Читать книгу Histoire chantée de la première République, 1789 à 1799 - Louis Damade - Страница 3
PRÉFACE
Оглавление«Le peuple français, naturellement joyeux
«exprime ses sentiments d’allégresse par des
«chants qui caractérisent la situation de son
«âme. Il est aujourd’hui tout brûlant d’amour
«pour la liberté qu’il a conquise, pour l’égalité
«qu’il veut maintenir, et pour sa patrie qu’il
«veut sauver!...»
C’est ainsi que commence la préface d’un Recueil d’hymnes et couplets patriotiques, publié à Rouen, en l’an II, et il suffit de parcourir les pages qui vont suivre pour se convaincre que la chanson n’a jamais été plus à la mode que pendant cette période révolutionnaire de 1789 à l’an VIII.
Pour réunir tant de documents, l’auteur a fouillé avec patience dans les bibliothèques, il a compulsé les journaux du temps, les almanachs des muses, etc., et il offre aux lecteurs l’histoire en chansons. Tantôt sur un ton enjoué, tantôt sur un ton sévère, on chante partout! Dans la rue, dans les festins, dans les théâtres, dans les réunions publiques, à la barre de la Convention, où Chenard et Narbonne, de la Comédie Italienne, chantent des couplets le 5 juillet 1793; à la tribune même, où, le 18 septembre de l’an II, les volontaires jurent d’expulser les despotes sur l’air:
Du serin qui te fait envie,
tout y passe tour à tour; cela commence au serment du Jeu de paume, célébré sur l’air:
Mon petit cœur à chaque instant soupire,
puis on chante la Bastille, et les Droits de l’homme, et l’emprunt forcé, et les réquisitions et le divorce... on chante même
La douce guillotine
Aux attraits séduisants!
qui revient encore dans d’autres couplets, sous une forme persuasive, car, après tout,
Il vaut beaucoup mieux obéir,
Que de se faire raccourcir.
D’abord on a chanté sur l’air de Vive Henry quatre:
Vive Louis seize
Le bon Roi citoyen!
puis viennent les cris de mort contre les Rois et les hymnes à Marat, pour finir par les couplets à Bonaparte!
Dans cette rage de tout mettre ainsi en couplets, ce ne sont pas seulement les passions politiques, les sentiments patriotiques qui excitent la verve des chansonniers, on fait rimer le texte des décrets, des articles des lois, et jusqu’à la liste complète des noms des représentants. C’est un genre de poésie fort à la mode.
Déjà, en 1768, on avait publié la Coutume de Paris mise en vers; en 1792, Marchant fait paraître la Constitution en vaudevilles, suivie des Droits de l’homme, de la femme et de plusieurs autres vaudevilles, constitutionnels, — à Paris, chez les libraires royalistes. En l’an VIII c’est la Constitution en vaudeville, œuvre posthume d’un homme qui n’est pas mort, publiée par lui-même et dédiée à Madame Buonaparte.
Dans cette longue série de chants de toute sorte, les paroles sont adaptées le plus souvent, tant bien que mal, à l’air des Marseillais, de la Carmagnole ou de: A la façon de Barbari. Mais, souvent aussi, la musique des hymnes de Chénier, de Lebrun, de Baour-Lormian est écrite par Grétry, par Catel, par Gossec.
Il est permis de croire qu’une fois la tourmente révolutionnaire passée, les souvenirs de cet ardent lyrisme n’ont pas toujours été agréables aux auteurs; parmi les productions de ce genre, celles qui ont été imprimées ou gravées nous restent. Quant à celles qui étaient manuscrites, il en est beaucoup que l’on a pris soin de faire disparaître plus tard, et, dans la riche bibliothèque de l’Opéra, c’est le répertoire Républicain qui est le moins complet.
CH. NUITTER.
Paris, juillet 1892