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PREMIÈRE PARTIE
CAHIER № 2. JOURNAL

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J'ai été interrompu par l'arrivée d'un joli enfant de douze ou quatorze ans, équipé en jockey.

– Monsieur, m'a-t-il dit, je viens de la part de madame pour vous dire bien des choses.

– Bien des choses? Assieds-toi là, mon enfant, et parle.

– Oh! je ne me permettrai pas de m'asseoir! Ça ne se doit pas.

– Tu le trompes; tu es ici chez ton égal, car je suis domestique aussi.

– Ah! ah! vous êtes domestique? De qui donc?

– De moi-même.

L'enfant s'est mis à rire, et, s'asseyant près du feu:

– Tenez, Monsieur, m'a-t-il dit en exhibant une lettre cachetée à mon adresse, voilà ce que c'est.

J'ai ouvert et j'ai trouvé un billet de banque de mille francs.

– Qu'est-ce que cela, mon ami! et que veut-on que j'en fasse?

– Monsieur, c'est de l'argent pour ces malheureux locataires du cinquième, que madame vous charge de secourir quand ils ne pourront pas payer.

– Ainsi, madame me prend pour son aumônier? C'est très-beau de sa part; mais j'aime beaucoup mieux qu'elle tonne des ordres pour qu'on laisse ces malheureux tranquilles.

– Oh! ça ne se fait pas comme vous croyez! Madame ne donne pas d'ordres dans la maison. Ça ne la regarde pas du tout. Monsieur le comte lui-même n'a rien a voir dans les affaires du régisseur. D'ailleurs, madame craint tant d'avoir l'air de se mêler de quelque chose, qu'elle vous prie de ne pas parler du tout de ce qu'elle fait pour vos voisins.

– Elle veut que sa main gauche ignore ce que fait sa main droite? Tu lui diras de ma part qu'elle est grande et bonne.

– Oh! pour ça, c'est vrai. C'est une bonne maîtresse, celle-là. Elle ne se fâche jamais, et elle donne beaucoup. Mais savez-vous, Monsieur, que c'est moi qui suis cause que Fly n'a pas mangé votre billet?

– En vérité?

– Vrai, d'honneur! Madame était rentrée pour recevoir une visite. Elle n'avait pas fait attention que le chien tenait quelque chose dans sa gueule. Moi, en jouant avec lui, j'ai vu qu'il était en colère de ce qu'on ne lui faisait pas de compliment; car lorsqu'il rapporte quelque chose, il n'aime pas qu'on refuse de le prendre, il commençait donc à ronger le bois et à déchirer le papier. Alors je le lui ai ôté; j'ai vu ce que c'était, et je l'ai porté à madame aussitôt qu'elle a été seule. Elle ne voulait pas le prendre.

– Mets cela au feu, qu'elle disait, c'est quelque sottise.

– Non, non, Madame, c'est des malheureux.

– Tu l'as donc lu?

– Dame, Madame, que j'ai fait, Fly l'avait décacheté, et ça traînait.

– Tu as bien fait, petit, qu'elle m'a dit après qu'elle a eu regardé votre lettre, et pour te récompenser, c'est toi que je charge d'aller aux informations. Si l'histoire est vraie, c'est toi qui porteras ma réponse et qui expliqueras mes intentions; et puis, attends, qu'elle m'a dit encore: Tu diras à ce M. Jacques Laurent que je le remercie de sa lettre, mais qu'il aurait bien pu l'envoyer plus raisonnablement que par sa fenêtre.

Là-dessus, j'ai expliqué au jockey l'inutilité de ma démarche d'hier et l'urgence de la position. Il m'a promis d'en rendre compte.

J'ai bien vite porté un raisonnable secours au vieillard. En apprenant la générosité de sa bienfaitrice, il a été touché jusqu'aux larmes.

– Est-ce possible, s'est-il écrié, qu'une âme si tendre et si délicate soit calomniée par de vils serviteurs!

– Comment cela?

– Il n'y a pas d'infamies que cette ignoble portière n'ait voulu me débiter sur son compte; mais je ne veux pas même les répéter. Je ne pourrais d'ailleurs plus m'en souvenir.

Isidora

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