Читать книгу L'art de la mise en scène: Essai d'esthétique théâtrale - L. Becq de Fouquières - Страница 9

CHAPITRE V

Оглавление

Table des matières

Recherche d'un principe physiologique auquel puissent se rattacher les lois de la mise eu scène.—Les impressions intellectuelles et les sensations organiques s'annihilent réciproquement.

On a pu m'accorder les propositions émises précédemment et en reconnaître la justesse. En effet, elles résultent de la constatation de faits que chacun a pu observer. Mais il me paraît nécessaire de les rattacher à un point fixe et de chercher, en dehors du théâtre, une méthode de démonstration.

Or, en physiologie, ou en psychologie, comme on voudra, on admet, en se basant sur des séries d'expériences pour ainsi dire quotidiennes, et que chacun peut contrôler par ses propres observations, que notre attention, ordinairement diffuse et mobile, peut, en se concentrant sur des impressions reçues par notre esprit ou sur des sensations éprouvées par un de nos organes, nous rendre insensibles à tout ce qui ne se rapporte pas exclusivement soit à ces impressions intellectuelles, soit à ces sensations organiques. En d'autres termes, sous l'influence de préoccupations spéciales, un groupe de sensations, d'images ou d'idées, s'impose à nous à l'exclusion de tous les autres qui restent alors inaperçus. On pourrait dire, en quelque sorte, que la sensibilité énergiquement surexcitée d'un de nos organes anesthésie momentanément nos autres organes.

Les exemples sont nombreux et bien connus. Une personne absorbée par une pensée regarde fixement sans les voir les autres personnes qui sont devant elle; ou bien, captivée par un spectacle, elle n'entendra pas qu'on lui parle. Un soldat, au milieu de la mêlée, n'a pas immédiatement conscience d'une blessure qu'il vient de recevoir; il ne s'en aperçoit que lorsque le sang qui coule attire son attention. Pascal domptait la douleur par le travail, et Archimède, occupé de la résolution d'un problème, ne percevait pas le bruit du combat qui se livrait dans les rues de Syracuse. La vue des images divines, qui hantaient l'esprit des martyrs, les absorbait souvent à tel point qu'ils ne sentaient ni le fer ni le feu qui torturaient leurs chairs. Mais, pour prendre un exemple moins tragique et d'observation plus aisée, tout le monde sait que, lorsque nous voulons concentrer notre esprit sur une idée, nous fermons instinctivement les yeux, ou bien que nous fixons nos regards sur quelque angle banal et obscur de la chambre; que l'enfant, pour apprendre ses leçons, se bouche les oreilles de ses deux mains, et que le collégien qui regarde les mouches voler ne profite pas beaucoup des démonstrations du professeur. C'est à l'infini qu'on pourrait recueillir des faits semblables. Tantôt, c'est la préoccupation de l'esprit qui empêche nos regards de percevoir les formes et les couleurs ou nos oreilles de percevoir les sons, tantôt ce sont des images optiques ou des sons qui s'opposent à toute autre association d'idées.

A cette observation d'ordre physiologique on objectera, qu'en réalité il nous est possible dans le même moment d'écouter, de regarder et de penser. En effet, c'est là le cours perpétuel de la vie; mais, dans ce cas, les impressions auditives, optiques et intellectuelles doivent être assez faibles pour pouvoir être perçues toutes à la fois, car, si l'équilibre entre ces impressions également faibles vient à se rompre, la loi physiologique s'impose. Nous pouvons donc dire que, pour être perçues à la fois, des impressions auditives, optiques et intellectuelles doivent, premièrement, être très faibles ou avoir un rapport commun, et, deuxièmement, conserver entre elles la proportion d'intensité qui leur a permis de se manifester dans le même moment.

L'art de la mise en scène: Essai d'esthétique théâtrale

Подняться наверх