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CALICE DE CRISTAL DE ROCHE
ОглавлениеHauteur, 0,220. — Diamètre, 0,100.
Œuvre du douzième siècle, il est un des premiers modèles du petit calice, en forme de coupe, que l’Église latine a substitué au grand calice à deux anses qui, antérieurement, servait pour la communion, lorsqu’elle était donnée sous les deux espèces du pain & du vin.
Il est l’un des très-rares exemples des calices de verre, car le temps était proche où l’or & l’argent allaient presque exclusivement remplacer toutes les autres matières pour la fabrication du vase sacré. Le cristal de roche, qui n’est pas fragile comme le verre, plus éclatant & plus limpide, était parfaitement approprié à l’usage pour lequel cette coupe a été taillée; sa forme, imitant le calice d’une fleur, est très-pure; l’évasement du pied est habilement ménagé.
Nous avons dit avec quelle supériorité les artistes de l’antiquité ont travaillé le cristal de roche; Pline, que nous avons déjà cité, parle des gravures dont ils savaient le décorer: «Néron, dit-il, en apprenant sa déchéance, brisa, dans un accès de colère, deux vases de cristal, «pour punir son siècle & ne laisser à personne après lui l’honneur d’y boire.» Suétone nous apprend que l’empereur nommait ces vases Homerii, parce que les gravures dont ils étaient ornés représentaient des sujets empruntés aux poëmes d’Homère.
L’art de tailler & de graver le cristal avait survécu à la civilisation romaine; il n’est pas douteux qu’il ait été pratiqué à Byzance, sous la protection des empereurs d’Orient; mais il est plus intéressant pour nous de constater qu’il n’avait pas disparu dans nos contrées occidentales. Le Musée britannique possède, depuis peu d’années, un disque de cristal de roche dont la Meuse avait longtemps gardé le mystère enseveli dans ses sables & caché sous ses eaux. L’histoire de Suzanne est gravée sur ce disque; des inscriptions latines expliquent les différentes scènes, & autour du sujet central on lit: LOTHARIUS.REX.FRANC.FIERI.JUSSIT. [Lothaire, roi des Francs, a fait faire.] Nous pouvons envier la possession d’un monument national, exécuté pour l’un des derniers princes de la famille carlovingienne, & précieux spécimen de l’art de la gravure sur pierre dure, dans nos contrées, à la fin du dixième siècle.
La coupe du calice, que reproduit la planche IV, nous fait connaître quel était le degré de cet art au douzième. Les enroulements qui la décorent sont intaillés en creux; le dessin n’en est en aucune façon emprunté à l’Orient, & il est en parfait accord avec le style des montures qui sont d’argent doré, ciselé, & gravé. Nous croyons, au contraire, d’origine orientale & d’un temps antérieur le pied de cristal; les animaux ressemblant à des gazelles, qui sont sculptés en relief sur la base, sont une reproduction des monuments asiatiques. L’orfèvre qui a fait ou monté le calice au douzième siècle, s’est servi pour le pied d’un fragment provenant d’un hanap plus ancien.
(N° 138 de l’Inventaire des bijoux de la Couronne, 1791.)
PL.4.
MUSEE DU LOUVRE.