Читать книгу Croquis parisiens - Joris-Karl Huysmans - Страница 8

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V

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Le ballet commence. Le décor représente un vague intérieur de sérail, plein de femmes encapuchonnées qui se dandinent comme des ourses. Un Ottoman de mardi-gras, la tête couverte d’un turban et la bouche munie d’un chibouck, fait claquer son fouet. Les capuchons tombent, montrant des almées, raccolées dans le fond d’une banlieue, en train de sautiller, au son d’une musique de bastringue, égayée de temps à autre par l’air de “la casquette au père Bugeaud” introduit dans de la mazurke pour justifier sans doute l’arrivée d’une fournée de femmes costumées en spahis.

C’est, à un moment, sous les jets de lumière électrique qui inondent la scène, un tourbillon de tulle blanc, éclaboussé de feux bleus, avec du nu de chair sautant au centre; puis, la première danseuse, reconnaissable surtout à son maillot de soie, apparaît, fait quelques pointes sur les talons, remue ses faux sequins qui l’enveloppent comme d’une ronde de points d’or, bondit et s’affaisse dans ses jupes, simulant la fleur tombée, les pétales en bas et la tige en l’air.

Mais tout cet oriental de mi-carême éclatant dans un fracas d’apothéose n’a pu faire oublier aux connaisseurs que, parmi ces grandes bringues secouant en cadence leurs puces, une seule fut intéressante, celle costumée en officier de spahis, avec un large pantalon bleu flottant, de mignonnes bottes rouges, le spencer à soutaches d’or, le petit gilet écarlate collant, moulant le sein, dessinant la pointe tenue droite. Elle dansait comme une chèvre mais elle était adorable et ignoble, avec son képi galonné, sa taille de guêpe, son gros derrière, son bout de nez retroussé, sa mine gentîment canaille et luronne. Telle quelle, cette fille évoquait des barricades et des rues dépavées, exhalait un fumet de trois-six et de poudre, dégageait un épique de populace, une emphase de guerre civile, mitigée par des noces crapuleuses, en armes.

Invinciblement, l’on a songé devant elle à ces époques surexcitées, à ces soulèvements où la Marianne de Belle-ville lâchée, se rue pour délivrer une patrie ou défoncer une tonne.

Croquis parisiens

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