Читать книгу Les soirées de l'orchestre - Hector Berlioz - Страница 3
PREMIÈRE SOIRÉE
LE PREMIER OPÉRA, nouvelle du passé. – VINCENZA, nouvelle sentimentale. – VEXATIONS DE KLEINER l'aîné
ОглавлениеOn joue un opéra français moderne très-plat.
– Les musiciens entrent à l'orchestre avec un air évident de mauvaise humeur et de dégoût. Ils dédaignent de prendre l'accord; ce à quoi leur chef paraît ne point faire attention. A la première émission du la d'un hautbois, les violons s'aperçoivent pourtant qu'ils sont d'un grand quart de ton au-dessus du diapason des instruments à vent. «Tiens, dit l'un d'eux, l'orchestre est agréablement discordant! jouons ainsi l'ouverture, ce sera drôle!» En effet, les musiciens exécutent bravement leur partie, sans faire grâce au public d'une note. Sans lui faire tort, voulais-je dire; car l'auditoire, ravi de ce plat charivari rhythmé, a crié bis, et le chef d'orchestre se voit contraint de recommencer. Seulement, par politique, il exige que les instruments à cordes veuillent bien prendre le ton des instruments à vent. C'est un intrigant! On est d'accord. On répète l'ouverture qui, cette fois, ne produit aucun effet. L'opéra commence, et peu à peu les musiciens cessent de jouer. «Sais-tu, dit Siedler, le chef des seconds violons, à son voisin de pupitre, ce qu'on a fait de notre camarade Corsino qui manque ce soir à l'orchestre? – Non. Que lui est-il arrivé? – On l'a mis en prison. Il s'était permis d'insulter le directeur de notre théâtre, sous prétexte que, ce digne homme lui ayant commandé la musique d'un ballet, quand cette partition a été faite, on ne l'a ni exécutée ni payée. Il était dans une rage… – Parbleu! il n'y a pas de quoi perdre patience, peut-être?.. Je voudrais bien te voir berner de la sorte, pour apprécier ta force d'âme et ta résignation… – Oh! moi, je ne suis pas si sot: je sais trop que la parole de notre directeur ne vaut pas plus que sa signature. Mais bah! on rendra bientôt la liberté à Corsino; on ne remplace pas aisément un violon de sa force! – Ah! c'est pour cela qu'il a été arrêté? dit un alto en déposant son archet. Pourvu qu'il trouve quelque jour à prendre sa revanche, comme cet Italien qui fit au seizième siècle le premier essai de musique dramatique! – Quel Italien? – Alfonso della Viola, un contemporain du fameux orfèvre, statuaire, ciseleur, Benvenuto Cellini. J'ai là dans ma poche une nouvelle qu'on vient de publier et dont ils sont les héros, je veux vous la lire. – Voyons la nouvelle! – Recule un peu ta chaise, toi, tu m'empêches d'approcher. – Ne fais donc pas tant de bruit avec ta contre-basse, Dimski; ou nous n'entendrons rien. N'es-tu pas encore las de jouer cette stupide musique? – Il y a une histoire? attendez; j'en suis.» Dimski s'empresse de quitter son instrument. Tout le centre de l'orchestre se dispose alors autour du lecteur qui déroule sa brochure, et, le coude appuyé sur une caisse de cor, commence ainsi à demi-voix.