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III
LES BARRICADES

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Table des matières

Ce fut le premier réveil de Jacques. Cette société détestée, loin d’être détruite, était donc si peu ébranlée sur ses bases qu’elle eut raison de lui par un seul mot d’un de ses membres. Il partit néanmoins sans douter encore de l’avenir et prêt, par les confidences de Michel et de son père, à courir les hasards d’une lutte plus décisive qui s’organisait dans l’ombre. Le fait est qu’une autre république–plus vraie, celle-là,–se proposait de surgir en armes de la colère du peuple, qui se croyait trompé, et de ses misères, qui étaient restées les mêmes.

Les journées de juin s’annonçaient sourdement ainsi.

Michel et son père savaient que leur parti comptait sur eux, et ils étaient agités et perplexes. Il n’était pas jusqu’à l’animosité extrême de Jacques contre toute hiérarchie sociale qui ne les fit hésiter. Dans la détresse qui mettait les armes aux mains des malheureux, ils apercevaient le ressentiment implacable de quelques-uns, la surexcitation des passions mauvaises, le désir quand même de la révolte et du désordre.

Cependant c’étaient des gens de la même origine qu’eux, souffrant de maux qu’ils avaient connus, capables de s’élever un jour à la liberté. Ils n’hésitèrent pas, ou plutôt se résignèrent.

Ce n’était pas un appoint sans importance que le forgeron et son fils apportaient à l’insurrection. Chacun d’eux commandait à cinquante ouvriers, des plus solides et des meilleurs, naïvement convaincus de la bonté de leur cause et prêts à verser tout leur sang pour elle. Les plus vieux étaient sous les ordres d’Huguenin; leurs enfants obéissaient à Michel. Quant à Jacques, il était le chef de cent étudiants, jeunesse insouciante et bohème, moqueuse et brave, qui avaient les traditions de leurs aînés aux nombreuses émeutes du règne de Louis-Philippe et qui voulaient sauver la République. Ils la voyaient terrassée de nouveau pour longtemps par la société qu’elle avait tenté d’abattre, si elle ne sortait pas triomphante des journées de juin.

C’étaient, en effet, ces redoutables et terribles journées qui commençaient. Paris venait de se hérisser de barricades et s’insurgeait. Il était là, replié sur lui-même à son centre, présentant ses remparts improvisés de pavés et de madriers à l’armée qui devait l’attaquer.

Huguenin avait le commandement des trois groupes, Michel et Jacques s’étaient, d’ailleurs, dès le premier moment, placés sous ses ordres. On lui confia la défense d’une des principales barricades qui avoisinaient le Panthéon.

Cette barricade s’élevait, non loin de la place même, à l’entrée d’une rue montueuse, à dos d’âne, qui, parvenue à son point le plus haut, s’inclinait ensuite en pente douce dans le cercle présumé de l’attaque. Il y avait donc à fermer la rue par le haut, comme elle était déjà fermée par le bas. Il fallait aussi percer les maisons à chaque étage afin de prolonger la résistance si l’on se décidait à s’y retrancher. Il y avait enfin à s’assurer, par les rez-de-chaussée et les cours, des retraites faciles, au cas d’un irréparable échec. Ces derniers soins échurent à la troupe de Jacques. La besogne était moins pénible, mais exigeait plus de sagacité et de légèreté de mouvements.

Michel fut chargé de construire la barricade d’en haut. Grâce à sa position dominante, elle devait n’être que de hauteur d’homme et facilitait un feu plongeant et meurtrier sur l’ennemi.

Les rudes et vieux compagnons d’Huguenin eurent à compléter la barricade d’en bas qui n’était qu’ébauchée.

Tous se mirent à l’œuvre. A la barricade principale s’entassaient, les uns sur les autres, les pavés et les meubles épais, enchevêtrés avec des roues de voiture et des morceaux de fer qu’on assemblait par des cordes. Le tout se revêtait par endroits d’une cuirasse molle et profonde de coussins et de matelas afin d’amortir les boulets et les balles, tandis que d’énormes madriers, s’arc-boutant par derrière à ce lourd échafaudage, le maintenaient debout et le soutenaient.

Les femmes, en grand nombre, venant du dehors par les issues étroites qu’on ménageait à maint intervalle, apportaient des vivres et du vin, faisaient la cuisine en plein vent. Elles étaient nerveuses et bruyantes, essuyaient la sueur qui coulait du front de leurs hommes et les embrassaient chaudement dans les instants de repos.

Il n’y avait pas de tristesse, le travail, quel qu’il soit, distrayant les âmes.

Entre tous ces hommes, il s’établissait, par ce soleil de juin qui embrasait le sang et échauffait les têtes, une sorte de fraternité farouche et franche. Plusieurs pourtant avaient une attitude particulière. Ils exagéraient l’emportement politique, la fougue dans le labeur, et, s’ils s’arrêtaient par moments, comme épuisés de chaleur et de force, c’était pour observer avec soin ce qui se passait autour d’eux. Quelques-uns même avaient disparu, mais le fourmillement des enfants et des femmes était tel qu’on ne s’était point aperçu de leur absence. Ils ne se réunissaient point en groupes, mais se comprenaient par un signe, par un coup d’œil, obéissant à une discipline occulte.

Celui qui paraissait leur chef était un petit homme, malingre et chétif, aux yeux perçants, à la physionomie fine et rusée.

Il était toujours au plus fort de la bagarre et partout à la fois, de sorte qu’on n’eût pu déterminer au juste à laquelle des trois bandes il appartenait. On s’était néanmoins habitué à le voir; car, sans savoir son nom, tantôt un étudiant, tantôt un ouvrier, l’appelait familièrement. Il donnait des conseils judicieux et comptait pour quelque chose; car il remplaçait la vigueur par l’adresse et se rendait utile.

Jacques, qu’il observait peut-être, l’avait remarqué. Michel, en passant, avec une cordialité juvénile, lui avait adressé quelques mots d’encouragement; mais l’homme évitait la rencontre d’Huguenin, qui, à deux ou trois reprises, l’avait regardé d’un air sévère et défiant.

Vers le milieu du second jour, tous les préparatifs étaient terminés; on avait renvoyé les femmes; l’ordre et le silence régnaient aux deux barricades, et chacun était à son poste. Michel gardait le haut de la rue avec les jeunes ouvriers; la troupe d’Huguenin était en bas au grand ouvrage. Les étudiants de Jacques, fractionnés en deux corps, renforçaient par moitié chacune des autres bandes. Huguenin allait d’une défense à l’autre, s’assurant qu’aucun détail n’avait été négligé, et, parfois, gravissant le point le plus élevé, tâchait de deviner avec une lorgnette ce qui se passait au loin.

On n’attaquait pas de ce côté; mais, çà et là, sur toute la ville, la bataille éclatait par intermittences. On entendait le canon, le roulement des feux de peloton, le crépitement isolé de la fusillade. Puis le silence se faisait et l’on apercevait des nuages, gros de fumée blanche, qui montaient lentement avec des reflets rouges, vers le ciel d’un azur foncé.

Les insurgés se disaient que c’était la garde nationale qu’on essayait en la lançant en avant pour donner de la confiance aux troupes de ligne. Ils s’étonnaient toutefois que la lutte ne s’engageâ que par des combats isolés et plus ou moins sérieux, Pourquoi leur avait-on laissé le loisir d’organiser leur vaste système de défense? Sans doute pour les anéantir tous par un choc formidable et décisif. Cette pensée, qui exaltait les vaillants, pénétrait leurs camarades moins résolus d’un certain malaise et d’un vague effroi. C’était surtout l’homme sans nom qui répandait ces bruits-là et qui, tout en riant, dans un langage gouailleur et ambigu, soufflait à la fois sur cette réunion d’hommes la peur et le courage.

Cependant, à la fin de l’après-midi de ce second jour, on vit du côté de la petite barricade, celle du haut, un bataillon de gardes nationaux se former en colonne d’attaque. Les défenseurs s’apprêtèrent sans bruit, passant dans les meurtrières les canons de leurs fusils. Ils attendaient, maîtrisés dans leur impatience par Huguenin, qui, seul au-dessus du parapet, la main étendue, devait, par un geste, donner le signal du feu.

Tout à coup, les gardes nationaux s’élancèrent au pas de course en assez grand désordre. Leur masse épaisse, alignée parles maisons, roulait par la chaussée vers la barricade. Ils ne vinrent même pas en heurter le pied. Une détonation soudaine, froidement ajustée, les accueillit à une centaine de mètres et les renversa sur le sol. Ceux qui restaient debout déchargèrent leurs armes sur leurs invisibles adversaires et s’enfuirent à la hâte, tandis que les insurgés poussaient un grand cri de victoire. Ce triomphe facile était néanmoins trop chèrement payé. Huguenin, atteint d’une balle à l’épaule, tombait dans les bras de ses compagnons.

Ce devait être le seul épisode de cette journée. Tout en encourageant les insurgés, il les inquiéta par la perte de leur chef. Ce fut à Michel que le commandement échut. Il n’avait d’ailleurs qu’à ne rien changer aux dispositions prises par son père. Celui-ci avait été transporté dans sa maison, où il recevrait tous les soins qui lui étaient nécessaires et ne courrait aucun danger; car personne, dans son quartier, n’eût trahi le vieux forgeron.

Jacques s’était chargé du transport. Il avait fallu toute l’intelligence des étudiants qui l’accompagnaient, leur grande connaissance de la ville, pour mener l’entreprise à bonne fin. C’était au travers du réseau des barricades qu’ils s’étaient acheminés, et, à la dernière qu’ils avaient choisie, la plus isolée et la moins menacée, ils avaient dû attendre pour plus de sûreté, avant de se risquer au dehors, l’obscurité du soir.

L’heure était assez avancée quand Jacques fut de retour. Tout d’abord, il tranquillisa Michel, puis se mit à marcher en causant à côté de lui. Sauf les sentinelles, les insurgés dormaient ou se parlaient à voix basse par petits groupes. La nuit était calme et d’une admirable sérénité. Il ne s’élevait de la ville qu’une rumeur sourde, indécise, triste pourtant et solennelle. C’était bien la veillée des armes, en face d’un lendemain inconnu et redoutable, que faisaient là les deux jeunes gens. Leurs âmes ne faiblissaient pas; mais leurs cœurs s’oppressèrent et d’un même mouvement ils se prirent les mains.

–En tout cas, Michel, dit Jacques, nous nous serons bien aimés jusqu’à la dernière heure.

–Pourquoi parles-tu de la dernière heure, mon cher Jacques? répondit Michel; nous aurons tous les deux de longues années à vivre.

–Non, je ne crois pas, répondit Jacques, j’ai le pressentiment que je serai tué.

–Pourquoi l’aurais-tu? Ne sommes-nous pas frères? et, moi, je ne l’ai pas. Je pense, au contraire, que nous sortirons sains et saufs de la grande bataille de demain.

–Tu penses alors que ce sera pour demain?

–Pour quand serait-ce? On ne peut demeurer indéfiniment ainsi l’arme au pied, les uns en face des autres; et, puisqu’on ne peut nous affamer, il faut bien que ça commence ou que ça finisse, comme tu voudras.

–Tu as raison; mais, quant à moi, que j’aie tort ou non de croire que je serai tué, j’ai une prière à te faire.

–Je t’écoute, fit amicalement Michel.

–Eh bien, si je suis tué, je veux que mon père l’ignore. Il ne sait pas ce que je suis devenu, je veux qu’il ne le sache jamais. Que la justice rentre ou non dans son cœur pour la pauvre femme qu’il accuse, l’enfant qu’il a chassé de sa maison sera perdu pour lui. Et, pour cela, il faut que rien après ma mort ne me fasse reconnaître. Tiens, continua-t-il, j’ai là deux lettres de ma mère, les seules qu’elle m’ait écrites, car je vivais toujours près d’elle. Voici un médaillon qu’elle m’a donné. Prends tout cela, garde-le précieusement en souvenir de moi.

–Jacques, fit Michel, si je ne t’aimais autant, je t’en voudrais de tes pressentiments. J’étais si ferme et si confiant, me voilà devenu triste.

–Mais je ne le suis pas, moi, répondit Jacques. Maintenant que je me suis mis en règle avec la destinée, je me sens plus fort, et, peut-être, ne m’arrivera-t-il aucun mal. Ce soir, Michel, nous nous retrouverons vainqueurs et joyeux.

–Non, dit Michel en secouant la tête, nous ne serons pas vainqueurs. Je n’ai point ta haine contre ceux que nous combattons, Jacques. Cette guerre est impie, et c’est nous qui l’avons provoquée.

Jacques ne répondit pas, et les deux amis se promenèrent silencieux.

Bientôt l’aube blanchit. La pâle et sereine clarté de la nuit fit place à de légères lueurs roses, l’air devint plus vif, puis le jour se fit éclatant et pur, tandis que le soleil, qui se levait et qu’on ne pouvait voir, projetait sa splendeur sur le ciel bleu. En même temps, mille bruits divers retentirent dans la ville. La trêve de l’obscurité était rompue. C’étaient de bourdonnantes clameurs, des piétinements d’hommes et de chevaux, des roulements de caissons et d’artillerie mêlés à ceux des tambours et aux aigres fanfares des clairons. Puis la fusillade et la canonnade éclatèrent presque partout à la fois. La troisième journée commençait.

En un instant, les hommes de Michel et de Jacques furent à leurs postes, sombres et résolus. L’angoisse et l’attente les étreignaient; car on ne les attaquait point encore, et, heure par heure, ils devinaient au loin les progrès de la bataille.

Toutefois, dans l’après-midi, ce fut leur tour. Ils s’aperçurent qu’on mettait des pièces en position contre leur grande barricade. On laissait tranquille celle d’en haut. Bientôt les boulets arrivèrent à intervalles égaux, comme dans un exercice. L’ennemi était sûr de son temps et de ses coups.

Les boulets, d’abord, ne parurent pas produire d’effet. Ils s’amortissaient dans les matelas ou s’enfonçaient dans les madriers, n’ébranlant que faiblement l’énorme charpente. Alors on employa les obus. Ils éclataient, moins redoutables, mais embrasaient l’endroit qu’ils touchaient. Les insurgés, avec des seaux d’eau préparés à l’avance, éteignaient l’incendie.

On eut de nouveau recours aux boulets. Envoyés en un tir convergent, ils arrivèrent à la fois à la même place. La barricade craqua. Aux volées suivantes, elle s’effondra lentement, s’affaissant sur elle-même ou retombant en arrière. Il y avait brèche. Ce fut ensuite une coupure qui affecta les formes d’un triangle renversé. Les deux côtés se rejoignaient en bas, s’écartaient en l’air. Le canon se tut. On se disposait à l’assaut.

Ce n’était plus, comme la veille, la garde nationale, c’était la troupe de ligne. Deux files de soldats s’élancèrent perpendiculairement, en longeant les maisons, aux deux extrémités de la barricade. Puis, à une cinquantaine de mètres, elles se réunirent en une seule colonne, pour assaillir la brèche qui était béante. Les insurgés firent feu. En tirant dans le tas, ils étaient certains à peu près de toucher chacun son homme. Les assaillants fléchirent sous cette fusillade et flottèrent sur eux-mêmes. Mais ce ne fut qu’une seconde d’indécision et de déroute. A la voix de leurs officiers, ils se reformèrent, et, tête baissée, la baïonnette au bout du fusil, ils se reportèrent en avant.

Le colonel à leur tête agitait son épée et leur montrait le but. Ils se prirent alors corps à corps avec les insurgés dans les débris de tout genre qui se dérobaient sous leurs pieds. Manquant d’espace pour se fusiller, ils se battaient, les uns et les autres, à l’arme blanche, à coups de crosse ou de barres de fer. Les défenseurs des deux barricades étaient là, Michel se dressait au milieu d’eux, frappant de son fusil, comme d’un fléau, les soldats qui l’entouraient.

Quant à Jacques, depuis quelques instants, à quelques pas en arrière, il restait glacé d’effroi. Dans le colonel, entré le premier par la brèche, il avait reconnu son père. M. de Breslac, ivre de sang et de colère, s’ouvrait une trouée sanglante. Il se servait de son épée comme en un duel multiple, avec tant de rapidité et de furie, que le vide se faisait autour de lui.

Il marchait toujours, ne s’inquiétant plus d’être suivi, et se trouvait isolé de ses hommes. Précisément, ceux-ci faiblissaient, tombaient morts ou blessés, ou étaient rejetés en dehors de la barricade. Les insurgés avaient le dessus. Ce fut alors qu’ils se retournèrent, n’ayant plus d’ennemis devant eux et cherchant s’il n’en restait pas quelques-uns derrière. Ils aperçurent le colonel.

A sa vue, il y eut une exclamation, moins de triomphe que de haine impatiente et de férocité inassouvie.

Cent voix s’écrièrent:

–Qu’on le fusille! qu’on le fusille!

En un instant, il fut cerné, désarmé, poussé contre la barricade. Dix fusils s’abaissèrent et le mirent en joue. Le vieux soldat avait croisé ses bras sur sa poitrine et regardait ses assassins d’un œil intrépide.

Tout à coup, Jacques s’élança et couvrit le colonel de son corps.

–Ne tirez pas, dit-il, c’est mon père!

Les insurgés, profondément surpris, hésitaient; mais la colère et le désir de vengeance restaient chez eux les plus forts. L’un d’eux, un colosse, animé jusqu’à l’ivresse par le combat, brandit en l’air son fusil, puis, de nouveau, ajusta M. de Breslac.

–Tant pis pour toi si c’est ton père! cria-t-il à Jacques.

Et il fit feu.

Mais ce ne fut pas le colonel qu’il atteignit, ce fut Jacques. Le jeune homme, frappé en pleine poitrine, tomba aux pieds de son père. Alors celui-ci se baissa, prit Jacques dans ses bras et le contempla avec un indéfinissable sentiment de pitié, de tendresse, d’horreur et de doute. Il ne s’inquiétait plus s’il allait mourir; il n’avait de regard et de pensée que pour cet enfant qui était mort pour lui.

Quant aux insurgés, cet acte sauvage de leur compagnon les remplissant d’une terreur indécise, ils s’étaient détournés. Les jeunes camarades de Jacques étaient pâles et frémissants. C’était la guerre civile, avec ses assassinats pour cortège, qui se dressait devant eux.

Michel, qui n’avait rien vu, se battant le dernier, devinait tout, accourait éperdu. Mais, en même temps, une épaisse colonne de soldats marchait, au pas de charge, à la barricade. C’étaient les soldats du colonel qui s’étaient ralliés, qu’un autre régiment appuyait, et qui venaient sauver ou venger leur chef.

Les insurgés, devant ce flot d’assaillants, déchargèrent leurs armes au hasard et s’enfuirent. Michel essaya d’abord de les arrêter; mais, comprenant aussitôt que c’était impossible, il les dirigea vers la seconde barricade, la leur fit franchir, et, se portant au delà avec les plus braves, tira sur l’ennemi.

Ces quelques coups de feu ne pouvaient contenir cet ouragan d’hommes qui, bondissant à la poursuite des insurgés, les massacraient au passage, et dont le poids, plus encore que le choc, brisa la dernière barricade. Michel et ses compagnons disparurent sous les décombres, sous les pieds des soldats, sous les coups des baïonnettes.

Le colonel de Breslac, en tête de son régiment, poussé par lui, l’œil en feu, les habits déchirés, tuait ce qui s’offrait à son épée et trompait sa douleur par ce sang largement répandu. Il avait été séparé de Jacques et laissait derrière lui le cadavre du jeune homme sans savoir même s’il le retrouverait.

La jeunesse d'un désespéré

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