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Les soldats de plomb
ОглавлениеToute l’armée était rangée en bataille. On avait consenti à ce que Poum déblayât la table ronde. Sans souci de la stratégie, il avait disposé en première ligne son infanterie, petits fantassins filant tous du même pied, d’un élan oblique, arme sur l’épaule droite! Derrière, toute sa cavalerie cabrée d’un même bond et pointant du sabre avec ensemble. Derrière, les artilleurs servant les canons, de vrais canons qui crachaient des pois chiches. Le résultat immédiat d’une si belle disposition d’armée est que les cavaliers chargeaient leurs propres fantassins, et que les canonniers mitraillaient avec une égale impartialité leur cavalerie et leur infanterie.
Poum n’en était pas moins fier pour cela L’essentiel, chacun sait ça, c’est que tous les soldats se tiennent debout, en lignes bien régulières, et qu’aucun d’eux ne tombe, parce qu’alors des files entières s’écroulent. Son armée enfin en marche, les canons chargés jusqu’à la gueule, prêt à tirer le ressort et à foudroyer de dos ses soldats, Poum tomba dans une profonde méditation.
— Maman, est-ce qu’il meurt beaucoup de soldats dans une bataille?
— Maman, demanda-t-il en se grattant, est-ce qu’il meurt beaucoup de soldats pendant une bataille?
— Oui, sans doute, dit la mère.
— Et les autres, précisa Poum, est-ce qu’ils meurent aussi?
Voyant qu’elle le regardait sans comprendre:
— Ceux qui ne meurent pas, est-ce qu’ils meurent tout de même, plus tard, après?
— Mais oui, bien sûr, fit la mère interloquée.
— Alors tout le monde meurt? Papa mourra? Tu mourras? Je mourrai? Même sans aller à la guerre?
— Mais, mon enfant...
Poum hurla tout soudain:
— Ce n’est pas juste. Pourquoi meurt-on? Je n’ai pas envie de mourir.
Et, calmé instantanément, il rasa de son bras, comme d’une faux, la tablée, en disant aux soldats de plomb avec philosophie:
— Eh bien, alors, si c’est comme ça, mourez tout de suite!