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Les romans sont l’histoire de la vie. Histoire bizarre et exceptionnelle, il faut en convenir, mais qui n’en est pas moins vraie, en ce qu’elle s’attache fidèlement aux exceptions et aux bizarreries de la vie réelle. La société, cette grande machine aux rouages compliqués, broie impitoyablement les individus que l’imprudence ou le malheur jettent en dehors de la voie commune. Mais ces êtres, par cela seul qu’ils souffrent, ne méritent-ils pas d’attirer l’attention et l’intérêt?

Au sortir de ses humanités, couronnées de brillants succès, Léon Fernin, conformément au programme de ceux qui présidaient à ses destinées, s’était vu transplanter sans secousse dans la pépinière sacerdotale. Aux yeux de sa mère, cette métamorphose s’était opérée tout naturellement, par la calme force des choses, comme le fruit succède à la fleur, comme la chrysalide devient papillon. D’abord il s’était assez bien arrangé de cette existence cléricale, doucement préparée devant lui. S’élançant dans l’idéal sur les ailes d’une piété sensible et rêveuse, grâce au culte et à la culture de la poésie mystique, il planait le plus souvent au-dessus des vulgarités de son entourage. Mais quand les voix intérieures se taisaient, il souffrait affreusement d’un vide indéfinissable, que rien ne venait combler. Alors son cœur se fondait en aspirations brûlantes vers un but inconnu. Nostalgie fatale, qui émousse dans sa fleur l’énergie de l’âme, et qui imprime à la vie entière une teinte mélancolique, si funeste à l’action!.

L’affection est le grand besoin des cœurs purs. Aussi que de fois Léon avait essayé de reposer le sien, et de le rafraîchir, dans les épanchements de l’amitié! Mais presque toujours il s’était meurtri aux aspérités et aux méfiances des natures froides et compassées du milieu où il vivait. Une fois pourtant, il avait trouvé l’étoffe d’une amitié solide dans un de ses condisciples, plus âgé que lui de deux ans, l’abbé Hairlie, d’un caractère franc et loyal, d’une intelligence élevée, d’une humeur bienveillante et originale. Cet ami allait prononcer, en recevant le sous-diaconat, les trois grands vœux d’humilité, de pauvreté et de chasteté; triple engagement dont les candidats, vu l’entraînement tout à fait spécial auquel ils sont soumis dès l’enfance, ne sont guère aptes à mesurer la portée.

A dire le vrai, l’humilité et la pauvreté sont deux vertus d’une pratique peu gênante, puisque, le cas échéant, il suffit de les exercer «en esprit», «la lettre» n’obligeant pas étroitement. On peut, en effet, devenir évêque, cardinal ou pape, être criblé d’honneurs et de richesses, pourvu qu’on reste humble et pauvre par «le renoncement intérieur». Comme on le voit, on nage ici en pleine métaphore; il est avec l’humilité et la pauvreté de mirifiques accommodements.

Mais la chasteté?. La question, en cette matière, se pose plus délicate et plus brûlante. M. Tartufe ne peut-il prétendre, pour justifier ses fantaisies, que «chasteté», à tout prendre, est purement et simplement synonyme de «célibat»?… Hélas! la vérité, pour les cœurs sincères, la voici: on s’engage sans savoir; eusuite, on se tire d’affaire comme on peut. C’est un compte obscur à régler entre «la nature et la grâce.»

Quoi qu’il en soit, la collation du sous-diaconat, base du sacerdoce, est la cérémonie la plus saisissante de l’Eglise catholique, passée maîtresse, en fait de spectacles, à la grande école du paganisme, dont elle garde à travers les siècles la langue vibrante et sacrée. Le moment où les jeunes lévites, après l’admonestation solennelle lue par l’évêque au Pontifical, font résolument un pas en signe d’acquiescement définitif, puis tombent, prosternés et immobiles, pour marquer qu’ils sont morts au monde, constitue assurément un des coups de théâtre les plus capables d’émouvoir le spectateur le plus endurci.

Léon avait ressenti vivement le contre-coup des pensées qui agitèrent alors l’âme de son ami. La Muse lui avait même fourni, pour la circonstance, des accents émus et pathétiques.

Le pontife, élevant sa voix grave et sonore,

A dit: «Considérez, nos enfants bien-aimés,

Tandis qu’il en est temps, considérez encore

Quel lourd fardeau vous réclamez!

Votre âme est libre encor!. Pour la croix du Calvaire

A tout quitter au monde êtes-vous résolus?.

Quand vous aurez franchi le seuil du sanctuaire,

Vous ne vous appartiendrez plus!

Il faudra que votre âme, au Seigneur asservie,

Soit toujours chaste et pure, avec l’aide de Dieu;

Il faudra, jour par jour, consacrer votre vie

Au ministère du saint-lieu.

Vous donc, que des autels le zèle ardent dévore,

Une dernière fois, amis, réfléchissez!.

Et si dans votre vœu vous persistez encore,

Au nom du Seigneur, avancez!.»

Et tu l’as fait, le pas sublime,

Lepas grand à l’œil de la foi,

Et ce pas amis un ab m e

Entre le monde impur et toi!

Ah! transporté d’un saint délire,

C’est aujourd’hui que tu peux dire

Avec chaleur et vérité:

«J’ai pris le Seigneur pour partage;

Il me rendra mon héritage

Au soleil de l’éternité!»

Toi, dont le noble esprit s’enflamme

Au souffle d’un beau sentiment,

Dis-moi ce qu’éprouvait ton âme

Dans cet ineffable moment!

Dis-moi ce qu’à l’instant suprême

La voix du Tout-Puissant lui-même

Murmurait au fond de ton cœur,

Lorsque, te couchant sur la pierre,

L’esprit de force et de lumière

Foulait ton front d’un pied vainqueur!

Sur toi du soleil de justice

Un chaud rayon s’est répandu;

Sur l’autel de ton sacrifice

Le feu du ciel est descendu!

Frappé d’un divin caractère,

Ton être s’arrache à la terre

Pour se vouer entier à Dieu;

Riche des biens dont il l’inonde,

Que ton âme aux plaisirs du monde

Dise un irrévocable adieu!

Mais que sont les plaisirs du monde,

Source de regrets-superflus,

Comparés à la paix profonde

Dont Dieu couronne ses élus?

Que sont les chimères d’un rêve

Pour ceux que le Très-Haut élève

Au pied de son trône vermeil?

Du haut des sphères étoilées,

Que sont les ombres des vallées

Pour l’aigle, qui vit du soleil?.

C’étaient là, si l’on veut, des mots, rien que des mots, des rimes, rien que des rimes, un dithyrambe pauvre d’idées, des bagatelles sonores, des couleurs imprimées sur des ombres. Mais une affection pareille n’avait-elle pas droit au respect? Hélas! les règlements ecclésiastiques n’admettent point les «amitiés particulières». Rarò solus, nunquàm duo, semper tres: «rarement seul, jamais deux, toujours trois», est un axiome de la police cléricale. Pourquoi? Seul, on réfléchit, et la réflexion n’est pas toujours orthodoxe. A deux, on raisonne et l’on se pervertit mutuellement. Mais quand on est trois, à la bonne heure! il n’y a plus de danger: on se surveille.

Froissé dans ses tentatives d’expansion, Léon s’était replié douloureusement sur lui-même. Puis il avait voulu chercher dans les livres saints un remède au mal qui le consumait. Mais ici encore, nouvelles angoisses: la lecture du Cantique des Cantiques faisait passer dans son âme des éblouissements et des vertiges. Comme un enfant maladroit, sa sensibilité malheureuse se blessait à tout. Un jour, son directeur était entré dans sa cellule et lui avait enlevé, par mesure de précaution, la Sainte-Bible, ce fondement classique de la bibliothèque d’un lévite. Précaution singulière, et qui plaçait Léon dans le cas inouï d’un jeune lycéen auquel on confisquerait son Lhomond!

L’étude de la théologie avait été pour lui une déception foudroyante. Cette prétendue science, dont les principes sont des cercles vicieux tournant misérablement sur eux-mêmes; ce fatras informe d’assertions arrogantes où, sur la même question, tel docteur dit blanc, tel autre dit noir, tel autre dit blanc et noir à la fois, inquiétait sa raison en ébranlant ses croyances. La brutalité chirurgicale–avec laquelle il voyait violer toutes les délicatesses, toutes les pudeurs, toutes les virginités de l’âme, le révoltait. Certaines révélations choquantes entrevues dans les traités élémentaires destinés aux novices, telles que l’origine scabreuse de la «confession auriculaire» ou l’orgie sacro-sainte intitulée «inceste spirituel», et bien d’autres étrangetés monstrueuses, achevaient de porter le trouble dans son entendement.

–Mon Dieu! mon Dieu! gémissait-il avec une probité anxieuse, voilà donc ce que les docteurs ont fait de la religion!. et n’y a-t-il, en ce bas monde, qu’une foi possible, qu’une foi vraiment sincère et consolante, la foi du charbonnier!.

Léon n’avait jamais osé lever les yeux sur une femme. Naturellement timide et craintif, ses manières s’étaient, en outre, ressenties de l’influence d’une éducation où la réserve extérieure et la modestie du regard tiennent une place si importante. Ajoutez à cela que les prescriptions cléricales avaient trouvé un puissant auxiliaire dans Mme Fernin. L’excessive sensibilité dont elle voyait son fils pourvu faisait, à tout propos, trembler cette maman dévote pour la réussite de ses projets. Or, ses projets prenaient une envergure ambitieuse. Depuis quelque temps déjà, la petite cure de campagne n’était plus que la première étape du rêve maternel. Des triomphes de prédicateur, puis une mitre d’évêque, puis, qui sait? le chapeau de cardinal peut-être, miroitaient vaguement à l’horizon.

Pour mieux combattre la vivacité d’impressions qui l’inquiétait si fort chez son fils, Mme Fernin résolut de lui donner pour gardienne, en la développant le plus possible, cette timidité native qui, pour passer à l’état de sauvagerie, n’a pas besoin de bonnes raisons. Donc, persuadée que la fin justifie les moyens, elle s’en allait répétant sans cesse à Léon qu’il était physiquement disgrâcié de la nature; et le ton d’hypocrite commisération qu’elle savait prendre, en certaines circonstances, pour déplorer ce malheur, était, aux yeux du pauvret, une preuve écrasante de sincérité.

Hâtons-nous de rassurer nos lectrices: Léon n’était nullement affreux, comme sa mère, uniquement par prudence intéressée, tenait tant à le lui persuader. Ses traits, à la vérité, n’avaient rien de commun avec ces jolies figures de cire qu’on voit parader à l’étalage des coiffeurs; mais l’ensemble de sa physionomie, mobile et expressive, respirait l’honnêteté et attirait la sympathie. Ses cheveux, longs et un peu incultes, naturellement bouclés, eussent fait le bonheur d’un rapin réaliste. Il avait le front large, le regard vague et songeur, le sourire triste et doux. La voix, doucement timbrée dans le medium, d’abord voilée, s’enhardissait peu à peu, et, par instants, éclatait chaude et persuasive. Enfin la taille, moyenne mais bien prise, le buste solidement assis sur des hanches saillantes, les jambes nerveuses et correctement proportionnées, donnaient un respectueux démenti au dire habituel de Mme Fernin. Dieu merci, Léon n’avait aucune raison plastique de bénir la robe sévère dont l’Église enveloppe ses membres comme d’un linceul.

Mais si bien ourdie et si serrée que fût la trame des ruses maternelles, elle n’avait fait qu’ajourner le danger. Le serpent, ce type traditionnel de la tentation, se joue à travers les haies les plus épineuses et les plus touffues. Pareil au Protée antique, il sait prendre toutes les formes. C’est sous les traits de la Charité qu’il avait pénétré jusqu’à Léon.

Ce jour-là, Saint-Cyr fêtait les Petites-Orphelines. Pour exciter la bienfaisance dans l’âme des auditeurs, l’évêque, du haut de la chaire, avait dit les douceurs de la pitié et fait entendre les cris lamentables du mauvais riche. Après le sermon, par une concession aux idées mondaines, et aussi pour mettre en jeu la vanité, cette compagne trop ordinaire des actions des hommes, une femme jeune et belle, élégamment parée et conduite par un brillant cavalier, devait solliciter l’aumône des assistants. Tout le monde était mis à contribution dans la circonstance; les lévites eux-mêmes allaient verser leur obole. N’est-on pas toujours assez riche pour secourir l’indigence de l’orphelin?

Donc, la quêteuse avait passé dans le chœur, pour y recueillir l’offrande du clergé; mais, entre la double rangée de stalles, le passage était étroit, et les ondes soyeuses de la robe bruissaient doucement en frôlant les surplis de batiste. Les gros sous pleuvaient canoniquement dans la bourse aux glands dorés. Quand la quêteuse était arrivée devant Léon, le pauvre garçon s’était troublé si bien, qu’il avait eu peine à trouver d’abord sa monnaie. Il y avait eu, de part et d’autre, un instant d’embarras. Enfin, en laissant tomber dans l’aumônière une toute petite pièce blanche, la main du lévite avait tremblé visiblement.

A quoi tient parfois la destinée!. Et comme la nature, méconnue et refoulée par une sotte éducation, prend des revanches irrésistibles!. Un regard modeste, banalement décoché par la quêteuse, décida, en grande partie, du sort de Léon. Ebloui par une sorte d’intuition soudaine et vaguement révélatrice, il venait d’entrevoir, comme dans un éclair, tout un monde nouveau de poésie flottante et de rêves inexplorés. Et, pendant le reste de l’office, tandis que les chantres psalmodiaient complies, une pensée étrange occupait obstinément son esprit: «Il devait être bien heureux, celui qui accompagnait cette femme!…»

A partir de cette journée, une révolution avait commencé de s’accomplir dans les idées de Léon. Ses conférences avec son directeur jetaient dans son âme une vive inquiétude. Il se demandait franchement si la prêtrise était bien l’état auquel Dieu l’appelait. Malgré les efforts tentés autour de lui pour endormir ses scrupules, il n’était pas homme à tergiverser avec sa conscience. Une seule pensée l’affectait sensiblement et le faisait hésiter encore: c’était le chagrin qu’il allait, à n’en pas douter, infliger à sa pauvre mère. Certes, il l’aimait assez pour s’imposer à cause d’elle tous les sacrifices humains; mais ici il ne s’agissait pas d’un goût, d’un caprice à immoler: son salut éternel était en jeu.

–Mieux vaut, pensait-il avec une ardente sincéreté, mieux vaut se sauver dans le monde que courir le risque de se damner dans le sanctuaire.

Et comme il connaissait ses auteurs, il ajoutait, avec une terreur profonde:

–«L’enfer est pavé de têtes de prêtres!.» C’est saint Bernard qui l’affirme.

Le résultat de ce long examen de lui-même avait été, pour Léon, la résolution d’étudier sa vocation dans le monde, ou, pour mieux dire, hors du séminaire; car ce mot «le monde» n’avait, et ne pouvait avoir pour lui, ni signification précise, ni expérimentation pratique. En conséquence, muni d’un congé renouvelable, il était revenu chez sa mère.

Tout d’abord, Mme Fernin avait éprouvé dans son amour-propre une douloureuse secousse: qu’allait-on penser, qu’allait-on dire dans le public? Mais, réflexion faite, elle n’avait pas conçu, au fond de l’âme, d’inquiétudes sérieuses. Il n’y avait là, selon toute apparence, qu’un temps d’arrêt dans la réalisation de son programme. Elle comptait même voir son fils, guéri bien vite de sa folie, rentrer de lui-même au bercail, honteux et confus de son escapade. C’est dans cette période indécise et expectante qu’elle l’appelait «original»: qualification aigre-douce destinée à blâmer sournoisement sa conduite, et répétée en chœur, sur des intonations diverses, par les familiers de la maison.

Pourtant, quand elle avait vu Léon pencher vers une résolution contraire à ses vues, Mme Fernin n’avait plus trouvé la force de maîtriser son irritation; et c’était avec un déchirement de cœur des plus expansifs dans le tête-à-tête, qu’elle déplorait l’ébranlement si imprévu de ses espérances. Blessé dans ce qu’il avait eu jusqu’alors de plus saint au monde, son affection pour sa mère, Léon, de son côté, devenait intraitable et cassant. Son caractère s’aigrissait dans cette lutte, où il lui semblait qu’on voulùt marcher sur son cœur pour violenter sa conscience.

Les hostilités ainsi entamées, sur un petit théâtre où le moindre incident prenait des proportions dramatiques, la vie fût devenue à bref délai insupportable pour la mère comme pour le fils, sans l’intervention de tante Germille qui, informée des faits par son neveu, s’était empressée de le mander auprès d’elle.

En arrivant à Nevers, avant de se montrer en ville où il connaissait assez de monde, Léon avait consenti, non sans peine, à échanger sa soutane contre l’habit du commun des mortels. Tante Germille, avec son bon sens ordinaire, avait conseillé et obtenu cette rectification de costume.

–A quoi bon tant d’étoffe inutile autour de ta personne? avait-elle dit pour vaincre les dernières hésitations de son neveu. Voyons, raisonnons un peu, je te prie. Es-tu prêtre? Non. Vas-tu le devenir? J’en doute. Dès lors, si tu m’en crois, mon garçon, remisons, provisoirement du moins, ta robe avec les miennes. Plus tard, si l’envie t’en reprend, tu reprendras toi-même cet uniforme que, pour l’instant, tu n’as aucune raison de porter. Qu’en dis-tu? je vais envoyer Manette aux Armes de France, avec ordre de faire apporter des habillements complets, pour que tu choisisses à ta taille et à ton goût.

Et, par parenthèse, n’est-ce pas une idée au moins baroque et imprudente, que celle d’infliger la robe ecclésiastique à de jeunes morveux de seize ou dix-sept ans, qui n’appartiennent pas à l’Église, qui ne lui appartiendront jamais peut-être? Plus tard, pour ceux qui persévèrent, les vœux du sous-diaconat, s’ils les affrontent, seront les fourches caudines de la servitude volontaire. Mais en attendant, cette tunique de Déjanire s’attache à la peau; et plus d’un novice, après l’avoir étourdiment endossée, hésite et souffre en face de ce dilemme inexorable: «Ridicule, si je la quitte; criminel, si j e la garde!…»

Tranquillement abrité sous l’aile protectrice de sa tante, Léon avait éprouvé, durant quelques jours, l’étonnement et l’embarras d’un captif né dans les fers et qui, par enchantement, acquerrait la liberté. Puis, revenu du premier éblouissement, il avait pris possession de lui-même avec impétuosité. Une préoccupation dominante enfiévrait son imagination: qu’était donc ce monde dont on semblait vouloir lui interdire l’entrée avec un glaive flamboyant?

De nos jours, où les croyances et l’enthousiasme, fatigués et exploités par les mystificateurs mystiques et les charlatans de haut parage, ont fait place au scepticisme et à l’ironie, qui ne sait ce que l’on entend surtout par «distractions de la jeunesse»? Qui d’entre nous ne connaît la profondeur de certaines plaies, sinon comme malade, aveu pénible à l’amour-propre, du moins comme moraliste, prétention mieux faite pour flatter l’orgueil?. Ce que Léon entrevoyait du monde lui causait des chagrins mortels ou des dégoûts insurmontables.

–Est-ce donc là, pensait-il avec amertume, est-ce donc là ce qu’on appelle la vie?

Il se reprochait d’avoir, pour si peu, fait couler les larmes de sa mère. La touchante parabole de l’Enfant-prodigue se retraçait vivement à son imagination. Il délibérait en lui-même s’il n’irait pas reporter à Dieu un cœur presque aussi vite repentant qu’égaré. Mais un événement considérable et imprévu avait tout à coup changé le cours de ses idées, en venant fournir un aliment à son besoin d’émotions. Nous voulons parler de l’arrivée à Nevers de la baronne Laure de Comberouse.

La soutane aux orties

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