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L’hygiène à l’époque romaine.
ОглавлениеIl est permis de supposer que jusqu’à l’époque impériale l’aspect de la ville de Rome n’eut rien de flatteur. Du reste le tableau que nous en donne Juvénal est peu séduisant. Si les primitives demeures en bois avec un toit en chaume percé d’une ouverture pour laisser la fumée s’échapper s’étaient peu à peu transformées pour devenir des maisons en briques revêtues d’une couche de stuc et badigeonnées, les rues étaient restées fort étroites, fangeuses et irrégulières. Alors même que les édifices publics, groupés pour la plupart autour du forum, faisaient l’admiration des visiteurs, les maisons particulières avaient un aspect pauvre avec leur façade dépourvue d’ornements et percée de rares fenêtres, en général petites et fermées au moyen de volets ou de treillages, car les vitres en verre étaient peu répandues et coûteuses.
Lorsque la renommée de Rome y attira une foule de paysans, d’esclaves et d’étrangers, la population devint très dense et souffrit alors du surpeuplement. Pline évaluait cependant son enceinte à 20 kilomètres.
Le chiffre de la population en 159 était de 338.314 citoyens; sous César, il s’éleva à 450.000. Entre Auguste et Trajan, Wittersheim estime qu’elle aurait atteint un million et demi. Fonssagrives donne comme densité de cette population 40.000 habitants par kilomètre carré, ce qui fait le double de Paris. Pour loger toute cette populace, comme le prix du terrain augmentait, on fut forcément amené à ajouter peu à peu des étages aux habitations. Beaucoup de ces maisons étaient bâties sur les pentes des collines et présentaient d’un côté l’aspect élevé d’une tour, tandis que de l’autre, elles n’avaient que deux ou trois étages. C’est à l’étage supérieur de ces maisons (cœnaculum) que les familles pauvres venaient s’entasser dans des mansardes sordides (). Souvent comme cela se produisit au moyen âge, chaque étage faisait saillie sur l’étage inférieur, de sorte que les derniers semblaient suspendus au-dessus de la rue qu’ils surplombaient. L’incendie que Néron alluma en 64, eut pour résultat de faire rebâtir certains quartiers de la ville dans des conditions plus hygiéniques; peu à peu on donna aux rues ou voies une largeur plus grande pour permettre la circulation des voitures. Même au temps des Césars, les chars lourdement chargés ne pouvaient s’aventurer facilement que dans deux d’entre elles. Les voies romaines se composaient d’une chaussée (agger) fortement bombée, pavée de grosses pierres ou dalles (), polygonales reposant sur un béton déposé lui-même sur une couche de pierres fortement damée. Cette chaussée était bordée de chaque côté par un trottoir (crepido). Nous n’avons que peu de renseignements relativement à la largeur des rues qui dut varier de 6 à 20 mètres.
Auguste limita l’élévation des façades sur rues à 70pieds romains, c’est-à-dire à 19m. 75, ce qui correspond au moins à cinq étages. Néron réduisit cette limite à 17 m. 70 et Trajan à 17 m. 40.
Enfin de belles et luxueuses constructions s’élevèrent le long de ces larges voies et la maison d’habitation parvint à un degré de perfectionnement et de confortable inconnu jusqu’ alors. Certes, il y avait eu chez les Chaldéens, les Égyptiens, les Phéniciens et les Juifs des constructions spacieuses dont les ruines découvertes par les archéologues provoquent notre étonnement et notre admiration, mais c’étaient des palais, la maison d’habitation proprement dite n’y était qu’à l’état d’ébauche. Rudimentaire encore chez les premiers Grecs, elle y subit avec le temps d’importantes modifications pour atteindre chez les riches Romains un confortable qui n’eut rien à envier à nos belles constructions modernes.
Comme le dit Bertin-Sans, les ruines des villas d’Herculanum et de Pompéi sont là pour attester des progrès réalisés, tels que la multiplicité des appartements, l’affectation des pièces spéciales à chaque opération de la vie domestique, leur indépendance et leur isolement absolu, l’attribution d’une chambre à coucher distincte à chacun des habitants, la réduction de la maison à un seul étage, la dissémination des appartements sur une large surface, et la présence de grandes cours et de vastes jardins.
Naturellement la maison romaine ne parvint pas du premier coup au degré de perfection qu’elle atteignit, par exemple, au temps d’Auguste. Pendant plusieurs siècles, jusqu’à la fin de la République, la maison du Romain ne fut qu’une reproduction de la maison étrusque avec son ouverture carrée au milieu de la toiture pour laisser échapper la fumée au dehors et au-dessous dans le sol une autre ouverture correspondant à la première et qui était destinée à recueillir l’eau de pluie qu’une rigole déversait au dehors. Cette habitation primitive, très simple comme on peut s’en rendre compte, portait le nom d’atrium, l’ouverture de la toiture par laquelle pénétrait la lumière mais aussi la pluie s’appelait le compluvium et le petit bassin qui la récoltait, l’impluvium. Mais bientôt sa situation s’améliorant, le Romain ne se contenta plus de cette pièce unique, et plusieurs petites pièces servant de chambras furent ajoutées des deux côtés de l’atrium, qui resta le lieu de réunion de la famille avec l’autel des dieux Lares près l’impluvium. Au fond de l’atrium en face de la porte d’entrée, se trouvait le tablinum où le maître de la maison serrait ses papiers et les documents relatifs à l’histoire de la famille. Des deux côtés du tablinum dans les alæ, sortes d’alcôves ou armoires ouvertes on rangeait les «Masques en cire qui étaient moulés sur le visage des ancêtres décédés pour mieux rappeler leurs traits et que des acteurs portaient, ainsi que le dit Martha, pour représenter les aïeux aux funérailles de leurs descendants ». Plus tard, au temps d’Auguste, le besoin de confortable poussa le riche Romain à rejeter ses appartements particuliers à la suite de l’atrium, derrière le tablinum. Cette partie réservée à la famille, comprenait une série de chambres s’ouvrant sur une cour largement éclairée au milieu de laquelle était une piscine entourée de colonnes, le peristylum.
L’atrium devint alors le quartier des serviteurs; les pièces qui y étaient contiguës cessèrent d’être des chambres pour devenir des magasins. Le maître se tenait en général dans le tablinum, d’où il pouvait surveiller facilement toute sa maison.
La maison romaine était tout en profondeur, la façade sur la rue était exiguë, recouverte, le plus souvent, de couleurs vives et percée d’une porte et de rares fenêtres.
L’intérieur était moins sobre que l’extérieur, les murs y étaient peints de couleurs éblouissantes dans les maisons modestes et ornés de fresques dans les riches villas.
Si le sol des maisons pauvres était formé de terre battue ou de béton, celui des villas était dallé en marbre ou en mosaïque représentant les sujets les plus divers. Sur le pavé du vestibule donnant accès dans l’atrium se détachaient le Salve (salut) et le Cave Canem () (prends garde au chien) traditionnels.
Ainsi que nous l’avons dit, la ville romaine n’avait habituellement qu’un rez-de-chaussée surmonté d’une terrasse. II était rare qu’elle eût un premier étage, mais elle n’était jamais plus élevée ().
Pline le Jeune décrivant à son ami Gallus sa villa de Laurente, lui expliquait «qu’un système de canalisation conduisait et distribuait dans les diverses pièces une vapeur tempérée au degré favorable»... Faut-il y voir le point de départ du calorifère?
Non seulement beaucoup de maisons de riches Romains étaient entourées de jardins, mais sous les Césars les principales d’entre elles possédaient de véritables parcs. Le Champ de Mars lui-même était traversé par des avenues de platanes et de lauriers. Ces plantations contribuèrent à l’ornementation de la ville avec les monuments qui s’élevaient de toute part, tels que: portiques, bibliothèques, théâtres, ponts, aqueducs et thermes. Nous allons parler de ces derniers.
Quoique l’usage des bains remonte à la plus haute antiquité et que la plupart des religions les aient imposés en signe de purification, ou simplement comme soin de propreté, on peut dire qu’ils ne commencèrent à prendre une certaine importance que chez les Grecs (). Il exista bien dans la Rome antique des maisons de bains publics comprenant deux pièces, l’une pour le bain froid et l’autre pour le bain chaud, mais elles n’étaient que peu fréquentées. A l’époque de la seconde guerre punique, on commença à construire des bains dans le genre de ceux qui étaient annexés aux Gymnases grecs; ces établissements ne tardèrent pas à avoir une grande vogue et se multiplièrent rapidement.
A lui seul, Agrippa, l’ami d’Auguste en fit construire cent soixante-dix. Les Thermes devinrent dans la suite de vrais monuments et acquirent une grande importance dans la vie des Romains qui y accouraient en foule lorsque les cloches annonçaient leur ouverture vers la huitième heure. (). Les ruines que l’on a retrouvées dans les différentes villes de l’Italie et particulièrement celles de Pompéi permettent de s’en faire une idée assez exacte, nous allons en donner la description:
Les Thermes devaient contenir cinq salles:
1° Le Tepidarium ou bain tiède, qui comprenait plusieurs bassins dont un fort grand dans lequel on descendait par des degrés de marbre; sur un des côtés il y avait des accoudoirs pour ceux qui ayant fini de prendre le bain désiraient se reposer et y venir causer avec leurs compagnons.
2° Le Caldarium ou bain chaud, où on passait en sortant du Tepidarium. Le bain fut pris au début dans des baignoires, puis finalement dans une piscine à gradins de marbre. Cette pièce étant celle qui devait recevoir le plus de chaleur, aussi le calorifère de rétablissement était-il placé directement au-dessous; les autres salles étant chauffées au moyen de tuyaux de poteries disposés dans les murs.
3° Le Frigidarium ou bain froid, contenait une grande piscine de marbre dans laquelle on se plongeait en quittant le bain chaud.
4° L’Unctorium où l’on faisait aux baigneurs les frictions et les massages venait ensuite. Une foule d’esclaves étaient affectées tout spécialement au service de cette salle, c’étaient les Fricatores qui frictionnaient la peau et en activaient la circulation en la raclant avec des grattoirs ou spatules en ivoires, les Tractatores qui pétrissaient les muscles, les Apilarii qui épilaient le corps et les Unctores qui l’enduisaient d’huiles parfumées.
La cinquième salle, qui portait le nom de Laconicam, était une étuve sèche chauffée par un grand poêle. Un grand bouclier d’airain que l’on montait ou descendait à volonté permettait de diminuer ou de concentrer la chaleur.
Le plus souvent l’ensemble était complété par un-gymnase grec comprenant des portiques et des jardins . Il ne faut pas oublier, en effet, qu’à côté de leur rôle utilitaire et hygiénique, les Thermes sont dans une ville romaine, ce que le Gymnase est dans une ville grecque: un lieu de rendez-vous pour les oisifs! Pline nous raconte que certains Romains prenaient jusqu’à sept bains par jour, ce qui revient à dire qu’ils devaient passer au bain la plus grande partie de leur temps.
Le nombre des Thermes de Rome était de quinze à l’époque de Constantin. Publius Victor évalue à huit cent cinquante-six le nombre des établissements de bains publics ou privés qui existaient dans la Rome impériale.
L’entrée des bains publics n’était que de un quadrans ce qui correspond à un centime de notre monnaie ; celle des établissements tenus par des particuliers était plus élevée.
Pour donner une idée de l’importance des Bains publics à Rome, nous rappellerons que les Thermes d’Agrippa couvraient une surface de 36.000 mètres carrés; ceux de Caracalla, une surface six fois plus vaste, avec 1600 baignoires et qu’enfin, ceux de Dioclétien, avec leurs 3.000 baignoires, dépassaient tout ce qu’on peut imaginer.
Pour alimenter les 130 réservoirs, les 105 fontaines publiques et les 700 abreuvoirs de Rome on dut capter les sources les plus importantes de la Sabine. Cette eau, qui était destinée en grande partie à alimenter les bains publics, était amenée dans des canalisations en pierre ou en briques recouvertes de dalles pour pouvoir les visiter facilement quand elles s’engorgaient, ce qui leur arrivait fréquemment. Leur intérieur était revêtu d’une couche de ciment. Souvent ces canalisations furent remplacées par des tuyaux en poterie de 0 m. 10 à 0 m. 15 de diamètre. Parfois trois canalisations séparées par des cloisons en maçonnerie, étaient supportées par le même système d’arcades.
Bechmann qui a évalué à 1.200.000 mètres cubes le débit fourni en vingt-quatre heures par les aqueducs, dont les ruines sillonnent encore la campagne romaine (), estime que cette quantité d’eau, s’il n’y avait eu de nombreuses fuites dans les canalisations, aurait été plus que suffisante pour alimenter amplement la population de Rome. Malheureusement une grande partie était accaparée par les Thermes où elle était gàchée; elle était donc perdue sans avoir donné toute l’utilisation qu’on aurait pu en attendre. Enfin à l’exception des conduites qui amenaient l’eau dans les plus riches villas où elle servait à alimenter des rivières artificielles et des étangs regorgeant de lamproies, on peut dire qu’il n’y avait pas, à proprement parler, de distribution d’eau potable chez les particuliers qui devaient aller en chercher aux fontaines publiques. Cette profusion d’eau qui aurait pu être utilisée pour le plus grand profit de l’hygiène, ne servait donc qu’à satisfaire le luxe de quelques-uns qui jouissaient de la faveur de voir les fontaines et les jets d’eau de leurs jardins constamment alimentés d’eau pure.
A l’exemple de Rome, toutes les villes de l’Empire furent pourvues d’eau, le célèbre pont du Gard, et parmi les plus connus les aqueducs de Ségovie, de Nîmes, etc... sont là pour attester de la magnificence des constructions de l’époque. A Lutèce, en particulier, on a retrouvé les ruines de deux aqueducs contemporains de César. Les ruines de l’un d’eux qui amenait les eaux des sources d’Auteuil dans deux bassins situés à l’emplacement actuel du Palais-Royal ont été retrouvées en 1734 par Buache au bas de Chaillot ().
Dès le début les Romains jetèrent directement leurs immondices dans le Tibre, ce ne fut que plus tard qu’ils construisirent des égouts qui s’y déversèrent. Il était défendu de déposer des ordures sur les places publiques ou dans les rues; les vidanges s’effectuaient la nuit au moyen de voitures appropriées et le tout était versé dans des égouts aboutissant au Cloaca Maxima dont la construction remonte à Tarquin l’Ancien. Pour en effectuer plus facilement le nettoyage, Agrippa y fit passer une colonne d’eau ().
On a pu retrouver dans les ruines des maisons de Pompéi l’emplacement réservé aux latrines et aux W. C. et il est permis de supposer que la plupart des habitations en étaient pourvues. Ce qui est plus certain, c’est que les villes un peu importantes de l’Empire avaient des lieux d’aisance publics, qui n’étaient pas toujours gratuits, puisque des particuliers et même l’Empereur Vespasien tiraient un revenu de ces édicules.
On pratiqua à Rome la crémation et l’inhumation, mais dans l’un comme dans l’autre cas les tombeaux furent rejetés hors des murs de la ville. De la maison mortuaire le cortège se rendait au Forum où on prononçait des discours rappelant les qualités du défunt, puis de là au tombeau de famille où on plaçait le corps sur un bûcher préparé à l’avance et auquel on mettait le feu. On recueillait ensuite les cendres sur lesquelles on versait du vin et on les enfermait dans une urne (olla) que l’on plaçait dans une des niches du tombeau. Quelquefois au lieu d’incinérer le corps on le mettait dans un cercueil qui était inhumé. Les citoyens pauvres étaient enterrés très simplement et par mesure d’économie la cérémonie se faisait la nuit. Il y avait sur le mont Esquilin un cimetière public qui leur était destiné.
Vers la fin de la République et sous l’Empire on imagina les Columbaria, qui étaient de véritables tombeaux de famille et dans lesquels on pouvait ranger jusqu’à des centaines d’urnes funéraires. Les Columbaria étaient des chambres voûtées dans les parois desquelles on avait pratiqué des niches en rangées horizontales et dont la disposition rappelait celle des colombiers d’où ils avaient tiré leur nom. Tantôt les urnes que l’on plaçait ainsi dans les niches étaient de simples vases, tantôt elles affectaient la forme de bustes représentant les traits des défunts dont les noms étaient inscrits au-dessous. Des ruines de ces constructions funéraires ont été retrouvées le long des grandes voies qui partent de Rome et qui, bien entretenues et plantées d’arbres, comme à Athènes, étaient des lieux de promenade. Les plus célèbres furent la voie Appienne sur laquelle était le magnifique tombeau de Cecilia Metella, la voie Aurelia, la voie Flaminia, la voie Ostiensis et surtout la voie Tiburtina.
On peut dire que si quelques citoyens obtinrent comme une insigne faveur d’être inhumés au Champ de Mars, ce privilège fut tout à fait exceptionnel et ne fut obtenu chaque fois qu’en vertu d’un sénatus-consulte.
Ces prescriptions hygiéniques qui avaient été si bien observées par les païens ne le furent pas par les chrétiens. Avec eux disparut la pratique si recommandable de la crémation qui fut remplacée définitivement par l’inhumation. Enfin comme ils étaient désireux après leur mort de reposer le plus près possible des autels sous lesquels se trouvaient les reliques des saints, ils arrivèrent après plusieurs efforts infructueux à obtenir sous l’Empereur Constantin l’autorisation d’enterrer leurs morts autour et même dans les églises.
Nous savons par les Tabula Heracliensis que toute une série de magistrats municipaux avait été créée dans le but de veiller à la stricte observation de tous les règlements concernant les questions d’hygiène: Les Cereales surveillaient les approvisionnements; les Curatores aquarum étaient chargés de la construction et de l’entretien des aqueducs; les Curatores cloacarum avaient la police des immondices et des égouts; celle des rues était confiée à des cohortes urbaines. On organisa même dans la suite des cohortes de vigiles réparties dans les divers quartiers de Rome pour porter secours dans les incendies et les éteindre.
Nous terminerons ce rapide aperçu en rappelant avec quel soin l’Administration romaine édicta des ordonnances et des prescriptions sanitaires conseillées par des hygiénistes tels que Celse, Arétée et Galien (); si elle n’obtint pas par la stricte observation de ses règlements, tout ce que l’on était en droit d’en espérer, il n’en est pas moins vrai qu’on doit lui être reconnaissant des progrès qu’elle fit faire à l’hygiène publique, surtout si on compare cette période de son histoire avec celle qui la suivit immédiatement.