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XII

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Lorsque madame Prétavoine fut arrivée au bout de son long discours, Mgr de la Hotoie garda le silence pendant quelques minutes, puis, au lieu de lui répondre, il lui adressa une nouvelle question:

—Et pourquoi Guillemittes a-t-il besoin de mes services dans des conditions qui doivent m'être expliquées par vous? demanda-t-il.

—M. l'abbé Guillemittes attache tant de prix à ce mariage, que, pour être mieux en situation de le faire réussir, il consent à accepter l'évêché de Condé-le-Châtel, après l'avoir pendant si longtemps refusé.

—Ah! vraiment.

—Vous savez quelles étaient les raisons de son refus, il ne voulait pas abandonner les oeuvres qu'il avait fondées, son église, le patronat de Saint-Joseph, son imprimerie catholique, sa serrurerie artistique, son couvent de Sainte-Rutilie installé maintenant dans le château de Rudemont; mais aujourd'hui que ces oeuvres ont été bénies par le Seigneur, et qu'elles sont en pleine prospérité, il juge qu'il est de son devoir de donner tous ses soins à une oeuvre nouvelle, dont il attend le plus grand bien, c'est-à-dire au mariage de mon fils avec mademoiselle de la Roche-Odon, et pour cela il désire l'évêché de Condé, ce qui lui permettrait d'exercer une influence décisive sur la volonté chancelante de M. le comte de la Roche-Odon. Vous savez que son compétiteur est notre premier vicaire général, M. l'abbé Fichon. Mais cette rivalité ne l'effraye pas; il a de sérieuses promesses, et il pense que si vous pouviez faire dire un mot à S.E. le nonce de notre Saint-Père à Paris, cette recommandation assurerait sa nomination.

Dans l'attention que Mgr de la Hotoie avait accordée à madame Prétavoine, il n'y avait eu tout d'abord que de la politesse; il avait devant lui une solliciteuse qui lui était recommandée par son ami Guillemittes, il devait l'écouter: et de fait il l'avait écoutée; mais peu à peu l'intérêt avait succédé à la politesse, et il avait cessé de s'admirer dans la glace, pour regarder cette vieille femme en noir qu'il avait jugée insignifiante.

Décidément il avait été trop vite dans ce jugement; non insignifiante elle était, mais curieuse au contraire, originale; assurément ce n'était point une femme banale comme on en rencontre chaque jour; elle avait une personnalité, une valeur. Comment ne l'avait-il pas compris, en voyant ces yeux ardents, ce front volontaire, ces lèvres minces, et ce geste de main, sec, régulier, qui enfonçait les mots comme l'eût fait un marteau? C'était là une maîtresse femme. Et s'il lui manquait l'éducation, elle avait l'intelligence, la finesse, la souplesse, la volonté.

Comme elle avait habilement mêlé les intérêts de la religion et de l'Église aux siens! car l'évêque de Nyda était lui-même trop fin pour accepter le désintéressement dont elle avait fait montre.

Guillemittes était-il sa dupe?

Ou bien voulait-il réellement ce mariage pour les raisons que madame Prétavoine venait d'énumérer, ou pour d'autres inconnues?

C'était là une question à réserver, qui devait être éclaircie par une correspondance directe, et non par l'entremise de cette femme, habile à confondre ses intérêts avec ceux du ciel.

Avant de s'engager, il fallait donc attendre.

—Sans doute, dit-il, le Saint-Père peut conférer des titres de noblesse, et il arrive assez fréquemment qu'il en confère à des personnes qui ont rendu des services au saint-siége. Autrefois, avant les temps désastreux dans lesquels nous vivons, il créait deux sortes de nobles: aux uns il donnait un fief et un titre; aux autres un simple titre. Depuis que par la perversité des méchants il a été dépouillé du patrimoine de saint Pierre, il ne peut plus donner de fiefs puisqu'il ne possède plus de biens terrestres. Mais il est une prérogative dont personne ne peut le dépouiller, et il continue d'accorder des titres à ceux qui se sont rendus dignes de cette grâce. Il ne vous fait pas comte de tel pays, de tel village, de tel château, puisqu'il ne possède plus ni pays, ni village, ni château, il vous fait comte sans fief, et par conséquent sans particule. Ainsi que vos désirs soient exaucés, monsieur votre fils ne sera pas comte ou baron de Condé, il sera comte ou baron Prétavoine.

En entendant ces derniers mots, madame Prétavoine ne put s'empêcher de joindre les mains par un mouvement extatique, les yeux levés au ciel, et de murmurer les lèvres mi-closes:

—Comte Prétavoine, comte Prétavoine.

C'était la première fois qu'elle entendait cette appellation formulée à haute voix: comte Prétavoine! le ciel venait de s'ouvrir pour elle; comte Prétavoine, son fils!

Et bien qu'elle nageât dans une joie céleste, elle eut un retour en arrière, et se vit dans sa petite boutique sombre d'Hannebault servant un cahier de deux sous à un gamin de l'école.

Comte Prétavoine!

—C'est ainsi, continua Mgr de la Hotoie, que N.-S.-P. le pape a fait un certain nombre de nobles. Ainsi vous en trouverez en France dans l'armée et notamment dans la diplomatie. Beaucoup d'attachés, de secrétaires ne sont venus à Rome que pour obtenir du Saint-Père un titre de noblesse. Ils étaient roturiers, de basse extraction, fils de marchands, ils n'avaient quelquefois même pas d'autre nom que celui qu'ils avaient reçu à leur baptême, et Sa Sainteté a daigné en faire des comtes: le comte Paul, le comte Joseph. C'est ce que vous appelez en France, des barons, des comtes du pape. Il y a deux sortes de titres, les uns qui sont personnels et s'éteignent avec la personne à laquelle ils ont été conférés: pour ceux-là le droit de chancellerie est de 3,000 fr.

Madame Prétavoine fit un geste qui disait clairement que l'argent en cette circonstance n'était rien pour elle, et qu'elle était prête à payer tout ce qu'on lui demanderait.

—Les autres, continua Mgr de la Hotoie, sont héréditaires et transmissibles en ligne masculine, d'aîné en aîné, nés de légitime mariage et persévérant dans la religion catholique et dans l'obéissance au saint-siége. Le prix à payer pour ceux-là est de 7,000 fr.

Comte du Pape

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