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V.
LA BALEINE ET LE FRETIN.
ОглавлениеPar cette fable, cher lecteur,
Je voudrais vous conter l’extrême gourmandise
D’un gros Léviathan, profond spéculateur;
Et comment à propos cet enfant de Moïse
Dans ses profit sut mettre, en bon agioteur,
Des tout petits rentiers l’impayable sottise.
Dans un lointain océan,
Un jour que l’ouragan
Confondait terre et ciel de sa terrible étreinte,
Cent peuples fils des flots, redoutant son atteinte,
Fuyaient de ça de là, dans un commun élan.
Pas un coin de mer tranquille
Ne leur offrait un asile...
Seule, près d’un rocher, et bravant l’aquilon,
Une Baleine était calme immobile...
Vers elle tout le gros et le menu poisson,
Espérant fuir le choc de la tempête,
S’approche fasciné par l’oeil doux, amical
Du Géant, qui leur dit, du ton le plus honnête:
Ne redoutez plus aucun mal,
Venez amis, rien n’est à craindre,
Je vous dorloterai... point n’aurez à vous plaindre,
«Foi d’animal».
A ces promesses illusoires
Quelques prudents poissons détendent leurs nageoires,
Et fuiyent le Géant, à l’air par trop bénin...
Le grand nombre, tout le fretin,
De s’écrier en choeur:O Reine!
Grande et magnanime Baleine!
Ah! protegez-nous contre un féroce requin,
Du liquide élément redoutable aigrefin,
Et nous plaçons en vous toutes nos espérances;
Ménagez-nous un port sous vos fanons immenses.
A cette étrange oraison
Le monstre de sa gueule entrouvre la cloison,
Et par milliers tous ceux qu’il ensorcelle,
Trop confiants, s’y jettent pêle-mêle.
Cependant, sans dégringoler
En son coffre profond, ils sont sous sa tutelle:
Chose étrange, on pu voir leur nombre centupler...
Un beau matin l’ami s’en va livrer bataille
Et, sans avoir fait ripaille,
Revient fort compromis... Alors, dans ses flancs creux,
Il coule sans pitié l’essaim aventureux:
Harengs, anchois, merlans et toute la marmaille!
Le ventre des banquiers,
N’aimant pas faire carême,
Sait engloutir tout de même
Le fretin des rentiers.