Читать книгу Étude sur la viticulture et sur la vinification dans le département de la Charente - Jean Clément Prieur - Страница 5
ОглавлениеDes causes qui peuvent influer sur le peu de durée des vignes.
On se plaint généralement des vides nombreux qui se montrent de bonne heure dans les vignes de création récente, et on observe que les ceps périclitent avant l’âge; ne serait-ce pas que le sol sur lequel on a planté a déjà porté de la vigne, et que la culture qui a suivi a été insuffisante à reconstituer dans le sol les éléments que la première période culturale lui a enlevés? Nous devons supposer en théorie qu’une vigne peut prospérer sur un terrain tant que les éléments utiles se rencontrent en quantités suffisantes dans le sous-sol; qu’elle dépérit à mesure que ces éléments disparaissent ou se raréfient; qu’elle meurt s’ils viennent à manquer complètement. Or, comme il arrive toujours qu’une vigne n’est arrachée que lorsqu’elle est devenue, par la faiblesse de ses produits, une charge plutôt qu’un profit, il arrive aussi, nécessairement, que le sol qui la portait sera de longtemps impropre à la culture de la vigne, à moins, toutefois, que, par des soins entendus, de fortes fumures et une culture améliorante, on ne soit parvenu à restituer à ce sol son aptitude et sa fécondité premières.
Malheureusement cette manière de procéder est l’exception; la règle, c’est de cultiver la terre de façon à épuiser la couche arable par la culture répétée des céréales, comme on a épuisé le sous-sol par la culture de la vigne, et de replanter cinq ou six ans plus tard une vigne dont la reprise sera lente et coûteuse, et dont l’existence douteuse fera le tourment de celui qui l’aura plantée.
Soins à apporter aux sols qui ont déjà porté des vignes. — Lorsque l’on veut remplacer une vieille vigne par une nouvelle, il importe surtout de l’arracher aussi profondément que la nature du sous-sol le permet, afin d’en extraire le plus grand nombre possible de racines: à cet effet, dans beaucoup de terrains, les fouilleuses et les défonceuses peuvent rendre de grands services; puis de faire subir au sol une rotation dans laquelle les plantes sarclées auront une large part, et de terminer par une prairie artificielle fortement fumée.
La vigne s’accommode de tous les terrains. — L’humidité est le plus grand ennemi de la vigne. — En compulsant la nomenclature des sols qui supportent les vignobles de renom, il est facile de juger que la vigne s’accommode de tous les terrains. Le sol du vignoble de Tokaï est de composition basaltique et d’une friabilité qui serait ailleurs une cause d’insuccès; le sol du Médoc est un composé d’argile, de quartz, de silice et de calcaire; tel est encore le coteau de l’Hermitage et de Saint-Péray. Les terrains du Var et de l’Anjou sont en partie schisteux; volcaniques ceux du Vivarais et du Rhin; crayeux ceux de la Champagne. Mais il est une condition essentielle qu’on ne doit jamais perdre de vue, c’est que l’humidité est le plus grand ennemi de la vigne, et que l’on ne doit pas planter les bas-fonds ni les terrains dont le sous-sol est imperméable, à moins qu’on ne soit parvenu à les dessécher au moyen du drainage ou de tous autres travaux d’assainissement.
DE L’EXPOSITION DU SOL. — Croies légères. — Terrains ardents. — L’importance d’une bonne exposition du sol varie selon les circonstances: pour une groie légère, ardente, l’exposition du midi sera le plus souvent une source d’accidents fâcheux pour la récolte et une cause de l’épuisement prématuré des ceps. C’est à cette exposition, dans ces sortes de terres, que sévit avec le plus de rigueur cette étrange maladie que nous nommerions volontiers, et par analogie, la paralysie de la vigne, parce qu’elle frappe isolément, sans cause apparente et d’une mort soudaine le cep le mieux portant. Le mal est si prompt, le dénoûment si rapide, que le vigneron s’écrie inévitablement, lorsqu’il rencontre un cep dans l’état que nous venons de décrire: Il a été brûlé par un éclair. Ces sortes de terres, dont nous avons un spécimen sous les yeux, donnent rarement dans ces conditions des produits rémunérateurs, et le plus sage est de les réserver pour les céréales, qui y réussissent assez bien, de même que les légumineuses et surtout le sainfoin, qui y viennent à merveille.
Terrains argileux ou froids. — Il en serait autrement si l’on avait affaire à une terre argileuse ou terre blanche qui n’a pas trop de tous les rayons bienfaisants d’un ardent soleil pour réchauffer sa nature froide et peu expansive.
De telles terres, exposées au nord, ne donneraient que des produits tardifs et de peu de valeur; tandis qu’à l’exposition du midi, et même de l’est ou de l’ouest, elles sont des plus favorables à la vigne, qui donne là, sinon la meilleure vendange, du moins la plus belle et la mieux conservée. La vigne y pousse tardivement, et par conséquent a moins à redouter les effets de la gelée; la surface blanche du sol reflète les rayons du soleil au lieu de les absorber; l’action de la chaleur y est toujours bienfaisante et jamais désastreuse. Le raisin y grille peu, et le pourri y exerce toujours moins de ravages que dans les sols précoces.
Sous notre climat tempéré, et à part ces deux natures extrêmes de terrains, on rencontre de bonnes vignes à toutes les expositions.
Nécessité de compenser par la nature des cépages la précocité ou la tardivité naturelle des sols. — Mais ceci n’est exact qu’autant que l’on compare entre elles des vignes plantées de cépages de même ordre. Dans toute plantation, en effet, on devra bien observer que l’exposition du nord doit être proscrite pour les cépages tardifs, tandis qu’elle devra être préférée pour les cépages hâtifs, de manière à arriver, pour toutes les vignes d’une même exploitation, à une maturité simultanée et autant que possible régulière.
La ligne de conduite du vigneron sera bien différente, selon qu’il visera à la quantité ou à la qualité des produits. — Il existe d’ailleurs deux systèmes de culture bien distincts, et la conduite du vigneron devra être bien différente selon qu’il aura en vue l’abondance des produits ou leur qualité.
Il importe donc avant tout de déterminer nettement la voie que l’on veut suivre, d’y méditer longtemps, et de s’entourer de toutes les lumières scientifiques et pratiques qui sont à sa portée avant de s’y engager, car le retour est difficile, quelquefois ruineux, toujours onéreux.
Dans le premier cas, les fortes terres, plantées en cépages rustiques et communs, donneront les produits les plus abondants, mais les moins estimés; dans le second, les terres de consistance légère, bien exposées et plantées de cépages de choix, donneront les produits les plus fins, et par conséquent les plus estimés.
Nous énumérerons plus loin les autres causes qui peuvent influer sur la qualité des produits d’un vignoble, et subsidiairement nous indiquerons la voie qui nous semble la plus avantageuse à notre contrée, en déduisant les motifs qui nous engagent à pousser les vignerons dans une voie plutôt que dans l’autre.
INFLUENCE DES CÉPAGES. — Les causes qui influent sur la qualité des vins sont multiples et infinies. — L’influence des cépages sur la qualité des produits, quoique reconnue dans tous les temps, ne fut cependant jamais mieux établie que depuis les publications du savant docteur J. Guyot. Nous ne saurions aller cependant jusqu’à prétendre que par la culture du Cabernet nous puissions faire du bordeaux, pas plus que du bourgogne par la culture des Pineaux, et du Champagne par la culture du Plant-Duré. Nous pensons, au contraire, que les produits de la vigne subissent l’influence complexe du milieu dans lequel vit l’arbuste, du sol qui le nourrit, du cépage qui le produit, du climat qui le fait mûrir, et nous pouvons ajouter encore de la culture à laquelle il est soumis, et du mode de vinification.
La qualité d’un vin résulte donc de l’action combinée de tous ces éléments; or, comme ces éléments varient non-seulement dans des proportions relatives, mais encore dans leur composition propre, on comprend aisément que la qualité des vins doit varier à l’infini.
La variété dans la qualité des vins est-elle un bien, est-elle un mal? — Maintenant, devons-nous dire si cette variété des vins est un bien ou un mal? A notre avis, ce qui est. dans la nature ne saurait être un mal, puisque c’est l’œuvre de la Providence, et que ses desseins échappent le plus souvent à nos intelligences limitées. En second lieu, et dans la pratique des choses, il est bien évident que la diversité des crus appelle sur chaque contrée et simultanément sa classe spéciale de consommateurs, avec son tempérament, ses habitudes, ses goûts et ses préjugés, d’où suit naturellement un courant d’affaires qui fait la prospérité du commerce et qui entretient dans nos campagnes le mouvement et la vie.