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LE VALLON DES LACS.

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26 Août.

Dès le lendemain du Marinet, «les enfants» réclamaient à grands cris une autre excursion.

On choisit le Chambeyron ou, pour mieux dire, le vallon aux nombreux lacs qui sépare l’Aiguille du Brec de Chambeyron; mais il fallut renvoyer parce qu’il était tombé de la neige en haute montagne.

Aussitôt le temps rétabli, le 26 Août, nous partions de St Paul à 4 heures, tous ensemble, à pied. Sauf les Dames et Paul Jaubert, nous étions les mêmes qu’au Marinet.

Après avoir passé Serennes et le Châtelet nous quittons la route de Fouillouze, guidés par l. Foucheriq. Le jour nous prend dans les bois; il fait un froid intense, nous sommes gelés; nous allumons un buisson tout entier pour nous réchauffer.

Longue montée pour atteindre le canal que nous suivons à bonne allure. Parcours facile, un seul mauvais passage (et encore!), les plus intrépides le franchissent les autres le tournent.

Au lac Premier halte. Les eaux du lac s’engouffrent sous un rocher, c’est l’écoulement du lac; ce sont les sources de la Baragne. Oui, nous étions bien encore des enfants! n’avons-nous pas essayé d’aveugler cette perte!

Deuxième étape: la croix Bujon. Cette croix «élevée par ses camarades du 28e bataillon de chasseurs alpins au lieutenant Bujon mort au Chambeyron» m’a vivement impressionné. J’ai été profondément ému par ses inscriptions, surtout par celle-ci: «Qui sait si son frère, le petit ange qui est au ciel, n est pas venu chercher son âme échappée de son corps brisé sur les rochers». Et je pensais: «Moi aussi, j’ai un petit ange au ciel...Qui sait...Si jamais mon corps devait se briser sur des rochers ou reposer pour toujours dans un cercueil de glace, au fond d’une crevasse, j’aimerais avoir quelque part une croix comme celle-là, avec la même inscription .»

Nous longeons plusieurs lacs, plusieurs névés et atteignons le lac des Neuf Couleurs. Ce lac est peut-être le plus beau de l’Ubaye. Serré entre l’Aiguille, le Brec et la Fréma, il s’étale dans un site sauvage et grandiose; les éboulis y plongent à pic; un glacier y descend du col de la Gypière et vient le peupler de minuscules icebergs; les Aiguilles y renversent leur muraille fantastique. C’est là que nous dînons.

Après dîner, tandis que mon Père crayonne et que Foucheriq retourne à ses génépis, M. Soubrane et les enfants, dont je suis, montent au col de la Gypière. Nous y laissons Marie-Louise et faisons l’ascension de la Fréma.

La Fréma! mon premier sommet!

Je contemplais sans rien dire le panorama immense. J’aurais voulu le retenir, l’emporter.... Mais un panorama ça ne s’emporte pas!

Je revois encore la pyramide blanche du Viso et la face Est du Brec qui m’effraya à l’idée qu’on pouvait la franchir; ce qui d’ailleurs ne me fit pas perdre ma vieille résolution de l’escalader.

Après avoir inscrit nos noms sur un papier laissé là-haut dix ans auparavant par M. Soubrane, nous redescendons au lac. Repos, goûter, photographie et retour par la même voie avec nouvel arrêt à la, croix Bujon et au lac Premier.

Nous étions à St Paul à 6 heures et demie du soir, enchantés mais Marie-Louise, trop légèrement chaussée, n’avait plus de bottines!

Mes quatre premières années de montagne

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