Читать книгу Isidora - Жорж Санд - Страница 10
PREMIÈRE PARTIE
CAHIER № 2. JOURNAL
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– J'ai été interrompu ce matin par une scène douloureuse et que j'avais trop prévue. Le vieillard, dont une cloison me sépare, a été sommé, pour la dernière fois, de payer son terme arriéré de deux mois, et la voix discordante de la portière m'a tiré de mes rêveries pour me rejeter dans la vie d'émotion. Ce vieux malheureux demandait grâce.
Il a des neveux assez riches, dit-il, et qui ne le négligeront pas toujours. Il leur a écrit. Ils sont en province, bien loin; mais ils répondront, et il paiera si on lui et donne le temps.
Sans avoir de neveux, je suis dans une position analogue. Le notaire qui touche mon mince revenu de campagne m'oublie et me néglige. Il ne le ferait pas si j'étais un meilleur client, si j'avais trente mille livres de rente. Heureusement pour moi, mon loyer n'est pas arriéré; mais je me trouve dans l'impossibilité maintenant de payer celui de mon vieux voisin. J'ai offert d'être sa caution; mais la malheureuse portière, cette triste et laide madame Germain, que la nécessité condamne à faire de sa servitude une tyrannie, a jeté un regard de pitié sur mes pauvres meubles, dont maintes fois elle a dressé l'inventaire dans sa pensée; et d'une voix âpre, avec un regard où la défiance semblait chercher à étouffer un reste de pitié, elle m'a répondu que je n'avais pas un mobilier à répondre pour deux, et qu'il lui était interdit d'accepter la caution des locataires du cinquième les uns pour les autres. Alors, touché de la situation de mon voisin, j'ai écrit au propriétaire un billet dont j'attache ici le brouillon avec une épingle.
«Madame,
«Il y a dans votre maison de la rue de ***, n° 4, un pauvre homme qui paie quatre-vingts francs de loyer, et qu'on va mettre dehors parce que son paiement est arriéré de deux mois. Vous êtes riche, soyez pitoyable; ne permettez pas qu'on jette sur le pavé un homme de soixante-quinze ans, presque aveugle, qui ne peut plus travailler, et qui ne peut même pas être admis à un hospice de vieillards, faute d'argent et de recommandation. Ou prenez-le sous votre protection (les riches ont toujours de l'influence), et faites-le admettre à l'hôpital, ou accordez-lui son logement. Si vous ne voulez pas, acceptez ma caution pour lui. Je ne suis pas riche non plus, mais je suis assuré de pouvoir acquitter sa dette dans quelque temps. Je suis un honnête homme; ayez un peu de confiance, si ce n'est un peu de générosité.»
«JACQUES LAURENT.»