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LE COSTUME OU VÊTEMENT

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Le costume! cette science qui demande tant d'art et de goût, pour arriver à une simplicité savante, à cette espèce de laisser-aller, qui n'est point le négligé, à ce résultat élégant et harmonieux, qui est presque du génie... Nos pères en avaient bien compris l'importance. Ils en avaient fait un tout complet jusque dans ses moindres détails.

Rappelez-vous ces somptueux habits de velours ou de soie, ces vestes de drap d'or et de toile d'argent; cette cravate d'un tissu si fin, roulée nonchalamment autour du cou, pour laisser à la tête toute sa grâce et son balancement naturel; et ces manchettes en points d'Angleterre, ces jabots en point de Venise qui coûtaient jusqu'à mille écus; et ces chapeaux, empanachés de plumes, avec broderies, galons et diamants; et la poudre qui faisait la tête si gracieuse, si odorante; et ces bas de soie à coins brodés, ces souliers à talons rouges et à boucles d'or; et ces riches épées, à la garde étincelante, si artistement travaillée.

Nous avons remplacé tout cela par une mesquinerie sans nom. Nous avons jeté sur nos épaules un morceau de drap noir—habit ou redingote—qui nous sert pour le salon et la rue, le bal et l'enterrement. Nos jambes, nous les insérons dans un double entonnoir, afin d'en dissimuler les grosseurs ou les indigences. Nos bottes et bottines, bien gentilles, ma foi! elles nous font un pied en forme de sole. Et le chapeau, ce fameux tuyau de poêle, qui n'abrite ni du soleil, ni de la pluie, qui écrase la tête en été, ne la tient pas chaude en hiver, ne dirait-on pas qu'il a été inventé pour résoudre un problème d'équilibre sur notre occiput?

N'oublions pas la cravate blanche qui, jointe à cet accoutrement, nous donne l'air d'un croque-mort, en deuil de quelqu'un ou de quelque chose.

Quand on pense que toutes ces belles choses-là nous sont venues en ligne directe de la perfide Albion, on serait tenté de s'écrier comme le vieux Caton: «Delenda est Albion

Heureusement, nos femmes se sont gardées de nous suivre dans cette voie du laid et du ridicule. Elles créent, elles inventent tous les jours et à toute heure. Elles prennent partout, empruntent à tous les siècles et à tous les pays. La soie, le velours, le satin, le cachemire, les dentelles, les étoffes tramées d'or et d'argent, les diamants et les fleurs, sont par elles mis à contribution.

Il y a de l'imprévu et de la variété dans la toilette des femmes. Notre costume, à nous, est stéréotypé: toujours le même, à part quelques minces changements,—et le même pour tous!

Avec lui, plus de luxe possible. L'habit d'un millionnaire ou d'un descendant des Croisés ressemble à s'y tromper, à l'habit du premier ou du dernier venu. Allez trouver le tailleur le plus en renom; moyennant cent écus, il vous fournira un habillement complet, tout pareil à celui de M. le baron de Rothschild ou de M. le président de la République. Or, quel est le bourgeois, quel est l'ouvrier, qui, pour cette modique somme, ne voudra pas se donner la satisfaction d'être mis comme un archimillionnaire, ou comme le chef de l'État?

Oui, avec de l'argent, on peut se passer ce petit luxe de vanité, et mieux encore, se livrer aux fantaisies les plus somptueuses. Mais ce que l'on ne saurait se procurer contre écus, c'est l'élégance et le savoir-vivre. Aussi conseillerons-nous aux parvenus de la fortune, ainsi qu'aux parvenus des révolutions, de refaire de fond en comble leur éducation.

Ils apprendront, avec le temps, à se familiariser avec cette grande existence qui est venue les surprendre tout à coup; ils arriveront, à la longue, à façonner leur nature commune aux délicatesses et aux belles manières, qui sont chez ceux qui les possèdent le résultat des traditions de famille.

Manuel de la politesse des usages du monde et du savoir-vivre

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