Читать книгу Essai sur la fabrique de l'indigo - Joseph-François Charpentier de Cossigny - Страница 7

CHAPITRE PREMIER.

Notions générales sur la Fabrique de l’indigo.

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Table des matières


A fabrique de l’indigo est une opération chimique, une espèce d’analyse qui a pour but d’extraire de l’anil, une substance colorante qu’il contient,&de la séparer des autres mixtes qui forment avec elle les parties constituantes de cette plante. On y parvient à l’aide de la fermentation &du battage.

ON met avec de l’eau les herbes d’anil, soit vertes, soit séches, fermenter dans un vaisseau, soit de terre cuite, soit construit en maçonnierie, soit de bois. Quand on juge que le liquide a dissout tout l’ndigo de la plante, on transvase l’eau du premier vaisseau dans un autre, pour la séparer des herbes; on agite cette eau pendant quelque temps, ensuite on la laisse reposer. La fécule se précipite au fond de ce second vaisseau; alors on décante l’eau, sans la troubler; après quoi on retire l’indigo qu’on met à égoutter dans des sacs, ensuite sécher au soleil ou à l’ombre dans des caisses.

LES détails de ces procédés ne sont plus aussi simples dans la pratique, qu’ils paroissent l’être dans leur exposé. L’excès ou le défaut de fermentation ou même de battage nuisent au succès plus ou moins; c’est-à-dire que le défaut de précision dans l’une ou l’autre opération diminue la quantité du produit, ou en altère la qualité plus ou moins, suivant qu’on s’est éloigné de cette précision. J’indiquerai par la fuite les moyens de la saisir; en attendant posons des principes qui soient la base de notre systême sur l’art de l’indigotier. Les conséquences qui en dériveront, nous instruiront sur les détails des procédés que nous aurons à suivre dans la fabrique.

L’EAU aidée du mouvement fermentatif, s’empare de tous les principes prochains de la plante, dissolubles dans ce menstrue, tels que les substances, savoneuses extractives, comme les sels, les huiles, &les résines, tels que les gommes&les mucilages. L’art vient à bout par l’opération du battage, de séparer indigo des autres mixtes, avec lesquels il est allie ou combiné dans l’eau. Cette séparation forcée tient à un principe de chimie que nous allons exposer&développer avec quelque étendue, en l’appliquant au sujet qui nous occupe.

LES matières colorantes de l’indigo sont de nature résineuse &par conséquent ne se dissolvent pas dans l’eau, à moins qu’elle ne soit imprégnée d’un intermède que la plante contient naturellement &qu’elle ne soit aidée par l’action du mouvement fermentatif. L’indigo sans intermède&sans fermentation est indissoluble à l’eau; il est même de la nature des résines qui ne se dissolvent pas dans l’esprit de vin. On peut bien le diviser mécaniquement, ensuite le délayer dans l’eau; mais ses parties quelques ténues qu’on les suppose, resteront dispersées&interpolées dans la liqueur, surtout si on la rend plus dense par l’addition d’une substance savoneuse, amilacée, ou mucilagineuse &ne feront point dissoutes. Après quelque repos, elles se dépoteront au fond du vase. Une teinture en bleu d’indigo, tant que cette matière n’aura pas été préliminairement dissoute, ne seroit que superficielle&ne pénétrerait pas l’étoffe d’une manière intime; ce seroit une peinture que le lavage emporteroit.

ON entend chimiquement par la dissolution d’une substance dans un liquide, fa combinaison parfaite avec ce même liquide, telle que les parties primitives intégrantes de cette substance, soient unies aux parties primitives intégrantes du liquide, chacune à chacune, de façon qu’il en résulte un nouveau composé qui participe aux propriétés de l’une&de l’autre substance combinées. Pour que la dissolution soit complète, il faut que le liquide qui tient une substance en dissolution, passe à travers les filtres les plus serrés qu’il puisse pénétrer, sans laisser aucun résidu. Si l’eau sort pure en passant par de tels filtres, sans mélange de la substance qu’on lui a donnée à dissoudre, &que cette substance reste sur le filtre, il ne s’est fait aucune dissolution.

ELLE ne peut avoir lieu que lorsque les substances sont réduites à leurs molécules primitives intégrantes. L’eau opère feule cette division sur quelques sels&autres matières; elle ne l’opère sur d’autres qu’à l’aide d’un intermède, dont l’action réunie à celle de l’eau est nécessaire, pour procurer la division de ces mêmes substances, au point de les réduire à leurs molécules primitives. Ainsi la dissolution des matières qui restent en masses d’aggrégés ne peut avoir lieu.

C’EST à cette propriété qu’a l’indigo d’être indissoluble à l’eau, lorsqu’il est dégagé de l’intermède dissolvant, pendant que les autres mixtes qui sont avec lui dans l’extrait y restent dissous, qu’on doit rapporter la séparation qui s’en fait par le moyen du battage; c’est sur elle qu’est fondée toute l’opération de la fabrique. Sans cette propriété, la fécule ne pourroit ni se séparer sans agent, ni se précipiter d’elle-même au fond du vaisseau; ainsi elle passeroit avec l’eau à travers les sacs de toile, dans lesquels on la met à égoutter, quand on la retire de la batterie.

C’EST encore à cette propriété qu’on doit rapporter les raisons du procédé usité, pour teindre en bleu d’indigo&même la ténacité de cette couleur sur les étoffes. Dans l’art de la teinture, on ajoute des alkalis au bain&on le fait fermenter, pour opérer la dissolution de l’indigo. Cette matière adhère fortement aux étoffes, parce qu’ayant été préliminairement réduite à ses molécules primitives intégrantes, elle les a pénétrées: elle ne peut être enlevée par l’eau, parce qu’elle est de nature résineuse.

L’INDIGO est une substance végétale, combinée dans la plante avec un mucilage&avec l’alkali volatil, formant dans cet état le composé universellement répandu dans les végétaux,&que les chimistes nomment extracto-résineux; il n’est point le produit de la fermentation; il existe tout formé dans la plante; je m’en suis assuré par des expériences décisives, dont les résultats peuvent devenir intéressants&dont je pourrai rendre compte un jour au public, lorsque mes recherches me paroîtront assès avancées. L’indigo contenu dans la séve se fixe avec les autres substances, qui sont combinées avec lui, dans le parenchyme des feuilles; une partie exude à travers les pores de la plante&se fige sur les feuilles, au moyen de l’évaporation des parties aqueuses, par l’action combinée de l’air&du soleil; il est souvent apparent à la vue, sur le revers des feuilles. L’art consiste donc à le séparer de la plante, dans son état de pureté &d’homogénéité. Si la nature en le formant peut lui donner par des combinaisons délicates qui tiennent au mécanîsme de la végétation, des qualités différentes, suivant les circonstances, il paroît impossible aux efforts de l’art de l’obtenir absolument pur. Ainsi telle espèce d’anil, tel terrain, telle influence de la saison, donneront des indigots différents de ceux provenus dans telles autres circonstances. Le but des colons&des artistes doit être de rechercher les espèces de plantes les plus riches, tant pour la qualité, que pour la quantité, les terrains, les expositions&les cultures qui leur conviennent le mieux;&quels sont dans la fabrique les procédés les plus simples, les moins dispendieux&les plus fructueux. Revenons à notre sujet.

L’EAU en pénétrant les pores de la plante, qu’on a mise dans la cuve à fermenter, dissout à l’aide d’un degré de chaleur&du mouvement fermentatif, les alkalis que l’anil contient&qui servent d’intermède pour dissoudre l’indigo&pour le séparer de la plante. L’alkali forme avec lui un composé savoneux qui est miscible à l’eau, tant que l’indigo est réduit à ses molécules primitives&ou il est combiné avec une suffisante quantité d’alkali volatil.

MAIS l’union de ces deux substances est lâche; l’une tend naturellement à la précipitation&l’autre à la volatilité; elles sont combinées avec beaucoup d’air; cet air est facilement dégagé par le battage, dont le mouvement occasionne le frottement des molécules les unes contre les autres.

L E dégagement de l’air occasionne l’évaporation de la quantité d’alkali volatil surabondante à l’essence de l’indigo; ce qui en reste au bout de quelque temps de battage, ne suffit pas pour tenir l’indigo en dissolution. Ses parties intégrantes se rencontrent par le moyen du mouvement communiqué à l’extrait, se réunissent tant par leur tendance mutuelle, que par leur viscosité, se pénétrent mutuellement, augmentent de poids par cette pénétration et de volume par leur aggrégation; enfin se précipitent d’elles-mêmes par leur propre poids parce qu’alors elles n’ont plus d’adhérence avec les parties aqueuses &ne peuvent contracter d’union avec elles,&parce que leurs molécules sont spécifiquement plus pesantes dans l’état d’aggrégation que celles de l’eau.

APPLIQUONS ces principes à la fabrique. Nous avons dit qu’elle consistoit dans deux opérations successives de la nature&de l’art, qu’il falloit saisir avec précision, pour obtenir un succès complet.

S I la fermentation n’a pas continué assès longtemps, elle n’a pas eu le tems de dissoudre tout ce que la plante contient de substances résineuses colorantes&l’on perd sur la quantité. Si la fermentation a été trop longue, elle a combiné avec l’indigo d’autres substances qui lui sont hétérogènes&qui altèrent fa couleur; plus loin encore, elle parvient à le décomposer, c’est-à-dire à le dénaturer. Dans le premier cas, l’opération du battage agissant sur une petite quantité de molécules d’anir noyées dans beaucoup d’eau, ne peut pas déterminer leur réunion complète. Dans le second cas, la même opération dégage avec peine&imparfaitement l’indigo des substances avec lesquelles il est allié, qui interposées entre les molécules du grain, empêchent leur réunion. Dans le troisième cas, s’il reste encore quelques parties colorantes qui n’ont pas subi de décomposition, elles sont en petite quantité; elles s’allient avec les parties décomposées qui sont noires&leur couleur en est offusquée.

L E défaut ou l’excès de battage présentent à peu-près les mêmes inconvénients, lors même que la fermentation a été saisie à propos. Un battage trop ménagé n’a pas fait évaporer une assez grande quantité de sels alkalis qui tiennent l’indigo en dissolution. Celui qui reste dissous par ces sels, ne se précipite pas; il est perdu pour l’artiste: un battage trop long divise mécaniquement les masses d’indigo qui s’étoient aggrégées; il flotte dans le fluide,&ne se précipite pas, autre perte pour l’artiste. Bien plus, celles qui peuvent se précipiter, entraînent avec elles des matières hétérogènes, dont le mélange altère la qualité de l’indigo.

EN ne perdant pas de vue cette théorie, j’expliquerai les phénomènes de la fermentation&du battage; ils fourniront de nouvelles preuves à mes principes, répandront un grand jour sur les procédés de la fabrique&enseigneront une méthode plus sûre&plus profitable, que la routine généralement adoptée.

Essai sur la fabrique de l'indigo

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