. Un homme de la campagne, un vrai Pataud, et que tous connaissaient pour tel, était venu à cheval et avait annoncé au Procureur-Syndic que de gros partis de paysans, des rebelles, couraient les chemins dans les environs. Des curés et des dames de la noblesse étaient avec eux. Marche-à-terre, dont la réputation de sauvagerie n’était plus à faire, Baptiste Renart, l’âme de la contre-révolution dans le pays, avaient réuni une véritable armée, et Jean Chouan leur avait amené les contingents de Saint-Ouen-des-Toits. On disait même que le Gâs, ce chef mystérieux que les émigrés devaient envoyer d’Angleterre, était arrivé et s’était mis à la tête du mouvement.

Une attaque brusque était à redouter: La garde nationale mal organisée se réunissait rarement, la poudre manquait, et les fortifications, longtemps négligées, tombaient en ruines. Mais les citoyens furent à la hauteur du péril: une demi-heure après l’alerte donnée, tous étaient à leur poste et attendaient l’ennemi.

Les chouans ne paraissaient pas. L’inquiétude augmenta: Quand et par où allaient-ils venir? Suivraient-ils la route de la Pèlerine, celle de l’Huîtré ? Chercheraient-ils à pénétrer dans la ville en remontant le Couesnon?... Des femmes se rappelaient avoir vu la veille, à l’heure du marché, des Bretons singuliers, n’ayant pas le costume du pays, passer dans certaines ruelles. A coup sûr, ils étaient venus étudier la place.

L’agitation dura jusqu’à midi. Puis, comme les guetteurs postés au sommet du clocher de la cathédrale ne signalaient rien de suspect, la tranquillité revint peu à peu. Toutefois l’émotion avait été si forte qu’on résolut d’éclaircir la situation.

Le Maire, les principaux administrateurs de la ville et le commandant en chef de la garde nationale tinrent conseil à la Halle. Il fallait un homme sûr et dévoué qui consentit à risquer sa tête pour étudier les positions de l’ennemi. Tous en connaissaient un: Jean Sennerède. On le fit venir.

— Sais-tu, citoyen, lui dit-on, que depuis quelques jours des bandes de chouans sont reformées et menacent la ville?

— Je le sais.

— Peux-tu suivre leurs traces et savoir leur nombre?

— Je le saurai.

— Tu seras tué, sans doute... As-tu peur?

— J’irai.

Les coeurs héroïques

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