Читать книгу Aventures d'un Gentilhomme Breton aux îles Philippines - Paul P. De La Gironiere - Страница 3
ОглавлениеAnna Bourgerel, née de Malvilain.
Je te dédie mes souvenirs, chère nièce. Qui, plus que toi, a des droits à mon amitié et à ma reconnaissance! Tu entoures mes chers enfants de toute la sollicitude d’une mère, et remplaces dignement celle que le sort funeste leur a enlevée dès leur bas âge.
L’hommage de ce livre est sans doute un bien faible témoignage de ma gratitude; mais j’espère qu’il sera pour ces chers enfants un souvenir. Il leur rappellera toujours que pour eux tu as fait autant qu’eût pu faire la meilleure et la plus tendre des mères.
Ton oncle et ami,
P. de la Gironière.
[Table des matières]
Introduction.
Au récit de quelques aventures qui m’étaient arrivées dans mes longs voyages, plusieurs de mes amis m’avaient souvent engagé à en publier la relation peut-être intéressante.
Rien ne vous sera plus facile, me disaient-ils, puisque vous avez toujours tenu un journal depuis votre départ de France.
Cependant j’hésitais à suivre leurs conseils et à céder à leurs instances, lorsqu’un jour je fus surpris de lire mon nom dans un des feuilletons du Constitutionnel.
M. Alexandre Dumas publiait, sous le titre de Mille-et-un Fantômes, un roman dans lequel un des principaux personnages, en voyageant aux îles Philippines, m’aurait connu lorsque j’habitais, à Jala-Jala, la colonie que j’y ai fondée.
Je dus croire que le spirituel romancier m’avait rangé dans la catégorie de ses Mille-et-un Fantômes; et, pour prouver au public que j’existe bien réellement, je me suis décidé à prendre la plume, pensant que des faits de la plus exacte vérité qui pourraient être attestés par quelques centaines de personnes présenteraient quelque intérêt, et seraient lus sans trop d’ennui par celui surtout qui désirera connaître les usages des peuplades sauvages parmi lesquelles j’ai séjourné.
[Table des matières]
Note de l’éditeur.
Nous croyons devoir faire précéder ce volume d’un article inséré dans un journal américain, article signé par M. G.-R. Russel, qui a longtemps été témoin de la vie de M. de la Gironière aux îles Philippines.
Les Iles Philippines, Par M. de la Gironière.
A l’Éditeur de la traduction.
Votre journal de lundi dernier contient une notice sur un ouvrage intitulé Vingt années aux Philippines, traduit du français, et qui a été dernièrement publié par MM. Hasper et frères.
L’auteur, M. de la Gironière, m’a envoyé le volume français avec une lettre lorsque son livre a paru. La lettre me fit un vif plaisir, non-seulement parce qu’elle venait de lui, mais à cause d’une foule de souvenirs qui se sont représentés à mon esprit, souvenirs bien doux et bien agréables d’années passées.
Le livre de M. de la Gironière a été bien accueilli en Angleterre, et je crois qu’il a été en partie publié dans l’Evening Post de New-York. Bien des personnes qui l’ont lu m’ont demandé avec intérêt des renseignements sur les incidents racontés par M. de la Gironière. Je considère qu’il est de mon devoir et de toute justice de vous offrir mon témoignage et de dire quelques mots en faveur d’un vieil et estimable ami...
A l’époque dont parle M. de la Gironière, j’habitais les îles Philippines: il était déjà ancien colon à Jala-Jala. Quand j’arrivai à Manille, sa maison devint la mienne; pendant plusieurs années je me suis toujours empressé d’aller passer mes moments de loisir dans cette belle et sauvage habitation. Son hospitalité était bien plus grande qu’il ne le dit. Toutes les personnes qui sont allées a Jala-Jala, et elles étaient nombreuses, ont été accueillies avec une rare bonté, non-seulement par M. de la Gironière, mais aussi par sa femme, qui était la meilleure des femmes, et par son frère, autre lui-même. Je les ai connus, et je les ai beaucoup aimés. Comme personne n’a été mieux placé que moi pour juger leurs rapports de famille, on peut me consulter sur n’importe quel point qui pourrait nuire à la véracité de Don Pablo, ainsi qu’il était nommé.
En lisant ses aventures, bien des personnes pourraient avoir des doutes sur la véracité des incidents, ou supposer qu’il y a de l’exagération ou de la fiction; on pourrait croire qu’un homme qui parle avec tant de sans-gêne est pétri d’amour-propre, défaut qui transforme souvent des événements ordinaires en périls et dangers imaginaires. Si M. de la Gironière eût été pour moi un étranger, j’avoue que j’aurais eu des doutes: la lecture de son livre m’eût peut-être laissé une impression d’incrédulité; mais, connaissant son caractère et sa position et ce dont il est capable, je suis prêt à constater les événements. Je suis sûr qu’il donne une histoire fidèle de sa vie à Luçon; même personnellement je puis dire plusieurs choses qui me sont connues. Tout ce qu’il a raconté des mœurs des habitants est peint avec vérité et précision. Ces détails m’ont fait une impression bien vive, à cause du souvenir de mes jours passés au milieu des montagnes et des broussailles de Jala-Jala.
Don Pablo était un homme remarquable dans cette petite principauté. On dit que la monarchie pure serait la perfection d’un gouvernement, si l’on était sûr que les rois sont les plus intelligents et les plus sages; les sujets placés sous la domination de M. de la Gironière avaient raison d’être satisfaits de son pouvoir despotique, qu’il eut le bon sens d’exercer avec une bienveillance et une justice qui lui attiraient le respect et la confiance d’un peuple qui sait distinguer le mal du bien, et qui craignait plus les reproches que les punitions. Il exerçait un pouvoir qui lui était indispensable pour vivre parmi ces hommes à demi barbares; il était très-courageux, toujours prêt à braver le danger. Son courage n’était pas bouillant, mais calme. Il ne perdait jamais ce calme ni son sang-froid, même en face de la mort... Il ne parle pas assez de ses mérites, mais il parle souvent de son courage, croyant que tout autre en ferait autant. Les environs de sa demeure étaient peuplés par les hommes les plus féroces, et il s’en inquiétait peu. Quand ils devaient l’attaquer, il allait à leur rencontre, et même dans leurs repaires. Pourtant sa maison ne fut jamais envahie pendant son séjour par les brigands. On le connaissait et l’estimait trop bien pour l’attaquer: mais à peine l’eut-il quittée, que son successeur fut attaqué et pillé. Malgré son grand courage, il était modeste; il avait des manières distinguées et très-bienveillantes; il était bon pour tous ceux qui l’entouraient, et les Indiens qui dépendaient de lui lui étaient très-attachés. Son départ fut un triste jour pour eux.
Dans sa manière de vivre il y avait un charme inouï. On ne peut comprendre comment il a pu quitter un pays où il était libre de ses actions, pour revenir au milieu de la société. Il avait vaincu ce désert et ses sauvages habitants. Quand il a jeté un dernier regard sur le bien-être et les riches cultures qu’il avait créées autour de lui à Jala-Jala, son cœur a dû faiblir. Mais hélas! il était seul, rien ne lui restait de ce qui lui était cher; tous ceux qui l’avaient soutenu au milieu de ses rudes travaux n’étaient plus. Son frère, qu’il aimait tant, succomba le premier; ensuite sa femme et son enfant! Il ne pouvait rester au milieu d’objets qui à chaque instant lui rappelaient tant de douleur. La description des événements extraordinaires de sa vie dans un pays si peu connu et en même temps si ravissant est exacte; et, en attestant que ce sont des faits réels et non des fables, je ne fais que rendre hommage à un digne ami.
G.-R. Russel.
Juin 1854.
Jamaïca-Plaine, près Boston (États-Unis).