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DEUXIÈME SOIRÉE

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LE HARPISTE AMBULANT, nouvelle du présent. – EXÉCUTION D'UN ORATORIO. – LE SOMMEIL DES JUSTES.

Il y a concert au théâtre.

Le programme se compose exclusivement d'un immense oratorio, que le public vient entendre par devoir religieux, qu'il écoute avec un silence religieux, que les artistes subissent avec un courage religieux, et qui produit sur tous un ennui froid, noir et pesant comme les murailles d'une église protestante.

Le malheureux joueur de grosse caisse, qui n'a rien à faire là-dedans, s'agite avec inquiétude dans son coin. Il est le seul aussi qui ose parler avec irrévérence de cette musique, écrite, selon lui, par un pauvre compositeur, assez étranger aux lois de l'orchestration pour ne pas employer le roi des instruments, la grosse caisse.

Je me trouve à côté d'un alto; celui-ci fait assez bonne contenance pendant la première heure. Après quelques minutes de la seconde, toutefois, son archet n'attaque plus que mollement les cordes, puis l'archet tombe… et je sens un poids inaccoutumé sur mon épaule gauche. C'est celui de la tête du martyr qui s'y repose sans s'en douter. Je m'approche, pour lui fournir un point d'appui plus solide et plus commode. Il s'endort profondément. Les pieux auditeurs, voisins de l'orchestre, jettent sur nous des regards indignés. Grand scandale!.. Je persiste à le prolonger en servant d'oreiller au dormeur. Les musiciens rient. «Nous allons sommeiller aussi, me dit Moran, si vous ne nous tenez éveillés de quelque façon. Voyons, un épisode de votre dernier voyage en Allemagne! C'est un pays que nous aimons, bien que ce terrible oratorio vienne de là. Il doit vous y être arrivé plus d'une aventure originale. Parlez, parlez vite, les bras de Morphée s'ouvrent déjà pour nous recevoir. – Je suis chargé ce soir, à ce qu'il paraît, de tenir les uns endormis et les autres éveillés? Je me dévouerai donc, s'il le faut, mais quand vous répéterez l'histoire que je m'en vais vous dire, histoire peut-être un peu décolletée par-ci par-là, ne dites pas de qui vous l'avez apprise; cela achèverait de me perdre dans l'esprit des saintes personnes dont les yeux de hibou me fusillent en ce moment. – Soyez tranquille, répond Corsino, qui est sorti de prison, je dirai qu'elle est de moi.»

Les soirées de l'orchestre

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