Читать книгу La sagesse et la destinée - Maurice Maeterlinck - Страница 16
XII
ОглавлениеÀ mesure que nous devenons sages, nous échappons à quelques-unes de nos destinées instinctives. Il y a dans tout être un certain désir de sagesse, qui pourrait transformer en conscience la plupart des hasards de la vie. Et ce qui a été transformé en conscience n'appartient plus aux puissances ennemies. Une souffrance que votre âme a changée en douceur, en indulgence ou en sourires patients, est une souffrance qui ne reviendra plus sans ornements spirituels; et une faute et un défaut que vous avez regardés face à face est une faute et un défaut qui ne peuvent plus vous nuire, et qui ne peuvent plus nuire aux autres.
Il existe des rapports incessants entre l'instinct et le destin, ils se soutiennent l'un l'autre, et ils rôdent la main dans la main autour de l'homme inattentif. Mais tout être qui sait diminuer en lui la force aveugle de l'instinct, diminue tout autour de lui la force du destin. Il semble qu'il crée une sorte de lieu d'asile, inviolable en proportion de sa sagesse, et ceux qui passent par hasard dans la zone éclairée de sa conscience acquise n'ont rien à craindre du hasard tant qu'ils s'attardent en cette zone. Placez Socrate et Jésus-Christ au milieu des Atrides, et l'Orestie n'aura pas lieu aussi longtemps qu'ils se trouveront dans le palais d'Agamemnon; et s'ils se fussent assis sur le seuil des demeures de Jocaste, OEdipe n'eût pas songé à se crever les yeux. Il y a des malheurs que la fatalité n'ose entreprendre en présence d'une âme qui l'a vaincue plus d'une fois, et le sage qui passe interrompt mille drames.