Читать книгу Mes quatre premières années de montagne - Jean Coste - Страница 5
PREMIERE SORTIE.
Оглавление18 Août
«Enfin! m’écriais-je lorsqu’à 3 heures mon Père vint m’éveiller, enfin! le voilà venu le jour où je verrai ces montagnes dont j’ai tant entendu parler, où j’approcherai de ces solitudes lointaines qui pour moi sont remplies de choses étranges et inconnues. Enfin, ça y est! Le temps est beau, on y va!»
Depuis plusieurs jours cette excursion au Marinet était décidée; nous devions, sous la conduite d’I. Foucheriq, la faire avec nos voisins les Soubra ne et leur famille. Ces derniers ayant résolu d’aller en voiture jusqu’à la Blachière, au jour dit, mon Père et moi prenons les devants, à pied. Nous causons; il fait nuit noire mais le ciel très pur est rempli d’étoiles; tout est d’un calme profond que trouble a peine le bruit de l’Ubaye.
Je me sentais plus léger.
Cette marche de nuit me plût beaucoup.
A 6 heures nous sommes au pont des Houerts en même temps que Soubrane et Foucheriq qui nous ont imités et viennent de nous rejoindre. Le reste de la caravane: Mme Hellion, Paul Jaubert, Mme Soubrane, Marie-Louise et Jean ses deux enfants, arrivent peu après et nous trouvent installés autour d’un feu que nous avions allumé pour nous réchauffer.
Le soleil, rougissant les cimes, annonce son approche, nous attaquons la montée.
Je procède comme un débutant montant tout droit, très vite.
Nous atteignons la cabane de Chillol en même temps que le soleil. Halte, déjeuner, photographie. A cette première rencontre le petit lac de Chillol me parut immense.
Bientôt nous repartons et, après une seconde halte au pied des éboulis, j’arrive le premier au col. D’un seul coup un tableau merveilleux se dresse devant moi. C’était la première fois qu’un vrai panorama de Montagne s’offrait à ma vue. Quelles couleurs! Je fus surtout frappé de leur richesse et de l’allure élancée des sommets qui, dans une gamme de bleus d’une infinie variété, allaient se perdre dans le lointain en ae confondant avec le ciel. Cette vue restreinte mais si simple si facile à retenir m’a laissé une impression inoubliable, ce fut pour moi la Révélation.
En attendant l’arrivée des autres avec Jean Soubrane nous nous livrons au plaisir de nous battre, en Août, à coups de boules de neige!
Nous dînons sur un tertre herbeux qui forme une terrasse au-dessous du col. Après dîner, mon Père se met à dessiner, Foucheriq va dans les rochers cueillir du génépi, les Dames se reposent, Paul fait des ricochets sur le lac dont les eaux miroitent au pied de notre campement et M. Soubrane infatigable entraîne «les enfants» vers les glaciers .
Nous franchissons une crêtes après quelques tâtonnements, passons la moraine, éboulis qui me parurent atroces, et nous voila sur le glacier. Je dois avouer que ce glacier ne me fit guère plus d’impression que les champs de St Paul en hiver, mais j’admirais beaucoup, entre deux blocs de la moraine, une grotte tapissée de glace.
Pour revenir, ayant décidé de passer par te bas, nous suivons le glacier, puis la moraine pénible et interminable, Marie-Louise traîne, il faut l’attendre, elle donne des signes évidents du «mal des montagnes». A grand peine nous la ramenons au petit camp où elle se repose; la descente devait heureusement la remettre bien vite.
Ah! cette descente, je l’ai faite étourdiment, au grand galop, et il m’a fallu attendre une heure à La Blachière le retour de la caravane!
Nous étions tous très contents et, bien que nous soyons rentrés pédestrement à St Paul, nous étions en somme peu fatigués surtout nous «les enfants» parce que nous étions fiers d’avoir subi avec succès la première épreuve de la Montagne.
De ce jour date pour moi la volonté de faire de belles ascensions; ce qui m’attirait le plus c’était la grande liberté, l’immensité, le danger que je devinais et puis aussi (j’avoue humblement cette petite vanité qui était alors de mon âge et que je n’ai plus) et puis aussi la gloire qui pourrait en résulter pour moi. Plus tard seulement la Montagne devait peu à peu me conquérir par sa seule beauté ; à présent je fais de la Montagne pour la Montagne, tout simplement.