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L’ATTAQUE DE FOUGÈRES I

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Ce qui frappe dans l’histoire des guerres civiles, en Bretagne et en Vendée, c’est chez les chouans l’obstination froide, la ténacité, la volonté forte d’atteindre leur but. Les Bleus luttaient avec une conviction profonde, souvent imprévoyante. Le fanatisme contre la foi!

Battus devant Fougères, les chouans ne perdaient pas courage. Les prédications ardentes des curés, des absolutions multipliées donnèrent du cœur à tous les coureurs des bois. Une autre pensée aussi les guidait. Fougères était une ville riche et bien fortifiée. Pour les soldats, il y avait là l’attrait du pillage; les chefs y voyaient une solide forteresse pleine de fusils, bien munie de poudre. Les envois de l’Angleterre devenaient rares et souvent étaient capturés avant d’arriver à destination. Il leur fallait cette place à tout prix, mais, pour l’avoir, il leur fallait attendre que la grande armée vendéenne qui opérait sur la Loire pût leur envoyer des renforts.

Pendant le cours de l’année, ils ne laissèrent rien transpirer de leurs projets. Ils continuèrent seulement à épouvanter le pays.

Les gardes nationaux pouvaient à grand’peine protéger les caisses de numéraire qu’on envoyait à Rennes. Il ne se passait guère de semaine où, malgré son escorte, la diligence d’Ernée à Fougères ne fût arrêtée, et les voyageurs impitoyablement rançonnés. Les gardes nationaux couraient les grandes routes, mais ils ne pouvaient atteindre un ennemi insaisissable qui s’égaillait à leur approche. Parfois, au détour d’un chemin, une balle tombait au milieu d’eux, frappant juste. On relevait le camarade, mort ou blessé. On fouillait les bois, les haies et les fossés; on ne trouvait rien. L’ennemi avait des retraites sûres.

D’autres fois, c’était un homme qui revenait du marché, et que, le lendemain, des passants trouvaient complètement dépouillé, la gorge ou le ventre troué d’un coup de couteau

Parfois un propriétaire, un fermier riche et suspect, était chauffé jusqu’à ce qu’il donnât tout l’argent qu’il tenait caché.

Quelqu’un trahissait-il? Toute sa famille était condamnée. L’homme était confessé et tué. On envoyait directement au ciel la femme et les enfants.

Les républicains de Fougères attendaient avec impatience l’arrivée d’un corps de troupes qui purgeât le pays. Les colonnes infernales auraient vite fait de disperser les brigands. Malheureusement, la Convention n’avait guère de soldats. Il en fallait trop à la frontière devant l’Europe coalisée. Le patriotisme des habitants devait et pouvait suffire à maintenir l’ordre. C’était l’opinion de bien des Fougerais qui se croyaient parfaitement en sûreté et qui pensaient que le dernier échec des chouans les avait déconcertés pour toujours. D’autres qui connaissaient mieux leur pays étaient moins rassurés et se tenaient sur leurs gardes.

Ceux-là seuls avaient raison. Les chouans, en effet, conspiraient encore. Le soir, à la nuit tombante, les cris de hiboux se multipliaient régulièrement sur certains points, et des hommes armés arrivaient par tous les sentiers au lieu du rendez-vous.

Ils allaient recevoir un secours inattendu. La grande armée vendéenne, après de nombreuses victoires, venait d’être battue à Cholet. Quatre-vingt mille fugitifs, hommes, femmes et enfants, avaient passé la Loire à Saint-Florent, laissant sur le champ de bataille leurs généraux Lescure et Bonchamps. La Rochejacquelein, désespéré, conduisait les débris de cette horde fanatisée. Ils remontèrent la vallée de la Mayenne, prirent Laval et se portèrent au nord-ouest pour assurer leurs communications avec l’Angleterre. Les Vendéens furent vainqueurs à Entrammes, et la plupart marchèrent sur Fougères. Les brigands du pays ne devaient pas laisser échapper l’occasion qui leur était offerte d’enlever la ville. Un jour le curé Rousseau dont on commençait à parler, Marche-à-terre, Baptiste Renart et Jean Chouan, tinrent un conciliabule à l’auberge de Fleurigné. La fin de l’année approchait. Il fallait avant l’hiver renouveler les provisions de l’armée de la foi. Il fallait prendre Fougères.

Il fut convenu qu’on brûlerait un village du côté de Saint-Pierre des Landes. Les Fougerais, qu’on aurait soin d’avertir du fait, croiraient les chouans éloignés pour quelques jours. Eux, sans perdre de temps, avec les renforts qui venaient d’arriver, marcheraient sur la ville et l’attaqueraient en plein midi, à l’heure où les chouans ne se battent jamais. Les Bleus surpris seraient aisément vaincus.

On régla ensuite le plan de la bataille: Marche-à-terre arriverait par la route de la Pèlerine, Jean Chouan prendrait celle de l’Huîtré. Ils commenceraient le combat, et quand le faubourg de Saint-Sulpice serait dégarni de troupes, Renart et le curé Rousseau entreraient dans la ville, remonteraient la rue de la Beuverie et prendraient la garde nationale entre deux feux.

Tout fut fait comme il avait été convenu, et le 3 novembre 1793, à onze heures du matin, les chouans débouchèrent en colonnes serrées par les routes de la Pèlerine et de l’Huîtré, en chantant des cantiques et en criant: Vive le Roi!

Les coeurs héroïques

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