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LE DINER DU7

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Table des matières

Mon bon ami Philippe Davril a épousé, voilà huit mois environ, une adorable jeune fille qui est devenue une jeune femme adorée. Il est aussi heureux que possible, mon bon ami Philippe: considération, amour, santé, fortune, gaieté, rien ne lui manque, et cependant, l’autre jour, comme nous causions chez lui, dans son cabinet, les pieds sur les chenets:

–Non!… non!… dit–il, tu ne peux te figurer, célibataire que tu es, tous les tracas, tous les ennuis qui résultent de cette chose si simple en apparence, si élémentaire: recevoir quelques amis à dîner! Tu ouvres de grands yeux et tu souris avec pitié: écoute un peu et tu verras.

«A la fin du mois dernier, nous venions, ma femme et moi, de dîner chez nous bien tranquillement, en tête–à–tête, comme cela nous arrive souvent, Dieu merci! Nous en sommes encore et en serons toujours, je l’espère bien, à cette période heureuse où solitude à deux ne veut pas dire servitude à deux!

» Béatement étendu dans un fauteuil, je fumais une cigarette pendant que Geneviève me faisait la lecture. Très agréable, cette occupation–là, entre parenthèses: je te la recommande pour plus tard. Peu à peu le livre, complètement dénué d’intérêt d’ailleurs, glissa sur les genoux de la lectrice; le silence s’établit entre nous; elle, rêveuse, tête basse, suivant d’un œil distrait les arabesques du tapis; moi, le nez en l’air, m’appliquant consciencieusement à faire des ronds de fumée qui montaient, montaient vers le plafond, ondulants et réguliers.

» Au bout d’un moment, ma femme me dit:

»–Et ce dîner, quand le donnerons–nous?…

» Il faudrait pourtant bien nous décider!»

» J’interrompis mes graves occupations et fis oui de la tête.

» Assurément, c’est amusant tout juste de donner à dîner aux autres quand on se suffit si bien à soi–même. Mais, depuis notre mariage, nous avions reçu des politesses de tous côtés sans en rendre aucune… Il était temps d’en finir… de commencer plutôt.

»–Quel jour choisir? dit Geneviève.»

Je me levai de mon fauteuil, où j’étais si bien, et pris sur mon bureau mon calendrier, mon grand calendrier. J’ai toujours été un peu maniaque, tu sais, je ne me sers jamais que de ces longs calendriers dits, je ne sais pourquoi, calendriers administratifs, qui s’ouvrent comme un accordéon, calendriers par mois, avec notes pour chaque jour, pouvant être consultées sans couper les feuilles, etc. Que veux–tu? il me faut tout ça pour être heureux, à moi!

–D’abord le jour, dis–je à mafemme. Un dimanche?… Impossible. Dîners de famille. Nous n’aurions personne… Un mardi?… Les abonnements aux Français… Un jeudi?… Même spectacle!… je me trompe… même obstacle… Un samedi?… Même difficulté, aux Italiens cette fois. Que d’abonnés, grand dieux!… Restent donc trois jours dans une semaine de sept: lundi, mercredi ou vendredi. Non, pas le vendredi! Il faut respecter toutes les opinions. Donc lundi ou mercredi, pas d’autre choix possible!… Regardons un peu le quantième.

Et je consultai mon grand calendrier, par mois, avec notes pour chaque jour, etc., etc.

–Mars. mars. C’est cela! Lundi, 5. Conversion saint Augustin… Mercredi, 7.... Saint Stanislas. Lequel veux–tu?… Saint Stanislas ou saint Augustin?

–Je trouve Stanislas plus gai.

–Va pour Stanislas… Entendu, mercredi 7mars. Voyons un peu qui nous aurons, maintenant!

–Oh! pas trop de monde, mon ami!… tu sais, les grands dîners… c’est assommant! La conversation ne peut se généraliser… On a l’air d’une noce. Non! quinze au plus!

–Va pour quinze!

–Malheureusement, nous ne pouvons pas, à cause de la table carrée… Très joli, les tables carrées, mais bien gênant!

»–Seize, alors?

»–Oh! non!… Vois–tu cela? Sept personnes de chaque côté… toi à un bout de la table et moi à l’autre… comme si nous nous boudions… » D’abord, je ne veux pas être aussi loin de toi, moi!

–Chère petite!… Quatorze, alors?…

–C’est cela… oui! quatorze… Ça s’arrange très bien. Passons aux convives. Autant que possible des gens qui se connaissent; pas de gaieté sans cela!

))–Parfaitement exact!

»–Voyons… M. et madame de Flamarande, d’abord. Ils ont été charmants pour nous.

»–Le mari est bien ennuyeux!

»–Mais la femme est si amusante!

»–J’inscris: deux Flamarande. Que dirais–tu des petits Marvcyre?

–La femme est bien ennuyeuse!

–Mais le mari est si amusant! Ça fera deux personnes amusantes sur quatre, une jolie moyenne!… J’inscris: deux Marveyre.

»–Les Dupastrel?

»–Le père, la mère et les trois filles!… une smala!

»–Nous sommes si en retard avec eux… Et puis il n’y a que les deux filles aînées qui aillent dans le monde.

»–Ça ferait toujours quatre!

–On pourrait inviter le père et la mère sans les filles…

»–J’aimerais mieux le contraire… Les filles sont jeunes; le père et la mère… le sont moins!

»–Pas de Dupastrel, alors!… Madame de » Louvenjou?

»–Avec les Marveyr?… Tu n’y songes pas!… » C’est elle qui a fait le mariage!

»–Brouillés, alors?

»–Naturellement!… Que penses–tu de madame Dufrêne?… Elle chanterait quelque chose après le diner. Elle a une belle voix.

»–Oui!… Mais elle ne dirait rien pendant. » Elle est si bête!… Enfin, mets toujours!

»–Madame Dufrène. Ça fait cinq. et nous deux, sept. Encore sept à trouver.

»–Il faudrait quelques causeurs maintenant. un homme connu. Si nous invitions Cherville?…

»–Un mercredi?… Il dine tous les mercredis chez madame Monchaux. Le dîner de la timba!… Il n’y manquerait pour rien au monde!

»–Un peintre, alors?… Vernissel?

»–Il doit être bien pris par son exposition, Enfin, mettons–le toujours! Ah! non! impossible!… Il est à couteaux tirés avec madame de Flamarande depuis qu’il a refusé de faire son portrait parce qu’il la trouvait trop maigre.

»–Il nous faut un artiste, pourtant… Francœur, par exemple? Rien à craindre de la part de ses modèles, celui–là… Il ne fait que des animaux!

»–Mais sa femme?… On dit qu’elle a une réputation…

»–Sa femme?… On ne l’invite jamais… et Francœur ne s’en plaint pas, paraît–il… Mettons Francœur: ça fait huit!

»–Les Singleton. Ils sont gentils, les Singleton… Madame Singleton avait une si jolie robe à notre mariage!

–Oui… et Singleton joue de la flûte… Il en jouerait après dîner.

»–Pourvu qu’il l’apporte, mon Dieu!

»–Je le lui dirai. J’inscris: Singleton, sa femme et sa flûte… Ça fait trois.

»–Soyons sérieux, voyons!

»–Encore quatre à trouver. Pour panacher suffisamment, il nous faudrait un couple mâle et femelle… et deux célibataires.

»–Madame Desrenaudes et sa fille?

»–Comme mari et femme?…

»–Qu’est–ce que ça fait?… Elle est charmante, la petite Desrenaudes… Et puis il y aurait peut– être un mariage à faire avec un des deux célibataires…

–Non! pas de jeunes filles!… C’est froid.

–Pauvres jeunes filles!… Dès qu’il s’agit de s’amuser un peu, au panier! Rayons les Desrenaudes!

»–Et les Tournesol?… Qu’en dirais–tu?

»–En même temps que les Flamarande?… Tu n’y songes pas!… Ils se mangeraient avec leur politique!

»–Tu as raison. Qui pourrions–nous bien trouver?… C’est étonnant… il semble qu’on connaisse trop de monde… et, quand on cherche, plus personne!

»–Nos cousins Bombigny!… Ils sont très mal avec tout le reste de la famille, surtout avec l’oncle et la tante Chopard. Comme ils seront les seuls invités, ils croiront que nous ne voyons qu’eux… Ils seront ravis!

–Hurrah pour les Bombigny! Deux céliba– taires maintenant!

»–Oh ça! ce n’est pas difficile… Tu as assez d’amis, Dieu merci!

»–Oui. mais presque tous mariés maintenant!

»–Ça ne fait rien… Il n’en manque pas… Tiens! au hasard!… Lorrain?…

»–Il ne dîne plus en ville… à cause de son estomac!

»–Des Evettes?

–Même raison… A cause de sa goutte!

»–Monistrol?

»–Il est à Cannes!

»–Saint–Jauret?

»–Il est à Nice!

»–Gilaudin?

»–Encore en demi–deuil… Non! en demi–joie de son oncle Olivier.

»–Vernillac?

»–Oui, Vernillac!… Bravo!… Ah! non! impossible!… Un mercredi!

»–Eh bien?

»–Le mercredi, c’est le jour où le gros Frankenlhal dîne au cercle et où madame Frankenthal. Je t’expliquerai ça dans quelques années.

»–Tu sais. je crois que je comprends déjà.

»–Donc, pas de Vernillac… Tu vois comme c’est difficile... Nous voilà réduits à inviter Favernet. On peut compter sur lui, celui–là!…

» –Il est si dévoué!

–Et si gourmand!

»–Treize, avec Favernet. Encore un. Quel travai!

»–Le petit Stock?

»–Parfait!… Il nous dira des monologues dans la soirée… Il les dit horriblement… Mais ça tiendra toujours de la place… Et puis les auteurs ne seront pas là!… J’inscris donc: quatorzième, le petit Stock. Sauvés!… Nous étions sauvés!

»Enfin! nous avions notre liste!… Il nous avait fallu, montre en main, une heure et demie de travail, car, comme bien tu penses, je t’en ai passé au moins la moitié.

» Le lendemain matin, la poste emportait nos invitations sur joli papier Bristol, pour le mercredi 7mars à sept heures un quart… Ma femme avait une longue conférence avec notre cordon bleu… Bref, tout se préparait pour le dîner du7.

» Le lendemain, pas une seule réponse… Nous commencions à pester contre les gens qui ne répondent pas à une invitation à dîner dans les vingt–quatre heures, au plus, quand m’ar riva la lettre suivante:

» Cher ami,

Tu es bien gentil et je suis très sensible à ton aimable invitation; mais pour quel jour m’as–tu invité?…. Ta carte porte le mercredi7mars; or, le7mars est un vendredi, tandis que le mercredi qui précède est un5. T’es–tu trompé de jour ou de date?… Dois–je venir dîner chez toi le mercredi5ou le vendredi7?… J’y viendrais dans l’un et l’autre cas. Mais au moins que je sache quand j’y dois venir!

Excuse mon indiscrétion et crois à mon amitié,

» FAVERNET.»

» Comment! je m’étais trompé! C’est impossible!… Mon grand calendrier administratif par mois, avec notes pour chaque jour, etc., etc…, est infaillible cependant! Et si commode!… Je le saisis fièvreusement... Favernet a raison! Et le calendrier aussi!… Dans ma précipitation, j’avais tourné deux mois d’avance et, au lieu de mars, j’avais consulté mai! A l’œil, quand on est pressé, c’est presque la même chose… Le7mai est bien un mercredi… C’est bien saint Stanislas… Tandis que le7mars est un vendredi, sainte Perpétue!… Et le5un mercredi, Quatre–Temps!… Je m’explique tout, maintenant!… Heureusement que Favernet tenait à son dîner et ne s’est pas gêné pour m’écrire, lui!… Brave Favernet!

» J’avouai la chose aussitôt à Geneviève. Je dois à la vérité de reconnaître qu’elle a été généreuse et ne s’est pas trop moquée de moi ni de mon grand calendrier administratif, qui d’ailleurs n’en pouvait mais. Il fallait prendre un parti. Nous nous décidons pour le vendredi7. C’est ennuyeux un vendredi, à cause du maigre: mais nous avons ainsi deux jours de plus et, par suite, plus de chance d’accrocher nos convives. Nouvel envoi de cartes, de rectification cette fois.

» Ce qui arriva était prévu. Les uns auraient pu venir le mercredi, mais ne pouvaient pas le vendredi; d’autres qui auraient pu le vendredi s’étaient engagés pour ce jour–là, croyant notre invitation pour le mercredi; d’autres, par principe, ne dînaient jamais en ville le vendredi; d’autres enfin ne pouvaient ni pour le mercredi ni pour le vendredi.

» Tout compte fait, il ne nous restait plus que quatre convives: deux Singleton, une Dufrêne et un Favernet, et nous deux, six.

» Encore huit à trouver.

» Nouvelles combinaisons. Comme ce n’est plus un mercredi, mais un vendredi, il n’y aura plus de dîner chez madame Monchaux; le gros Frankenthal n’ira pas dîner au cercle; dès lors on peut inviter Cherville et Vernillac; comme les Marveyre refusent, on peut inviter madame de Louvenjoul; comme les Flamarande ne viennent pas, on peut se lancer sur les Tournesol et sur Vernissel; les cousins Bombigny s’étant excusés, on peut tâter de l’oncle et de la tante Chopard, qui se croiront à leur tour les seuls invités de la famille et en mourront de joie; comme… Ah! mon ami!… c’était à devenir fou, archi–fou!….

» Je glisserai sur des détails qui deviendraient fastidieux: sache seulement que la veille du dîner j’avais écrit–je les ai comptées–quarante– quatre lettres et en avais reçu trente–sept!

» Tu me diras que j’aurais dû m’en réjouir, que c’étaient autant de politesses faites, que je me trouvais moralement réunir plus de cinquante personnes à ma table quand je n’en devais recevoir effectivement que douze… Ah! bien oui! Je me souciais peu de cela… Je me sentais incapable d’un raisonnement aussi subtil! J’étais, ou plutôt nous étions, ma pauvre petite femme etmoi, exaspérés, furieux, anéantis. Nous ne parlions plus que de ce maudit dîner du7, toute la journée, le matin, l’après–midi, aux repas, à la promenade; et, la nuit, nous en rêvions!

Le jour fatal approcha. Depuis le5au soir notre liste était complète, au prix de quel travail, mon Dieu! Rien n’y subsistait de la liste primitive, excepté Favernet, le brave Favernet, fidèle au poste, toujours. Excellent ami!–Les Singleton n’avaient pu venir, Singleton s’étant donné une dilatation anormale du larynx pour avoir abusé de la flûte; et madame Dufrêne avait la grippe.

» Voici comment se composait le dîner:

Les Tournesol remplaçant les Flamarande (ou la
légitimité remplacée par la république)... 2
Mme et Mlle Desrenaudes remplaçant l’oncle et la tante Chopard, qui avaient remplacé les cousins Bom
biguy 2
M. et Mme Dupastrel et leurs deux filles (il avait bien
fallu en arriver là !) remplaçant les Singleton. 4
Mme de Louvenjoul.
Vernissel remplaçant Francœur, qui lui–même avait
remplacé Cherville, qui s’était donné. une entorse... 1
Saint–Jauret, revenu de Nice, remplaçant Stock, parti
pour Cannes. 1
» L’immuable Favernet (excellent ami, va !). 1
» Nous deux 2
Total. 14

Enfin, nous pouvions respirer! Tout était prêt: dîner, menus, fleurs, service, etc. Le vendredi7 arrive. Un temps gris: rien du soleil d’Austerlitz!

» A deux heures et demie, on m’apporte une lettre. Je reconnais l’écriture de Favernet. Je l’ouvre en tremblant. Favernet, le bon Favernet, Favernet le pilier, la fondation, la planète–centre autour de laquelle avaient gravité toutes nos combinaisons, Favernet ne vient pas!!! Il avait dîné la veille chez les la Taupinière–une bonne table, –une trop bonne table, car il était au lit, disait– il, avec une forte migraine, en train de s’inonder de thé. Une indigestion, cette migraine, pas autre chose!–Il aurait bien pu attendre à demain et l’avoir à la suite de notre dîner, le misérable!

» Favernet manquant, nous étions treize. Et dans quatre heures, on allait se mettre à table. Que devenir?… Le camp des célibataires amis est épuisé… D’ailleurs une invitation aussi tardive ne peut se faire qu’à des intimes très intimes. Mon Dieu!… mon Die!…

–La troisième petite Dupastrel! s’écrie Geneviève, frappée d’une inspiration d’en haut.

–Quatorze ans!… Elle ne va pas encore dans le monde, répondis–je, affolé.

»–On l’y mènera!

» Un quart d’heure après, j’étais chez les Dupastrel et leur exposais toute l’horreur de la situation. Madame Dupastrel, très digne, me dit que de vieux amis tels que nous méritaient tous les dévouements; mais je sentis bien qu’elle était blessée de cette invitation in extremis… Enfin, elle promit d’amener Lucile… Lucile viendrait… Nous étions sauvés.

» Mais quelle composition de dîner, mon bon ami! Des gens qui ne se connaissaient pas les uns les autres; des individualités noyées par l’avalanche Dupastrel; enfin, alors que nous ne voulions pas une seule jeune fille, nous en avions quatre, dont une jeune vierge de treize ans!

» Les Dupastrel arrivèrent les premiers, à sept heures un quart juste, les deux filles aînées en bleu, Lucile en rose. Elle était plate comme une planche… de salut (qu’elle était en effet), rougeaude, les cheveux nattés, les pieds longs dans des bottines trop courtes et les mains courtes dans des gants trop longs, jaunes et craqués aux deux pouces. Elle ne soufflait mot, plantée sur le rebord de sa chaise, pour ne pas se chiffonner. Enfin, nous la tenions: c’était l’essentiel.

A sept heures et demie, tout le monde était arrivé. Personne ne manquait. Geneviève rayonnait. Les présentations faites, on se mit à causer à voix basse, les dames assises devant la cheminée, et les hommes graves, par petits ronds, dans les coins. Enfin, tu sais, un salon avant dîner, c’est–à–dire une manière de chambre mortuaire: au lieu du maître d’hôtel, on attendrait presque le maître de cérémonies.

» A sept heures trois quarts on annonçait le dîner; on passait dans la salle à manger toute gaie de lumières et de fleurs. On allait se mettre à table. Enfin!!!

» Tout à coup la petite Lucile pousse un cri et, s’élançant vers sa mère:

–Maman !… maman! ton mouchoir! J’ai pas le mien!

Qu’était–ce, ô mon Dieu?… Enfer et damnation!… Un saignement de nez, un formidable saignement de nez! Cette chose essentiellement bête qu’on appelle un saignement de nez! Geneviève et moi nous nous jetâmes un regard désespéré.

–Ce n’est rien, dit madame Dupastrel tout en tamponnant vigoureusement la pauvre en– fant; va dans l’antichambre, tu reviendras quand ce sera fini.

» Puis, se retournant vers moi d’un air pincé, comme si j’étais coupable de la catastrophe:

–L’émotion… J’en étais sûre!…. Voilà ce que c’est de mener les jeunes filles trop tôt dans le monde!

» On se mit à table… Nous étions treize!… Et comme le maudit saignement de nez ne s’arrêta pas, quand nous sortîmes de table, treize toujours!!!

Ici, mon bon ami Philippe leva au ciel des bras désespérés et se mit à marcher dé long en large dans son cabinet.

–Pauvre ami! murmurai–je.

–Ne me plains pas trop, dit–il en se calmant. Les gens superstitieux n’auront rien à craindre. Ma brave petite femme a sauvé la situation!

–Comment cela? lui dis–je.

Il sourit et, mystérieusement, me prenant la main:

–Nous étions quatorze… et je compte sur toi pour payer les dragées!

Le Monde où nous sommes

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