Читать книгу L'art de la mise en scène: Essai d'esthétique théâtrale - L. Becq de Fouquières - Страница 8

CHAPITRE IV

Оглавление

Table des matières

Rapports de la mise en scène avec la valeur d'une oeuvre dramatique. —Le peu d'appareil des théâtres de province favorisait l'art dramatique.—L'excès de mise en scène lui est nuisible.

Puisqu'il n'y a pas équation entre l'effet représentatif d'une oeuvre dramatique et sa valeur intrinsèque, nous pouvons en conclure qu'en augmentant son effet représentatif on n'ajoute rien à sa valeur intrinsèque, et que les valeurs relatives de deux oeuvres dramatiques ne sont pas entre elles comme leurs effets représentatifs. Mais, dans la généralité des cas, le plaisir que l'on cherche à procurer au spectateur est un plaisir général et total qui se compose de la somme de toutes ses sensations et de toutes ses émotions, de quelque nature qu'elles soient. Il suit de là, premièrement, que la mise en scène pourra être souvent considérée comme un correctif à la faiblesse d'une oeuvre dramatique; deuxièmement, que la mise en scène peut par son excès être un dérivatif à l'attention que mériterait la valeur intrinsèque d'une oeuvre dramatique. C'est à peine si la première proposition mérite que nous nous y arrêtions. Tout le monde sait qu'un certain nombre des théâtres de Paris ne vivent que par la mise en scène. Les ouvrages médiocres qu'ils montent ne réussissent la plupart du temps à captiver le public que par le pittoresque des décors, la richesse des costumes, l'ampleur de la figuration, ou même par les exhibitions les plus excentriques. L'art dramatique ramené ainsi à n'être que de l'art théâtral devient un art tout à fait inférieur.

Toutefois, si la première proposition ne demande que quelques mots d'explication, elle est cependant importante par une des conclusions qu'on en peut tirer et qui nous offre la résolution d'un problème intéressant. Jadis, quand il y avait des théâtres en province et des troupes qui s'y établissaient à demeure pour la saison d'hiver, les directeurs, n'ayant en général à leur disposition qu'un très maigre appareil représentatif, avaient à se préoccuper dans une certaine mesure de la valeur des pièces qu'ils montaient. Ces théâtres étaient ainsi favorables au progrès de l'art dramatique. Aujourd'hui, un autre système a prévalu. Une troupe part de Paris, avec armes et bagages, et s'en va de ville en ville, montant partout l'unique pièce qui compose son répertoire et pour laquelle elle a pu faire les dépenses d'un appareil représentatif, très supérieur à celui qu'aurait eu à sa disposition un directeur de province. Or, à la faveur de cet appareil et grâce au prestige de quelques acteurs en renom, on parvient à imposer aux applaudissements de la province des pièces d'une valeur intrinsèque inférieure. C'est ainsi que les nouvelles moeurs théâtrales et que ces troupes de voyage sont contraires au progrès de l'art dramatique. Ici, je n'ai pas d'ailleurs à examiner cette question dans les détails infinis qu'elle comporterait: je l'ai ramenée à sa plus simple expression. Je ne puis cependant résister au désir de signaler, comme la conséquence, la plus grave peut-être, du système actuel, l'anéantissement du répertoire classique.

L'examen de la seconde proposition nous conduira à une conclusion identique. L'abus ou l'excès de la mise en scène détourne le jugement du spectateur de l'objet qui devrait faire sa préoccupation principale, par suite abaisse son goût, et en même temps pousse les auteurs, qui peuvent compter sur l'effet d'un puissant appareil représentatif, à se contenter d'un succès plus facile à obtenir et à négliger la conception de leur oeuvre et la conduite de l'action. L'abus ou l'excès de la mise en scène est donc ainsi contraire aux progrès de l'art dramatique.

L'art de la mise en scène: Essai d'esthétique théâtrale

Подняться наверх