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LE COL DE LA NOIRE.

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8 Septembre.

Depuis longtemps mon Père caressait le projet de traverser le col de la Noire sans se séparer de sa bicyclette, ce qui ne lui semblait pas impossible puisque ce col est muletier et que chaque année, avant la guerre, au moment des manœuvres les batteries d’artillerie alpine le franchissaient avec armes et bagages; mais il voulait démontrer que l’admirable circuit St Paul, Maurin, col de la Noire, St Véran, Mt Dauphin, Guillestre, col de Vars, St Paul, est à la portée de tous les touristes qui, ne mettant pas leur plaisir dans la vitesse et les tourbillons de poussière, emploient pour se déplacer la bicyclette, cette robuste compagne de celui qui veut vivre la route qu’il parcourt.

La seule difficulté consistait à faire passer nos machines par le col de la Noire qui est à 2999 mètres; nous y avons heureusement réussi grâce à l’excellente «miaule» de Pierre André et à son habile conducteur.

Le chargement fut un peu laborieux; néanr moins, à l’aube, en bonne forme, nous quittions Maurin où, la veille, nous étions allé coucher.

En sortant de Combe-Brémond nous rencontrons une caravane de gens de St-Véran. A cheval sur leurs mulets, ils viennent chercher à Maurin le grain pour leurs semailles d’automne parce que chez eux le seigle n’arrive jamais à maturité complète. Ils ont fait sans encombres tout le trajet de nuit, c’est de bon augure pour notre voyage.

Nous passons au bord du lac Paroir. Pauvre lac Paroir! il s’engrave lentement. Moi qui l’ai connu si joli, je le vois réduit à l’état d’une grande mare vaseuse. Hélas! le salut que nous lui adressons est un adieu! quelques jours après une trombe d’eau dévastatrice devait lui donner le coup de grâce.

Après le Ga, le sentier grimpe au flanc du rocher dans une gorge étroite; le bât subit les à-coups de la montée, une partie de notre paquetage se détache, bondit de roche en roche; notre conducteur doit aller la repêcher dans le torrent qui l’emporte.

Le site des Blavettes, dominé à l’horizon par la Tête de Toillies dont l’énorme cube terminal affecte un air penché, nous retient un instant; des troupeaux l’animent à souhait.

Bientôt nous arrivons au col du Longet, décor théâtral: au premier plan le col, très large, très gazonné, forme un plateau qu’agrémente un lac; le Viso en constitue le fond, il paraît tout proche au point qu’on a l’envie de faire quelques pas de plus pour le toucher; le Viso-Valante qui se projette sous son sommet principal, fait paraître sa forme plus élancée; son isolement, la régularité de ses lignes font que vu du Longet il est encore plus prestigieux que vu du Guil.

Au col du Longet s’arrête le sentier que nous suivions depuis Maurin et, il faut bien le reconnaître, s’arrêtent aussi les connaissances de notre guide qui, devant l’évidence, avoue n’être jamais allé au col de la Noire.

«Lorsque je suis allé à St-Véran, nous explique-t-il, j’y suis allé par le col de...» mais passons! Il faut en appeler à la carte, faire le point et tâtonner. Plusieurs ravines, nous arrêtent, je les coupe et finis par trouver les lacets d’un sentier. Mon Père, suivi de Pierre menant sa bête, me rejoint par un long détour. Ce sentier qui va de Maurin à St-Véran est excellent, il s’amorce sur le sentier du Longet au niveau de la cabane Bonnardel, nous l’avions manqué. Je dois dire, pour la décharge de Pierre André, qu’il est plus fréquenté par les gens de St-Véran que par ceux de Maurin.

Le col de la Noire, très étroit, s’ouvre, au-dessus d’un petit lac, entre deux mamelons l’un de roches noires l’autre de roches vertes. La vue qu’on en a ne présente rien de remarquable.

La descente dans le vallon de Clausis se fait par un sentier qui déroule, au milieu d’éboulis très inclinés, d’innombrables lacets très courts et très serrés. Durant cette partie de notre voyage que de souci mon Père ne s’est-il pas fait pour nos bicyclettes! «Pierre! attention!»..... «Attention! Pierre!» Ce sont les seules paroles que répétèrent les échos.

A la chapelle de Clausis nous déchargeons la bête, dînons, quittons notre guide qui retourne à Maurin et en route pour St-Véran, village curieux jouissant du prestige de détenir la plus haute situation d’Europe (2070 mètres d’altitude). Nous y arrivons à 5 heures. Nous y couchons.

Le lendemain, tout en nous abandonnant délicieusement à notre roue libre, nous visitons la pittoresque vallée du Queyras et le surlendemain, conformément au programme que nous nous étions tracé, nous bouclons notre circuit non sans avoir, en traversant Sainte-Marie-de-Vars, réduit une luxation de la mâchoire qu’une bonne vieille venait de se faire.... en?... J’ai toujours supposé que c’était à la vue de deux touristes attaquant a bicyclette le col de Vars. Si je suis dans le vrai, nous lui devions bien ce service!

Mes quatre premières années de montagne

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