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CHAPITRE I.

Table des matières

Historique de la vigne.

«La culture de la vigne et l’art de faire du vin avec le

«fruit qu’elle produit remontent aux temps les plus anciens

«dont les hommes aient conservé la mémoire .»

Selon la Genèse, chapitre IX, Noé planta la vigne quelque temps après le déluge, et, ayant exprimé son fruit pour en faire du vin, il en but et s’enivra.

On pourrait presque dire que la culture de la vigne précéda la civilisation, et qu’elle contribua surtout à la fixer dans notre barbare occident. Elle envahit la Grèce, puis l’Italie et l’Espagne. Les Phocéens l’importent dans leur colonie nouvelle, à Marseille, fondée vers l’an 600 avant J.-C., et de là sa culture s’étend et se propage dans tous les lieux de la Gaule où son fruit peut mûrir. Au temps de Pline, les vins de la Gaule étaient estimés en Italie, et la vigne était une source de prospérité pour la grande colonie romaine. Malheureusement pour nos aïeux et pour la civilisation, elle eut son proscripteur, et dut expier ses bienfaits par son martyre. A la suite d’une ou de plusieurs années où la récolte de la vigne avait été aussi abondante que la récolte du blé avait été précaire, Domitien donna l’ordre d’arracher toutes les vignes qui se trouvaient dans les Gaules, sous prétexte que sa culture nuisait à celle des céréales et était de nature à provoquer la famine. Cette proscription dura deux cents ans. L’empereur Probus, en 281, rendit aux Gaulois la faculté de replanter la vigne, et «bientôt les provinces du midi et

«du centre de la Gaule se couvrirent de nouveaux vigno-

«bles formés avec des plants apportés de l’Italie, de la

«Sicile, de la Grèce, des côtes d’Afrique, etc.»

De notre temps encore, la vigne a ses Domitiens au petit pied, mais elle a ses Probus aussi, et le préjugé s’efface à mesure que le niveau des intelligences grandit.

L’influence de la culture de la vigne, du travail assidu qu’elle exige, de l’aisance qu’elle répand, se manifeste d’une manière sensible chez nos populations agricoles par les symptômes les plus consolants pour l’homme d’État et pour le bon citoyen: une santé robuste, une gaieté franche, l’amour de l’ordre et d’une liberté sans licence, par-dessus tout l’esprit de conservation et l’affection pour le sol natal, telles sont les qualités qui distinguent le vigneron.

Les premiers peuples errants et barbares ne durent même pas soupçonner la possibilité de cette immobilisation de la famille et de la propriété. De nos jours les tribus africaines errent encore à la recherche d’un sol nouveau pour une récolte nouvelle...; mais il sera peut-être donné à la vigne d’opérer encore ce prodige: de fixer au sol l’Arabe nomade, le Bédouin maraudeur.

La culture de la vigne fut en honneur dès les premiers âges. Saint Martin, au IVe siècle, avait fait planter des vignes en Touraine, et saint Rémy, qui mourut en 533, laissa par testament à diverses églises les vignes qu’il possédait dans les territoires de Reims et de Laon. Les rois avaient leurs vignobles à chacun de leurs palais, avec tonneaux vinaires et pressoirs pour faire fermenter la vendange et la pressurer. Les capitulaires de Charlemagne nous donnent la preuve que cette culture fut encouragée de son temps; la chronique nous apprend encore que l’enclos du Louvre, comme celui de toutes les habitations royales, fut planté de vignes. Louis le Jeune fit don, en 1160, au chapelain de Saint-Nicolas-du-Palais, de six muids de vin par an, du cru de l’Ile-aux-Treilles; cette île était au milieu de Paris, et l’une des deux à l’extrémité desquelles fut commencée la construction du Pont-Neuf, en 1578. Les ducs de Bourgogne, au moyen âge, s’adjugeaient le titre de souverains des meilleurs vins de France, et la cour pontificale, après l’abandon d’Avignon, ne put se passer à Rome des vins français, qu’elle estimait bien supérieurs à ceux d’Italie.

Ajoutons aussi «qu’il existe dans les environs de Ven-

«dôme un clos de vigne appelé clos d’Henri IV, parce

«qu’il a fait partie du patrimoine de ce prince. Ce clos était

«planté d’une sorte de raisin nommé suren dans le

«pays, et qui produit un vin blanc très-agréable à boire.

«Henri IV aimait ce vin et il en faisait venir pour sa

«table, ce qui fit qu’il parut délicieux aux courtisans et ce

«qui le mit à la mode pendant le règne de ce monarque.

«Louis XIII n’ayant pas pour le vin de suren la prédilection

«que son père avait, ce vin perdit sa renommée. Dans la

«suite, on crut que c’était le village de Suresnes, près de

«Paris, qui avait produit le vin qu’on buvait à la cour de

«Henri IV .»

Le cadre de cet ouvrage ne nous autorise pas à multiplier ces citations, mais elles suffisent pour prouver et la haute antiquité de la culture de la vigne, et l’honneur en lequel on la tint en tous les temps.

Disons toutefois que, en dehors même des édits plus ou moins absurdes qui l’ont proscrite à diverses époques, elle eut ses moments de défaveur et de décadence. Dans un temps où tout manquait à la fois à la viticulture: le crédit, une consommation vaste et surtout les voies de communication et les moyens de transport, il arriva quelquefois que l’abondance même fut sur le point d’être considérée comme une calamité. C’est qu’en effet, en ces moments, les frais de toute nature augmentent dans de fortes proportions, le prix des futailles s’élève en raison de l’abondance même de la récolte, et l’on a vu souvent la recette présumée absorbée à l’avance par l’acquisition des récipients .

Étude sur la viticulture et sur la vinification dans le département de la Charente

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