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Le filleul s’approcha de la rivière, puisa de l’eau plein sa bouche, arrosa le premier charbon et marcha encore et encore; il fit cent voyages avant que la terre fût assez mouillée autour d’un charbon. Il recommença alors à arroser les deux autres. Le filleul se fatigua; et il avait faim. Il se rendit chez le vieillard pour lui demander à manger. Il ouvrit la porte: le vieillard était mort sur un banc.

Il regarda autour de lui, aperçut des croûtons et mangea. Il trouva une pioche, et se mit à creuser une fosse pour le vieillard. La nuit, il portait l’eau pour arroser, et, dans la journée, il creusait la fosse. Ce ne fut que le troisième jour qu’il acheva la fosse. Il allait l’enterrer quand arrivèrent du village des gens qui apportaient à manger au vieillard. Ils apprirent que le vieillard était mort après avoir béni le filleul. Ils aidèrent le filleul à enterrer le vieillard, laissèrent du pain, promirent d’en apporter encore: puis ils partirent.

Il resta, le filleul, à vivre à la place du vieillard; il y vécut, se nourrissant de ce que les gens lui apportaient; et il continuait à exécuter les prescriptions du vieillard, puisant de l’eau à la rivière, et arrosant les charbons. Le filleul vécut ainsi une année. Beaucoup de gens commençaient à le visiter. Le bruit se répandit que dans la forêt demeurait un saint homme qui faisait son salut et arrosait avec sa bouche des morceaux de bois brûlé. On se mit à le visiter, lui demander des conseils et des avis. De riches marchands venaient aussi chez lui et lui apportaient des cadeaux. Le filleul ne prenait rien pour lui, sauf ce dont il avait besoin; et ce qu’on lui donnait, il le distribuait aux pauvres.

Et le filleul passait bien son temps: la moitié du jour, il portait dans sa bouche de l’eau pour arroser les charbons, et, l’autre moitié, il se reposait et recevait les visiteurs. Et le filleul se mit à croire que c’était ainsi qu’il devait vivre, ainsi qu’il détruisait le mal et rachèterait le péché.

Le filleul vécut de la sorte une seconde année, et il ne passait pas un seul jour sans arroser, et pourtant pas un seul charbon ne poussait. Un jour, étant dans son ermitage, il entendit un cavalier passer en chantant des chansons. Le filleul sortit voir qui était cet homme; il vit un homme jeune et fort. Ses habits étaient beaux, beaux le cheval et la selle. Le filleul l’arrêta et lui demanda qui il était, et où il allait.

L’homme s’arrêta.

— Je suis un brigand, dit-il, je vais par les chemins, je tue les gens. Plus je tue, plus gaies sont mes chansons.

Le filleul effrayé pensa: «Comment chasser le mal de cet homme? Il est facile de parler à ceux qui viennent chez moi se repentir d’eux-mêmes. Mais celui-ci se vante de ses péchés.»

Le filleul voulait s’en aller, mais il pensa: « Comment faire? Ce brigand va maintenant passer par ici, il effraiera le monde; les gens cesseront de venir chez moi, et je ne pourrai ni leur être utile, ni vivre moi-même. »

Et le filleul s’arrêta, et il se mit à dire au brigand:

— Il vient ici chez moi, dit-il, des pécheurs, non pas se vanter de leurs péchés, mais se repentir et se purifier. Repens-toi aussi, si tu crains Dieu; et si tu ne veux pas te repentir, va-t’en alors d’ici, et ne viens jamais; ne me trouble pas, et n’effraie pas ceux qui viennent. Et si tu ne m’écoutes pas, Dieu te punira.

Le brigand se mit à rire.

— Je ne crains pas Dieu, dit-il, et toi, je ne t’obéis pas. Tu n’es pas mon maître. Toi, dit-il, tu te nourris de ta piété, et moi, je me nourris de brigandage. Tout le monde doit se nourrir. Enseigne aux femmes qui viennent chez toi; moi, je n’ai pas besoin d’être enseigné. Et puisque tu m’as rappelé Dieu, je tuerai demain deux hommes de plus; je te tuerais aussi tout de suite, mais je ne veux pas me salir les mains; et dorénavant ne te trouve pas sur mon chemin.

Ayant ainsi menacé, le brigand s’en alla.

Depuis, le filleul craignait le brigand. Mais le brigand ne passait plus, et le filleul vivait tranquillement.

À la recherche du bonheur (L'édition intégrale de 7 contes)

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