Читать книгу Pie IX et Victor-Emmanuel: Histoire contemporaine de l'Italie (1846-1878) - Jules Zeller - Страница 3
PRÉFACE
ОглавлениеLe successeur de Victor-Emmanuel II, le roi Humbert Ier, en ouvrant le Parlement italien à Rome, peu de temps après la mort de son père et celle du pape Pie IX, rappelait «ces trente-deux mémorables années» qui, de 1846 à 1878, «grâce à tant d’événements merveilleux», survenus sous le règne du fils de Charles-Albert et sous le pontificat du prédécesseur de Léon XIII, avaient vu s’accomplir «une des plus grandes révolutions des temps contemporains dans l’histoire de l’Italie, de l’Église et de la civilisation européenne».
C’est le récit de ces grands évènements autant que le portrait de deux personnages historiques contemporains que nous offrons dans cet ouvrage, sous le titre de: Pie IX et Victor-Emmanuel II. Bien que le roi et le pape aient en effet joué un rôle considérable dans cette histoire et que l’originalité de leur caractère mérite d’être étudiée, on peut dire qu’ils ont plutôt été soulevés, agités, élevés ou abaissés par les évènements qu’ils ne les ont conduits, comme il arrive le plus souvent dans les époques tourmentées de l’histoire.
Combien l’Italie d’aujourd’hui ne doit-elle pas aux brillants et généreux écrivains, poètes et publicistes, qui ont entretenu aux périls de leur vie la flamme intérieure du patriotisme italien et les sympathies du monde libéral! Quels collaborateurs le descendant, des ducs de Savoie et des rois de Sardaigne n’a-t-il pas trouvés dans des politiques comme les d’Azeglio, les Cavour, les Minghetti, et quels entraînements ou quels aiguillons dans des aventuriers ou des conspirateurs tels que Garibaldi et Mazzini! Le royaume libéral de l’Italie enfin indépendante et une n’a-t-il pas eu pour parrain, par une contradiction étrange, l’ancien empereur des Français, Napoléon III, et le nouvel empereur d’Allemagne, Guillaume? Les deux diplomaties française et anglaise n’ont-elles pas à plusieurs reprises brigué à l’envi l’honneur de lui servir de marraine? Et Pie IX n’a-t-il pas passé de l’inspiration de Gioberti et de Ventura à la direction de Mgr de Mérode et d’Antonelli; n’a-t-il pas donné d’abord le branle à la révolution italienne pour se réfugier à la fin dans le Syllabus et l’infaillibilité ? — Aux premiers jours de son pontificat, porté presque à la primatie politique ou à la présidence de la fédération italienne, et, dans les derniers, après la perte d’un territoire ingouverné et d’un pouvoir temporel compromis, réduit, prisonnier volontaire, à un coin de terre, mais de là, du Vatican, souverain plus absolu que jamais dans l’Église catholique, — le dernier pape-roi n’a-t-il pas été ballotté par le flux et le reflux de la tempête d’une extrémité à l’autre de la civilisation européenne?
Quelques-uns de ceux qui me font l’honneur de s’intéresser aux ouvrages historiques que je publie se demanderont peut-être pourquoi j’ai ainsi momentanément quitté une œuvre de longue haleine, déjà commencée, sur un peuple voisin, et qui est pour nous, même quand elle traite d’époques plus reculées, d’un douloureux intérêt. Ils voudront bien se rappeler que l’Italie aussi a été autrefois l’objet de mes études et de mes préoccupations, quand elle était moins heureuse; et ils comprendront que, à m’intéresser encore à elle, j’éprouve aujourd’hui, sinon un complet contentement, au moins un peu plus de cette satisfaction dont le travail de l’écrivain ne saurait toujours se passer. Les deux passions d’esprit des premières années de ma carrière à la fois laborieuse et variée d’historien (celle de l’Italie et celle de l’Allemagne), n’ont pas été, en effet, l’une et l’autre, quoique à des degrés bien différents, sans m’apporter, comme à plusieurs, quelques déceptions. Au moins leur dois-je aujourd’hui, après les généreuses infortunes si noblement supportées par la France, de rester toujours plus attaché, s’il est possible, à mon pays, quoique j’aie moins écrit, sinon moins enseigné, son histoire.
J. ZELLER.
31 mars 1879.