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INTRODUCTION.

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Table des matières

IL est des animaux dont la forme et la couleur n’ont rien d’agréable à nos yeux; il en est même dont l’existence chétive et misérable excite en nous un sentiment profond de peine et de pitié. Mais de petits oiseaux d’une forme élégante, brillans des couleurs les plus riches, et qui passent leur vie parmi les fleurs, dans un mouvement perpétuel, rappellent à notre ame des idées de richesse et de plaisir. Ce sont des êtres presque parfaits, que nous ne pouvons nous lasser d’admirer.

En effet, il semble que la nature se soit épuisée à rassembler sur les Colibris et les Oiseaux-mouches, tous les attributs de la beauté; elle leur a donné avec profusion tout ce qui plaît, tout ce qui fait aimer; ils sont, pour ainsi dire, un échantillon de sa puissance: l’or, le rubis, la topaze et toutes les pierres précieuses, n’ont pas un éclat plus radieux que les plumes de ces charmans oiseaux; l’éclair seul peut nous donner une idée de la prestesse de leur mouvement et de l’éclat dont ils brillent, lorsque cherchant dans le sein des fleurs le nectar dont ils se nourrissent, ils passent d’un lieu à un autre: ce mouvement rapide est accompagné d’un bruit très-sensible, qui a fait donner à ces oiseaux, entre autres noms, celui de Frou-frou.

Ainsi que notre Sphinx, morio, c’est en agitant vivement leurs ailes, que les Oiseaux-mouches restent stationnaires en présence de chaque fleur: la poussière des étamines est l’objet de leurs désirs; ils la recueillent au. moyen de leur langue longue et bifide. Cette langue a la propriété de s’alonger comme celle du Torcol et des Pics, et sans doute par un moyen analogue à celui qui meut la langue de ces oiseaux.

Et comme si l’intention de la Nature en créant ces êtres privilégiés, eut été de rassembler sous un petit volume tous les excès, elle leur a donné des passions vives et turbulentes; ils sont impatiens, colères et même belliqueux. Lorsque cherchant des fleurs nouvelles ils en rencontrent de fanées, ils se dépitent, les déchirent, et dispersent au loin leurs pétales; ils combattent les individus de leur genre qu’ils rencontrent sur leur passage, et l’on prétend même qu’ils osent attaquer des oiseaux plus gros qu’eux, qu’ils les frappent, les percent de leur long bec, et les mettent en fuite.

Buffon dit que les Oiseaux-mouches vivent solitaires, ce qui peut être vrai à l’égard de certaines espèces; mais Stedman nous apprend qu’il en est qui vivent en sociétés même très-nombreuses, " Les Oiseaux-murmures, dit cet Officier, se plaçoient en tel nombre sur les tamariniers, à l’Espérance, qu’on les eût pris pour des essaims de guêpes».

Dans le temps des amours, ces petits animaux construisent un nid de la forme et de la grosseur d’une moitié de noix: ce nid composé de la bourre soyeuse de la thapsie, est attaché à quelque fine branche d’oranger ou de café, et quelquefois, selon Stedman, sur une feuille d’ananas sauvage ou d’aloès nain: il contient deux œufs blancs, de la grosseur d’un pois, que le père et la mère couvent alternativement pendant treize jours: les petits nouvellement éclos sont à-peu-près de la grosseur d’un taon, et la mère les nourrit du miel qu’elle va recueillir sur les fleurs. Rien n’est égal à la vivacité de son amour pour sa progéniture: si l’on change son nid de lieu, qu’on le place même dans une chambre, elle ne craint pas d’y porter la becquée.

Ces beaux oiseaux sont trop délicats pour être élevés en esclavage; ils meurent entre les mains des hommes, et ceux qu’on prend adultes, expirent à l’instant même où ils sont pris.

Les Indiens leur avoient donné le nom de Cheveux du soleil; ce nom exprime assez que l’éclat et le mouvement de ces petits oiseaux, du moins quelques espèces, produisent un effet pareil à celui de ces feux aériens qui filent dans les belles nuits d’été, et que le vulgaire appelle étoiles tombantes.

Lors de l’arrivée des Espagnols au Pérou, ces conquérans virent avec admiration des tableaux que les Indiens exécutoient avec des plumes de Colibris: tous les voyageurs s’accordent sur la beauté et la délicatesse de ces tableaux; et en effet il ne faut pas un grand effort d’imagination pour se représenter leur éclat et leur fraîcheur.

Non-seulement le plumage des Oiseaux-mouches étincelle des couleurs les plus vives, mais encore ces couleurs ont la propriété de changer de nuance selon la direction du jour qui les éclaire. C’est ici le lieu d’examiner ces plumes, et de chercher la cause de leur éclat. Pour le faire avec quelque succès, il est bon de les comparer aux plumes d’oiseaux de différens genres.

Les couleurs qui embellissent les oiseaux en général, peuvent être divisées en plusieurs classes: elles sont ou mattes ou brillantes, changeantes ou métalliques.

Les couleurs mattes sont celles qui ne sont point susceptibles de changer de nuances par les différentes directions du jour: les barbes des plumes qui sont ainsi colorées, ont leur tige garnie de chaque côté depuis leur base jusqu’à leur extrémité, de barbules très-fines et très-déliées. (PL1, fig. 1.) La plupart des oiseaux de notre pays nous offrent des exemples de couleurs mattes.

Les couleurs brillantes sont celles qui, sans avoir la propriété de changer de nuance, ont cependant un éclat analogue à celui des corps polis: cet éclat est dû à la forme particulière des barbes des plumes. Un grand nombre d’oiseaux ont des couleurs très-brillantes; telles sont les plumes rouges des Pics, les plumes jaunes ou rouges des Cassiques, celles des Manakins, celles des Guit-Guits, etc. Les barbes de ces plumes (fig. 2) n’ont de barbules qu’à leur base, le reste est nu, cylindrique, lisse et très-poli; mais cette forme cylindrique n’est pas complète; vues en dessous, ces barbes sont creusées longitudinalement en gouttière. (Voyez a, fig. 2, qui représente la coupe d’une de ces barbes.) Cette partie lisse est une suite de la tige, et n’en diffère qu’en ce qu’elle est du double plus grosse, comme si la quantité de matière qui compose les barbules se trouvoit ici réunie à la tige pour en augmenter le volume. Cette supposition n’est pas tout-à-fait dénuée de probabilité. Si l’on examine une des plumes de la tête de notre Martin-Pêcheur, ou du petit Martin-Pêcheur aigreté d’Afrique, on trouvera que cette plume, noire depuis sa base jusqu’à son extrémité, est traversée par une tache d’un bleu-clair très-brillant, et l’on remarquera que la tige de chaque barbe (fig. 3) est garnie de barbules à sa base et à son extrémité, tandis que son milieu coloré est plus gros, cylindrique et dénué de barbules, ou du moins qu’elles y sont si petites, qu’elles ne peuvent être apperçues qu’à l’aide d’une forte loupe.

On trouve des barbes de plumes brillantes qui sont munies de barbules; mais alors ces barbules sont fort courtes. Le Geai de France a sur les ailes des plumes d’un bleu très-vif; les barbes de ces plumes (fig. 4) ont une tige longue, épaisse, très-lisse et colorée alternativement de blanc, de bleu et de noir; cette tige est munie de barbules dans toute sa longueur; mais elles sont courtes et noires, et ne peuvent être apperçues que lorsque la barbe est entièrement séparée de celles qui l’avoisinent. Il en est de même des plumes bleues du Geai de la Caroline, Corvus cristatus. J’ai fait la même observation sur les plumes vertes des Perroquets; mais ici les tiges des barbes (fig.5) sont séparées, et laissent voir les barbules dont elles sont munies; quelquefois celles-ci sont colorées, mais leur couleur est si matte, qu’au lieu d’ajouter à l’éclat de la tige, elle ne sert qu’à le tempérer.

Ainsi, l’éclat des plumes brillantes est dû à la dureté et au poli des tiges de leurs barbes, et cet éclat est d’autant plus vif, que les barbules qui les accompagnent sont plus courtes. Aussi le Guit-Guit vert, Certhia Spiza, est-il beaucoup plus brillant que les Perroquets, parce que les plumes de cet oiseau ont des barbes absolument nues et semblables à des piquans, tandis que les barbes des plumes des Perroquets sont munies de barbules assez longues, et souvent d’une couleur obscure.

Les plumes de couleurs changeantes, non-seulement brillent par leur poli, mais encore elles ont la propriété de changer de nuance selon l’angle que décrit le rayon qui les éclaire. Le Cottinga vert à gorge violette, Ampelis Cayana, paroît vert de mer, lorsque l’œil se trouvant à-peu-près placé entre cet oiseau et la lumière, le rayon lumineux décrit un angle aigu; mais il devient bleu à mesure que cet angle se rapproche de l’obtus. Cependant les barbes des plumes de ce Cottinga n’ont rien d’apparent qui puisse être regardé comme la cause de ce changement; elles sont comme toutes les plumes brillantes, barbues à leur base, et lisses et cylindriques dans tout le reste de leur longueur. (Fig. 2.)

On ne peut supposer que la surface de ces barbes soit chargée d’aspérités, de particules saillantes, dont une des faces seroit bleue et l’autre verte; s il en étoit ainsi, on pourroit obtenir ces deux nuances en tournant loiseau sur lui-même, sans le changer de place; mais au contraire dans lune ou l’autre position, les plumes sont constamment bleues ou vertes.

Suivant la théorie de Newton, ce changement de couleur vient de ce que les barbules n’étant qu’un peu plus denses que l’air environnant, les rayons en passant de ce milieu dans les lames que l’on suppose situées à la surface des corps, n’éprouvent que peu de divergence; et comme, selon cette théorie, la couleur d’un corps dépend du degré de ténuité de ces mêmes lames, il résulte que si le rayon abc (fig.6) tombe perpendiculairement sur la lame de, l’espace bc qu’il parcourt dans cette lame étant beaucoup moins considérable que celui que parcourt le rayon oblique fbg, l’œil en partant du point a éprouvera des sensations différentes à mesure qu’il approchera du point f. Ainsi, suivant Newton, les couleurs changeantes des plumes sont le résultat de leur densité, qui se trouve, a peu de chose près, égale à celle du milieu environnant.

Cependant il est bon d’observer que si on plonge le Cottinga vert dans un milieu beaucoup plus dense, tel que l’eau, par exemple, l’effet sera absolument le même que dans l’air.

Les couleurs métalliques ont un éclat parfaitement semblable à celui des métaux. Toutes les barbes des plumes ainsi colorées, que j’ai été à même d’observer, sont munies de barbules dont l’aspect annonce la dureté. Ces barbules sont également larges dans toute leur longueur, et paroissent tronquées à leur extrémité: vues au microscope, on remarque sur leur surface une file de points très-lumineux, et qui paroissent enfoncés; car ils sont d’autant plus brillans, que la lumière qui les frappe approche de la perpendiculaire; et ils deviennent d’autant plus obscurs, qu’elle approche de lhorizontale. Sur l’Etourneau cuivré d’Afrique, les barbes des plumes (fig.7) ont des barbules entièrement noires du côté extérieur, jusqu’aux deux tiers de la tige, en partant de la base. Les barbules du cote intérieur sont plus longues, elles sont noires vers la tige; mais les deux tiers jusqu’à l’extrémité sont colorés d’un bleu très-foncé. Ces barbes s’imbriquent les unes sur les autres, de manière que toute la partie noire des barbules se trouve entièrement cachée.

Le Coucou doré d’Afrique, Cuculus auratus, a des plumes dorées sur le dos, qui sont très-brillantes; aussi les barbes de ces plumes (fig. 8) ont-elles des barbules entièrement colorées. Les barbes des plumes du Paon sont aussi entièrement colorées de vert-doré; mais ici les barbules sont convexes, de manière que la tige paroît enfoncée. (Fig. 9et a qui représente la coupe de cette barbe.) Dans le Jacamar, les barbes (fig. 10) sont parfaitement plates; cependant la lumière se joue sur ces barbes de telle manière, que dans certaines positions leur tige paroît saillante, et que dans d’autres au contraire elle paroît enfoncée. Mais ceci n’est qu’une illusion, il suffit de trancher la barbe pour reconnoître la vérité. Sur le Sucrier, Certhia Senegalensis, les plumes dorées sont d’abord noires, il n’y a que leur extrémité qui soit colorée. Les barbes de ces plumes sont munies de barbules très-grosses, d’inégale longueur, et fortement marquées de points enfoncés. (Fig. 11.)

Mais quel que soit l’éclat des couleurs qui embellissent les oiseaux dont nous venons de parler, il est loin de celui qui brille sur la gorge du Rubis-topaze. Examinons en détail une des plumes de cet oiseau (fig. 12), et nous trouverons bientôt la cause de cet éclat éblouissant qui distingue les Colibris et les Oiseaux-mouches. A l’œil nu, cette plume a deux lignes et demie de long; on remarque d’abord la tige qui est blanche à sa base, et plus obscure à son extrémité; il en est de même des tiges de ses barbes, qui sont de deux sortes: celles de la base de la plume sont noires, grêles, terminées en pointe et munies dans toute leur longueur de barbules longues et très-fines. Celles de l’autre moitié sont également munies de barbules dans la partie qui avoisine la tige; mais elles sont colorées de l’or le plus pur à leur extrémité. Cette partie colorée est très-étendue sur les barbes intermédiaires, elle l’est beaucoup moins sur les latérales, qui, en même temps, sont très-longues; ce qui fait que le bord de l’extrémité de ces plumes décrit un demi-cercle parfait, et que lorsqu’elles sont imbriquées les unes sur les autres, elles ressemblent à des écailles de poisson. Si on détache une de ces barbes (fig. 13), on verra, qu’ainsi que la plume entière, elle est munie d’une longue tige, et que les barbules de sa première moitié sont longues et semblables à des poils très-déliés; mais la partie colorée de cette barbe est bien différente: d’abord les barbules y sont beaucoup plus larges, la matière en est extrêmement dense, et par conséquent la surface d’un très-beau poli: j’ai pesé des plumes de cette espece, et j’ai trouvé qu’une plume de la gorge du Rubis-topaze pèse autant que trois plumes de couleur matte d’un volume égal. Mais la principale cause du grand éclat de ces plumes consiste en ce que la partie colorée de chaque barbe est profondément creusée en gouttière, et présente à la lumière une surface concave semblable à celle d’un réverbère. D’où il suit que si le rayon lumineux coule horizontalement sur la barbe (fig. 14), qui en représente la coupe, il ne peut y avoir de réflexion, et par conséquent la gorge de l’oiseau sera obscure: si elle coule diagonalement (fig.15), la partie a b sera éclairée, et l’oiseau brillera; et si elle tombe perpendiculairement (fig. 16), alors les rayons se brisent en cent manières dans cette espèce de foyer, et réfléchissent une lumière éblouissante. Cette forme des plumes du Rubis-topaze, et le jeu de la lumière qui en est le résultat, expliquent très-bien, ce me semble, pourquoi, au moindre mouvement, la gorge de cet oiseau passe, dans un instant, de l’obscurité à l’éclat le plus vif. Si on examine au microscope une barbule de ces plumes (fig. 17), on voit sur sa surface quatre ou cinq paillettes très-brillantes; elles m’ont paru d’or rouge dans leur milieu, et d’or vert sur leurs bords: elles sont, ainsi que je l’ai dit plus haut, concaves, et forment autant de petits réverbères; les intervalles qui les séparent sont aussi parsemés de points très-brillans. Cependant la gorge du Rubis-topaze ne brille pas dans toutes les positions qui permettent à la lumière de frapper l’intérieur du canal que forment les barbes de ses plumes. Si on place l’œil entre la lumière et l’oiseau, de manière que le bec soit vu en raccourci, la gorge brillera du plus grand éclat; si au contraire on place l’oiseau le ventre en haut entre l’œil et la lumière, elle sera obscure. Il me semble que cela vient de ce que les barbules étant imbriquées les unes sur les autres (fig. 18), comme on peut le voir à l’aide d’un microscope, si la lumière vient de a, elle frappera sur la barbule b, et sera réfléchie; et que si elle vient de c, ne trouvant point de résistance, elle sera absorbée en d, et il n’y aura pas de réflexion. On remarque encore un caractère particulier aux plumes dorées des Colibris; leurs barbes sont profondément échancrées à leur extrémité, parce que le bout de la tige est dénué de barbules (fig. 13). Cette extrémité de la tige ressemble à un poil très-délié, et se termine par un petit renflement comme les antennes des Papillons.

Cette cause de l’éclat du Rubis-topaze se retrouve sur toutes les plumes d’un brillant excessif, telles que celles de la gorge du Grenat, du Colibri-topaze, du Plastron noir, etc. Mais toutes ces plumes n’ont pas des barbes échancrées à leur extrémité. Celles du Colibri-topaze, par exemple, (fig. 19), sont terminées en forme de fer de lance; on ne voit à leur extrémité qu’une barbule qui dépasse un peu les autres; celles de sa femelle (fig. 20) sont également terminées en fer de lance, mais ses dernières barbules sont blanches, ce qui contribue beaucoup à diminuer l’éclat de la gorge de cet oiseau.

Toutes les plumes métalliques des Oiseaux-mouches ne brillent pas d’un éclat aussi radieux que celles dont nous venons de parler; les barbes des plumes du dos de ces oiseaux (fig. 21) ne sont pas creusées en gouttière, elles sont plates et terminées en pointe, leurs barbules sont noires à leur base et à leur extrémité, le milieu seul est coloré; ce qui fait que ces barbes ont de chaque côté de leur tige une ligne longitudinale dorée: aussi les plumes du dos et du ventre de ces oiseaux sont-elles d’autant moins brillantes que ces lignes sont plus étroites.

De tout ce qui vient d’être dit, il résulte que les plumes métalliques doivent leur brillant à leur densité, au poli de leur surface et à ce grand nombre de petits miroirs concaves qu’on remarque sur leurs barbules; que les plumes très-brillantes des Oiseaux-mouches ne diffèrent des autres plumes dorées, qu’en ce que leurs barbes sont creusées longitudinalement en gouttière, et produisent un effet semblable à celui d’un réverbère.

De si beaux oiseaux n’ont pu manquer de devenir des objets de notre admiration. Les Sauvages les tuent et s’en font des pendans d’oreilles, et les Européens les recherchent comme objets de curiosité. On les chasse à la sarbacane, on les prend à la glu, ou on les abat avec de l’eau lancée contre eux au moyen d’une seringue.

Mais la Nature, en comblant ces petits animaux de tous ses dons, ne les a pas soustraits à la loi qui condamne les foibles à servir de pâture aux plus forts; les Oiseaux-mouches sont la proie d’une énorme araignée noire, qui habite les mêmes contrées que ces jolis oiseaux.

L’Araignée aviculaire, Aranea avicularia, Linn. (pl. dernière), construit un grand nid en forme de conque, sur les arbres, entre autres le Gayave; elle s’y tient à l’affût des insectes: ce hideux animal enlève les petits des Colibris et des Oiseaux-mouches, et les emporte dans ses énormes pinces, pour les sucer à son aise. La force de cette araignée ne permet pas de douter qu’elle n’emporte aussi les adultes, lorsqu’elle peut les saisir, et qu’elle ne les dévore aussi bien que leurs petits.

Cette Araignée est toujours en guerre avec une espèce de Fourmi, qu’on appelle Grosse-tête; elle est souvent dévorée elle-même par ces insectes, qui se jettent sur elle en si grand nombre, qu’ils finissent par la mettre en pièces.

Les Nomenclateurs ont décrit un grand nombre d’espèces d’oiseaux de ce genre; mais ce nombre doit être beaucoup réduit, parce que, comme je l’ai dit, ces petits animaux changent de plumage. Dans le jeune âge, la plupart n’ont pas ces belles plumes dorées qui les parent lorsqu’ils sont adultes. Le Rubis-topaze, par exemple, est brun sur la tète et sur le dos, blanc sons la gorge quand il est jeune; mais vieux, sa tête a l’éclat du rubis, et sa gorge celui de la topaze. Il en est qui ont été décrits plusieurs fois sous des noms différens: tel est le Grenat, que Buffon et l’éditeur de Linné Gmelin ont donné, d’après Edwards, sous le nom de Colibri à gorge de carmin; il est vrai que les teintes de la figure d’Edwards sont plus vives et plus claires que celles du Grenat: mais qu’on lise la description de cet Auteur, on reconnoîtra bientôt que c’est une faute de l’Enlumineur, et que c’est bien le Grenat qu’Edwards a décrit. On a même donné le nom de Colibri à des oiseaux de genres différens: tel est le Brin bleu, tiré de l’ouvrage de Séba, qui paroît être un Sucrier, ou peut-être un Guêpier; car cette figure de Séba est trop mauvaise pour indiquer même un genre. Enfin il est très-permis de soupçonner qu’on a décrit quelques espèces qui n’existent pas: on sait avec quelle facilité les Empailleurs ajoutent des plumes aux oiseaux qui en manquent, et combien les marchands de ce qu’on appelle des curiosités, sont peu délicats sur les moyens de gagner de l’argent. Je doute même que la science ait des ennemis plus dangereux que cette sorte de gens, et peut-être qu’il est peu d’ouvrages qui ne soient entachés des suites de leur friponnerie.

Histoire naturelle des colibris, oiseaux-mouches, jacamars et promerops

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