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III

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A LÉON HENNIQUE.

Elles sont inouïes et elles sont splendides lorsque dans l’hémicycle, longeant la salle, elles marchent deux à deux, poudrées et fardées, l’œil noyé dans une estompe de bleu pâle, les lèvres cerclées d’un rouge fracassant, les seins projetés en avances sur des reins sanglés, soufflant des effluves d’opopanax qu’elles rabattent en s’éventant et auxquels se mêlent le puissant arôme de leurs dessous de bras et le très fin parfum d’une fleur en train d’expirer à leur corsage.

On regarde, ravi, ce troupeau de filles passer en musique sur un fond de rouge sourd, coupé de glaces, dans un tournoiement ralenti de chevaux de bois courant en rond, au son d’un orgue, sur un bout de rideau écarlate orné de miroirs et de lampes; l’on regarde les hanches remuer dans des robes bordées en bas comme d’un remous d’écume par le blanc jupon qui se roule sous la queue de l’étoffe. L’on hennit, en suivant le travail de ces dos de femmes se coulant entre les poitrines d’hommes qui, venant en sens inverse, s’ouvrent et se referment sur elles, laissant entrevoir, par les interstices des têtes, des derrières de chignons, allumés de chaque côté par le point d’or d’un bijou, par l’éclair d’une pierre.

Puis, cet inépuisable quart sans cesse battu par les mêmes femmes vous lasse et l’on dresse l’oreille à la rumeur qui, se levant de la salle, salue l’entrée du chef d’orchestre, un grand maigre connu par ses polkas de barrière et par ses valses. Une salve d’applaudissements part des pourtours du haut et du bas et des loges où des blancheurs suspectes de femmes s’entrevoient dans la pénombre; le maestro s’incline, relève son chef coiffé d’une tête de loup, ses moustaches de chinois poivre et sel, son nez chaussé d’un binocle et, le dos tourné à la scène, il conduit en habit noir et en cravate blanche, remuant tranquillement de la musique, ennuyé et comme pris de sommeil, puis tout à coup se tournant vers les cuivres, il tient son bâton ainsi qu’une ligne, pêche le coup de gueule de la reprise, extrait d’un geste sec des notes comme on arrache des dents, bat l’air en haut et en bas, pompe enfin de la mélodie comme on pompe d’une machine à bière.

Croquis parisiens

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