Читать книгу Les amours d'un tribun - Hippolyte Mettais - Страница 4
INTRODUCTION
ОглавлениеLe bibliophile Jacob a dit dans une causerie sur Marat:
«Il y a eu deux Marat: le Marat que tout le monde sait... (le conventionnel); l’autre Marat (le docteur), dont personne aujourd’hui ne soupçonne l’existence, celui qui fut l’élève et l’admirateur de J.-J. Rousseau, l’ami de la nature, le savant auteur de plusieurs découvertes dignes de Newton dans la Chimie et la physique; l’écrivain énergique et coloré qui a fait un livre de philosophie digne du philosophe de Genève... C’était une belle âme qui s’ouvrait à tous les sentiments nobles et généreux; il prit Rousseau et Montesquieu pour modèles... il eût mérité de se placer à côté d’eux comme moraliste, comme écrivain. Par malheur il osa s’attaquer à la secte de philosophie, à Voltaire surtout, à Helvétius, à Diderot; il fut écrasé ou plutôt étouffé dans l’obscurité.....
«On peut supposer que Marat se fût borné à des travaux de science et de philosophie, si ces travaux lui avaient rapporté l’honneur et le profit qu’ils méritaient, si les académies ne s’étaient coalisées en quelque, sorte pour tenir ses découvertes sous le boisseau....»
Maudites soient alors ces académies-là ! Maudits soient ceux qui comme elles repoussent le talent,. en lui fermant la porte au visage! car ils ne feront jamais que des 93 et des Marat.....
Qui donc alors est le plus coupable, du talent qui se révolte ou des égoïstes qui le repoussent?
Voilà ce que je veux demander aux hommes du jour, en leur montrant le docteur Marat. Mon but n’est point autre.
Mais entreprendre de raconter la vie du docteur Marat peut n’être pas sans difficulté ; car trente années de cette vie ont été oubliées par l’histoire. Les commencements et la fin heureusement sont très-connus. De plus, pour remplir la longue lacune qui se trouve entre ces deux temps, l’histoire a planté assez de jalons pour nous diriger à peu près sûrement au milieu des ténèbres qu’elle nous a laissées.
Ce sont ces trente années que j’ai voulu restaurer.
Ai-je réussi? Je ne sais. Dira-t-on que j’ai fait de l’histoire? Dira-t-on que j’ai fait du roman? Je ne sais encore. Je répondrai en tout cas ceci:
Raconter des faits vrais, afin de mettre la morale en évidence, c’est de l’histoire;
Raconter des faits vraisemblables, pour faire briller la morale, c’est du roman.
Ce double chemin qui conduit au même but est, à mon avis, très-sérieux, très-philosophique, par conséquent digne d’intérêt. Il doit concilier la bienveillance au récit.
Aussi présenté-je le mien avec confiance, en affirmant au lecteur que, s’il est bien vrai que j’ai inventé quelque chose, il est bien vrai en même temps que je n’ai rien détruit ni rien défiguré dans l’histoire et dans le caractère du docteur Marat.
On en pourra juger quelque peu, du reste, en lisant la notice biographique qui se trouve en tête de ce livre, et en la comparant aux récits qui suivent.
Quant à ces récits, je prie le lecteur d’oublier complétement, pour bien les apprécier, le journaliste et conventionnel Marat. Le Marat dont j’ai à parler fut un savant physicien. Nul doute alors qu’il n’ait étudié la nature, qu’il n’ait vécu avec délices au milieu d’elle, dans ses jeunes années. Il nous l’a dit d’ailleurs, et ses œuvres nous le prouvent assez. Je n’ai donc point fait d’anachronisme moral en le représentant comme je l’ai fait.
On prouverait que l’on n’a point étudié les livres du savant Marat, si l’on osait rire en disant que j’ai fait ridiculement un Tityre d’un coupeur de têtes d’homme. Le docteur Marat n’a jamais été qu’un honnête homme: il ne m’appartient pas de juger ce que fut le conventionnel Marat. En tout cas, ils furent deux hommes tout différents. Je laisse au philosophe le soin de nous dire pourquoi.