Читать книгу Les réfractaires - Jules 1832-1885 Vallès - Страница 11

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— Voilà pourtant où ils en arrivent, pour avoir voulu jouer avec les préjugés du monde. A une mort bête, affreuse, par des sentiers boueux, seuls, isolés, maudits, sous l’uniforme des pauvres.

Une fois endossé, l’uniforme, c’est comme la chemise de soufre au dos des condamnés, qui les brûlait vivants. Chaque effort fait pour déchirer ce manteau arrachera un cri de douleur, une larme, un sanglot! Les souffrances des suppliciés duraient un moment — le temps qu’il faut pour rôtir un homme; les leurs, celles de ceux dont je fais l’histoire, durent des années, — le temps de consumer une âme. Ceux que l’on traîne dans des charrettes, les lâches qui ne savent pas mourir, qui sont déjà des cadavres quand arrive le châtiment, ceux-là ne hurlent pas sous la main du bourreau. Il en est aussi, dans ce milieu, qui n’ont pas conscience de leur supplice. Ceux qui ne se sentent pas vivre ne peuvent pas se sentir mourir. Mais ceux qui ont toujours l’orgueil ouvert comme un œil fauve, les gens qui deviennent pâles quand on les plaint, croyez-vous qu’ils souffrent, ceux-là 1

La guerre rogne un peu ses héros; on nous coupe, au lendemain d’une victoire, une jambe, un bras, on nous met des yeux de verre et des mentons d’argent. Une fois le coup de scie donné, tout est dit. Mais le cœur mutilé, lui, poignardé dans celte lutte sourde, atteint par les coups de feu de la vie, on ne l’arrache pas de la poitrine pour en clouer un autre. — On ne fait pas des cœurs en bois. — Il reste là attaché, saignant, avec le poignard au milieu. Riches un jour, célèbres peut-être, ils pourront, ces blessés des combats obscurs, parfumer la plaie, éponger le sang, étancher les larmes; le souvenir viendra toujours ouvrir les cicatrices, arracher les bandages! Il suffira d’un mot, d’un chant, — joyeux ou triste, — pour réveiller dans ces âmes malades le fantôme pâle du passé !

Les maladroits!

Que leur demandait-on? — D’être quelque chose dans lamachine, clou, cheville ou marteau, cinquième roue à un carrosse, n’importe! La société n’y regarde pas de si près, pourvu qu’on ne donne point le mauvais exemple, qu’on ne soit point pour elle un danger.

«AVEC ou CONTRE MOI!» telle est son inexorable devise. — Ayez un état, un métier, une enseigne. Qui vous empêche ensuite d’avoir du génie?

Elle a raison, toujours raison. — Malheur à qui repousse ses avances et veut marcher hors du chemin que la tradition a creusé !

Ou la grand’route ou le ruisseau!

Pour y rouler, dans ce ruisseau, où j’ai vu barboter tant d’âmes, qui furent, m’a-t-on dit, fraîches et fières, il suffit qu’un matin le pain manque et qu’on attende jusqu’au soir pour essayer d’en gagner. S’il hésite une heure, s’il est lâche un moment, le réfractaire, tout est dit, — eût-il du talent comme quatre, les vertus d’un héros, la santé d’un athlète.

En vain il se repentirait et crierait grâce! Il est trop tard, la misère le tient, elle l’avalera tout entier. Il a beau se débattre dans ses angoisses, il est pris dans les herbes, il enfonce dans la vase; garçon flambé,

Un homme à la mer!

Les réfractaires

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