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NOTICE BIOGRAPHIQUE

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Jean-Paul Marat naquit à Boudry, petite ville de 1,800 âmes, dans la principauté, aujourd’hui république, de Neufchâtel, en Suisse, le 24 mai 1743, du médecin Jean-Paul Marat, de Cagliari, en Sardaigne, et de Louise Cabrol, de Genève.

Son père, dont le véritable nom fut Mara, était un homme fort érudit et de certaine réputation professionnelle; mais il jouissait d’une bien médiocre fortune. Il avait quatre enfants: Albertine, qui fit voir par les soins qu’elle donna aux publications de son frère qu’elle avait quelque érudition; Marie-Anne, qui fut mariée à un sieur Olivier; Jean-Pierre, dont il est question dans les fastes de la Révolution française; et Jean-Paul, qui était l’aîné.

Marat père était de famille catholique et catholique lui-même. Il abjura à Genève et se fit protestant, probablement à l’instant de son mariage. Jean-Paul Marat était donc de la religion protestante comme ses frère et sœurs.

Son éducation première fut très-soignée, il paraît, par sa mère, qu’il aimait aussi par dessus tout. Cette femme respectable, dont la mort arriva beaucoup trop tôt certainement pour le bien de la destinée du fils; cultiva son cœur et ses premiers penchants avec un soin parfaitement entendu. C’était par ses mains qu’elle faisait passer les aumônes qu’elle rendait aussi. abondantes que possible, pour l’habituer à aimer et à secourir ses semblables.

Pour juger si elle a réussi, nous avons besoin d’oublier tout ce qu’on nous a dit sur le Marat qui a si énergiquement vécu de 1789 à 1793. Il n’en est pas moins vrai que sa vie fut irréprochable pour tous jusqu’en 1789; que son enfance fut celle d’un enfant laborieux; que son adolescence n’eut rien de la légèreté du jeune homme; que son âge viril fut celui d’un homme de courage livré aux études sérieuses; que pendant quarante-six ans enfin il eut bien plus à se plaindre des hommes, que les hommes n’eurent à se plaindre de lui.

Sa grande passion, fut toujours l’amour de la gloire. Jusqu’à vingt et un ans il n’en connut pas d’autre. Dut-il cette réserve à la bonne éducation que lui donna sa mère ou à l’isolement dans lequel il étudia, livré aux soins de son père et de quelques maîtres particuliers dans la maison paternelle?.... Ce fut là en effet qu’il s’instruisit, à part une année peut-être, dans laquelle il est permis de supposer qu’il aurait habité le collége de Neufchâtel.

Mais en quelque lieu qu’il fut, il se montra toujours dévoré du désir d’apprendre.

Aussi savons-nous qu’il possédait la plupart des langues de l’Europe: le Français, l’Anglais, l’Italien, l’Espagnol, l’Allemand, le Hollandais, puis le Grec et le Latin.

. Quant aux sciences, il suffit de lire ses ouvrages pour comprendre quels travaux et quelles recherches il a dû faire afin de se mettre au courant des études physiques, physiologiques et psychologiques, dans lesquelles il a cherché à introduire les progrès de son observation. Je ne parle pas de ses études politiques, dont l’appréciation peut être variable, mais qui prouvent en tout cas avec quelle ardeur et quel courage il embrassait une science quand il la tenait.

A seize ans, Marat paraît avoir terminé son instruction universitaire. Sa mère venait de mourir. Il sentit alors autour de lui un vide incommensurable. Son père l’aimait, il est vrai, et il aimait son père; mais son père lui avait donné tout ce qu’il pouvait lui donner, l’éducation. Il n’avait point de fortune à lui laisser, et il n’avait plus rien à lui apprendre. Le fils sentit dès lors qu’il ne pouvait plus être qu’une charge dans un vaisseau déjà trop lourdement chargé. Il partit donc du toit paternel, allant à la grâce de Dieu ici et là, dans tous les pays de l’Europe.

Quel itinéraire suivit-il? Nous n’en savons rien. Il nous dit toutefois qu’il vécut deux années à Bordeaux, dix à Londres, une à Dublin, une à La Haye, à Utrecht, à Amsterdam, dix-neuf à Paris.

Il est bien probable que ce fut à Londres qu’il acheva d’étudier la science d’Hippocrate, et qu’il prit ses degrés. Et de fait, il paraît qu’il avait acquis là une petite notoriété médicale, surtout dans les maladies des yeux, sur lesquelles il fit un opuscule que nous n’avons pas. Albertine et Brissot de Warville ont mentionné ce fait.

Après donc avoir parcouru une bonne partie de l’Europe, honorablement, dit-il dans son journal, et pouvant défier quel peuple que ce soit d’avoir à lui reprocher le moindre fait illicite, il revint enfin en France. En quelle année? Nous ne le savons pas sûrement, mais ce dut être vers l’an 1774.

Il avait alors trente et un ans.

Marat n’avait pu voyager avec la douce sérénité et les jouissances du riche, puisqu’il n’avait pour toute fortune que sa science et qu’il n’avait emporté de chez son père que le piètre équipage du philosophe Bias. Il dut donc, pour vivre, employer une partie de ses heures à donner d’abord des leçons de linguistique dans un pays, dans un autre, plus tard, des ordonnances de médecin. Ce qui ne l’empêcha jamais de trouver du temps pour le travail intellectuel du cabinet, se délassant de l’aridité des sciences par des conceptions philosophiques et littéraires, tant l’activité de son esprit était prodigieuse.

Mais quel temps dut-il donc lui rester pour le repos et les plaisirs? On ne se trompera certainement pas en disant que cet homme ne se reposa jamais dans le temps où il est caché pour l’histoire, puisque l’on conçoit à peine comment il put suffire à la besogne dans son temps historique.

Lorsqu’il arriva en France, ses cartons étaient déjà tout remplis de travaux de toutes sortes, mais peu avaient vule jour.

En 1773, il avait publié en Angleterre, en deux volumes in-8°, un livre intitulé : De l’homme, ou des principes et des lois de. l’influence de l’âme sur le corps, et du corps sur l’âme; ouvrage neuf et extraordinaire qui devait placer son auteur entre les médecins philosophes Lecat et Cabanis, dit un littérateur distingué qui pourtant n’est pas tendre pour Marat.

Quoi qu’il en soit, Marat eut le tort et la maladresse de ne pas se montrer dans cet ouvrage un admirateur quand même de l’Encyclopédie, de parler légèrement de Voltaire et de critiquer Helvétius. Aussi son écrit lui valut-il la haine et les gros mots du philosophe à manchettes, qui le traita de bête et même de bête féroce, et les railleries sarcastiques de monsieur de Voltaire, qui trouva plus aisé de rire que de réfuter.

L’année suivante, il avait mis au jour, en Angleterre encore, son volume: Les Chaînes de l’esclavage, fait à l’occasion des élections anglaises. Il le traduisit en français et le réédita chez nous en mars 1793.

Son roman de jeune homme intitulé : Les Aventures du comte Potowski, était bien aussi dans ses cartons, mais il l’y trouvait si bien qu’il ne le publia jamais, bien qu’il y eût dans ce livre bon nombre de pages que n’aurait pas désavouées Rousseau, disent des experts qui sont loin d’être des amis..

Voilà tout le bagage littéraire apparènt de Marat, lorsqu’il aborda la France. Mais son bagage effectif devait être bien plus grand, car son esprit était tout rempli de projets, d’expériences et d’observations nouvelles dans une des grandes sciences accessoires de la médecine, dans la physique.

Nous ne voyons pas, cependant, qu’il ait rien publié jusqu’en 1779; il se préparait. Mais comment se préparait-il? En faisant des onguents à tous maux... en servant un charlatan des places publiques... en mendiant... disent des hommes qui ont envie de rire.

Je veux bien qu’on rie, puisque chez nous l’on rit de tout; mais à quoi bon, lorsqu’on doit parler sérieusement? Pour moi, sans avoir la prétention de me faire le défenseur du docteur Marat, je ne me sens pas le courage de rire. J’ai à étudier un homme de notoriété publique, que je trouve parmi les savants, je veux l’étudier sérieusement.

Que m’importe après tout, qu’il ait vendu des onguents à tous maux dans un pays où c’est de bon genre aujourd’hui et le chemin de la fortune! Dans ce cas, ce ne serait pas lui qui aurait le plus à rougir, mais bien la Société.

Mais, je le répète: on a voulu rire, voilà tout.

Marat toutefois n’était pas riche; il ne le fut jamais, pas même lorsqu’il aurait pu le devenir. Je le sais et je le redis après lui. Pourtant il a toujours suffi seul à l’impression de ses livres, qui ne lui donnèrent pas tous du gain.

Qu’il ait cherché à sortir de sa position précaire par tous-les moyens possibles et honorables dans la sphère de l’homme de science, cela est certain, puisque nous voyons continuellement paraître de lui quelque œuvre scientifique.

Je ne doute pas non plus qu’il ait demandé aide et protection à des travaux purement littéraires qui ne lui ont rien donné, puisqu’ils n’ont pas vu le jour, soit qu’il les ait trouvés indignes de paraître, soit qu’il n’ait pu trouver en eux une juste rémunération.

Y a-t-il encore là de quoi rire?

Tout le monde n’a pas la bonne chance d’avoir un nom qui lance une œuvre; et pour réussir sans nom, il ne faut pas que du talent. Il faut encore des amis forts et bienveillants, de la camaraderie, de la souplesse souvent. Marat était un homme réfléchi, laborieux, mais indépendant.

Donc, il a dû avoir ses jours de gêne, de jeûne même, des besoins non satisfaits, des illusions froissées, des désappointements. Qui n’en a pas dans sa vie première, dans ses débuts, quand on vient seul sur l’horizon? Qui n’a pas trouvé sur son passage des parvenus, des cœurs égoïstes qui s’endormaient à ses supplications, quand ils ne riaient pas de ses efforts inutiles, en lui lançant en plein visage cet horrible sarcasme: Allez! l’homme de talent arrive toujours.

Marat a vécu probablement de 1774 à 1779, de sa profession médicale, de ses leçons publiques et particulières de physique, dans lesquelles il a trouvé des amis et des protecteurs, dans lesquelles il a trouvé la place de médecin des écuries et des gardes du corps du comte d’Artois.

C’est en 1779, en effet, qu’on le voit pour la première fois inscrit dans l’Almanach royal, comme titulaire de cette place, qu’il garda jusqu’en 1787.

Il n’est pas supposable, redisons-le bien haut aux rieurs, que ce soit derrière la voiture d’un marchand d’orviétan que la Cour soit allé chercher un de ses médecins. Les médecins n’étaient pas assez rares alors, ni les hauts dignitaires assez ineptes pour que l’on vît de ces étonnantes distractions sociales.

Bien que l’on ne sache pas au juste comment Marat devint le médecin des gardes du corps, je crois qu’il ne serait pas difficile de trouver la trace du chemin qui l’y a conduit. Ce chemin est tout simplement celui de ses études de physique, qui le mirent en rapport avec quelques savants, tels que Beauzée, Franklin et quelques autres.

Ce fut précisément en 1779 que parut le plus important de ses ouvrages sur la physique, intitulé : Découvertes de M. Marat sur le feu, l’électricité et la lumière, qui eut un rapport très honorable de l’Académie des sciences de Paris.

Puis vinrent, à différentes époques très rapprochées, d’autres publications sur le feu, l’électricité et la lumière encore;

Des Notions élémentaires sur l’optique;

Un Mémoire sur l’électricité médicale, couronné par l’Académie royale des sciences de Rouen;

Puis enfin, l’Optique de Newton, traduction nouvelle faite par M....., sur la dernière édition originale..... dédiée au roi par M. Beauzée, éditeur de cet ouvrage, l’un des quarante de l’Académie.

Cette traduction était du docteur Marat; mais Marat avait eu maille à partir avec quelques académiciens dont il avait froissé les opinions scientifiques, et il craignait de ne plus trouver d’impartialité dans ses juges ennemis. Il voulait cependant avoir pour son livre la sanction du Jupiter qui a fait, fait et fera toujours la pluie et le beau temps dans la république des sciences.

Un ami lui prêta son nom, et sous ce déguisement, sa traduction put entrer à l’Académie, où elle reçut l’approbation de la docte compagnie. Marat avait donc bien fait de se mettre un faux nez, comme on dirait de nos jours.

Mais cet ami, quel était-il? Nous l’avons vu, monsieur Beauzée, l’académicien, qui était de plus le secrétaire interprète du comte d’Artois.

Comprenez-vous maintenant comment Marat put arriver à être médecin des gardes du comte d’Artois?

Il est bien juste de dire pourtant que ce tour joué par M. Beauzée, en faveur de l’ami Marat, ne le fut qu’en 1787.

Mais en 1779, monsieur Beauzée était déjà l’homme du comte d’Artois. Qui donc me prouvera que dès lors cet homme, tout occupé de littérature, ne connaissait pas et n’appréciait pas le docteur Marat, qui n’était pas à cette époque le dernier venu dans les sciences, et qui avait déjà d’ailleurs une certaine notoriété dans le monde littéraire par son ouvrage De l’homme, et dans le monde de la science par ses occupations scientifiques?

Je ne sais si la place qu’occupait Marat dans la maison du comte d’Artois était lucrative et bien pénible, mais on peut voir qu’elle fut loin d’absorber tout le temps de cet infatigable médecin.

A peine installé dans ses nouvelles fonctions,, il publia son Plan de législation, qui n’était autre que le mémoire qu’il avait envoyé pour le concours ouvert par une Société helvétique qui appelait tous les savants à la fondation d’un code pénal.

Cet ouvrage, il paraît, fit grande sensation en Suisse et en Allemagne. En tout cas, il était honnête et plein d’humanité. On ne devinerait jamais dans ce code la Bête féroce dont parle Helvétius, l’encyclopédiste.

C’est le seul. ouvrage de politique que nous lui voyons publier dans ces années. Il semble qu’il avait fallu une occasion spéciale et solennelle pour le distraire un instant de ses travaux scientifiques, vers lesquels nous le voyons revenir aussitôt.

Nous avons déjà dit un mot-de ses ouvrages sur la physique, nous n’y reviendrons pas, pas môme pour leur conserver leur rang de date. Je n’ai pas pris à tâche, du reste, de les énumérer tous, encore moins de les apprécier dans cette courte notice, ne me sentant pas toujours compétent, pas plus que je ne le suis pour juger en dernier ressort les découvertes qu’on lui attribue en physique. Je me contenterai de dire que des savants les trouvent admirables et quelques-unes dignes de Newton...

Quoi qu’il en soit, le docteur Marat cesse tout à coup ses fonctions dans la maison du comte d’Artois, en 1787, et aussi, il faut le dire, ses travaux scientifiques, sauf pourtant ses Mémoires académiques, qui sont de 1788, sans que nous puissions apercevoir la cause de cette retraite. Peut-être quelque motif secret, quelques-uns de ces drames ntimes que personnne ne connaît ou n’avoue, la déterminèrent-ils; ou peut-être aussi, le vent de la révolution, qui soufflait déjà partout, avait-il fini par souffler dans cette âme ardente.

Le champ peut s’ouvrir ici largement aux suppositions. Mais quand on aura bien étudié le caractère et la vie du docteur Marat; quand on aura mis et pesé dans la balance de l’impartiale Justice ses longues années de sagesse et de science, on ne pourra s’empêcher de dire, en le voyant franchir si brusquement le Rubicon pour se jeter dans les luttes de la politique à outrance: Il faut que cet homme ait bien souffert de la part des hommes, pour les condamner à la fin de sa vie si sévèrement, et pour ne leur accorder aucune merci.

Le docteur Marat est mort, pour moi, en 1789; puisque, à partir de cette époque, je ne lui vois plus faire aucun acte professionnel, ni écrire aucun livre de science. Je dois donc m’arrêter ici, car il n’entre pas dans mon but de juger ni le journaliste, ni le conventionnel Marat.....

Après avoir vu et senti la féroce stupidité de la Jacquerie communarde de 1871, je serais peut-être trop vivement tenté de trouver très anodine la politique qu’il a suivie pendant les quatre dernières années de sa vie avec une ardeur si étrange pourtant, qu’on la qualifie encore des noms les plus durs.

Les amours d'un tribun

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