Читать книгу Études historiques, littéraires et scientifiques sur l'arrondissement de Jonzac - Pierre-Damien Rainguet - Страница 3
INTRODUCTION.
ОглавлениеDe tout temps, l’arrondissement de Jonzac a été grandement négligé par les divers historiens qui ont écrit sur la province de Saintonge. Si, de nos jours, le savant M. Lesson lui-même, dans ses Fastes historiques et son Histoire des marches de la Saintonge, a soigneusement passé en revue les communes des cinq premiers arrondissements du département de la Charente-Inférieure, il n’a cru devoir faire ensuite qu’une mention très-rapide du sixième arrondissement, celui de Jonzac. Quant aux Annuaires, successivement publiés, et à la Statistique du département, ils fournissent, sur l’arrondissement qui nous occupe, des documents peu étendus et en rapport avec leur plan fort circonscrit.
Les deux historiens modernes de la Saintonge, au double point de vue religieux et civil, ont assurément mentionné plusieurs points de notre pays et relaté certains faits particuliers qui s’y rattachaient; mais combien ces rares détails historiques, archéologiques ou statistiques, semés çà et là, perdus même dans l’immense contexte de plusieurs volumes, sont loin de constituer une histoire suivie et complète de l’arrondissement de Jonzac.
Il est toutefois juste de l’avouer, notre circonscription sous-préfectorale n’a pas pesé d’un poids très-considérable dans la balance de l’histoire; que viendrait donc dès lors, dira-t-on peut-être, revendiquer l’historien sur un théâtre où règne une telle uniformité d’allures, une sorte de monotonie de situation?,.. Mais si ce calme ne fait pas les pages saisissantes de l’histoire, n’est-il pas vrai de dire qu’il constitue d’ordinaire le bonheur des peuples, et fonde la richesse des empires? Ne plaignons donc pas trop notre patrie.
En l’absence de ces situations émouvantes, et, à l’exception de deux périodes fécondes en agitations sociales, et qui ont profondément bouleversé notre pays au XIVe siècle, et surtout au XVIe, n’aurions-nous pas un genre d’histoire à traiter dont l’intérêt particulier pût attacher plus d’un lecteur, en allant droit à son cœur de citoyen et de chrétien? L’histoire naturelle, politique, biographique et archéologique du pays, au triple point de vue religieux, civil et militaire, ne pourrait-elle pas offrir une série de tableaux tellement variés que l’esprit et le cœur y pussent rencontrer une lecture attrayante, un noble et utile délassement. Puisque les monuments sont les jalons de l’histoire, il y aura toujours pour l’historien, profit à les étudier et à les interroger avec soin. Tel est le programme que nous nous sommes posé, le lecteur aura mission de décider si nous l’avons rempli d’une façon convenable.
L’arrondissement de Jonzac, comprenant, d’après le recensement de 1861, une population de 83,013 habitants, forme sept cantons et 120 communes, étendus sur un territoire allongé, obliquement placé entre les 45e et 46e degrés de latitude et 17e et 18e de longitude, et à l’extrémité S.-E. du département de la Charente-Inférieure. Cet arrondissement est borné au N. et au N.-O., par celui de Saintes; à l’E. et au N., par le département de la haute Charente; au S.-E., par celui de la Dordogne; au S. et à l’O., par celui de la Gironde.
Si nous remontons à la plus haute antiquité connue, nous trouvons ce coin de terre habité par les Celtes, nation rude, entreprenante et guerrière, qui était venue des contrées sises au N.-E. de l’Asie mineure, à une époque très-reculée, et qu’on ne saurait préciser. Ce peuple, soumis aux enseignements des Druides, croyait à l’immortalité de l’âme, mille ans avant l’existence de Socrate, avait sa langue particulière, riche et expressive.
Les Celtes cultivaient, dès les premiers temps, le blé, l’avoine, l’orge et le seigle; ils apprirent, dit-on, la culture de la vigne des Phocéens, débarqués à Marseille 600 ans avant l’ère chrétienne, ce qui ne saurait s’entendre que d’une culture perfectionnée.
Ce peuple, notre devancier, a laissé, comme trace de son passage dans le pays, d’assez nombreux monuments encore existants, et que nous examinerons successivement. Ils consistent: 1° en des pierres non taillées ni polies par le fer, selon les prescriptions bibliques. Ces pierres, objets funéraires ou de témoignage, points de réunion ou de sacrifices, sont posées sans ciment, soit verticalement, soit horizontalement ou sur un plan incliné ; 2° en des grottes souterraines, aux allées sinueuses, creusées, d’après un mode assez uniforme, sur des coteaux et sommets découverts, que les Celtes semblaient préférer pour leurs établissements; 3° en des tumulus ou tertres formant des sépultures d’élite.
Lors de la conquête des Gaules par les Romains, César divisa ce pays en trois parties: l’Aquitaine, la Celtique et la Belgique. Il limita la Celtique des bords de la Garonne à ceux de la Seine. La circonscription dénommée LA SANTONIE fut, de la part des vainqueurs, l’objet de soigneuses divisions territoriales, surtout dans l’ordre militaire. Ces divisions anciennes nous sont encore faciles à saisir au moyen du réseau de ces nombreuses voies communiquant à des mansiones, à des stationes ou étapes de différents degrés, que les maîtres du monde y établirent. La plupart de ces voies, il est bon de le constater ici, furent assises sur des routes celtiques principales déjà existantes.
Nous trouvons dans un ouvrage spécial une appréciation historique relative à notre coin de terre, et que nous tenons d’autant plus à reproduire, que son auteur appartient à une famille saintongeaise, et n’a point écrit sur des lieux inconnus et hors de sa portée: «Après la conquête du territoire de la tribu celtique des Santons, par les lieutenants de Jules César, il y eut évidemment sur ce point (ceci peut s’appliquer particulièrement au centre de l’arrondissement de Jonzaç) une halte du peuple-roi. Comprise, sous Auguste, dans la province Aquitanique, toute cette contrée porte l’empreinte des vainqueurs. Les noms de la plupart des localités conservent la trace de leur origine. Le sol fouillé met continuellement à jour des débris d’architecture, des fragments de tuiles, de colonnes, de corniches, de ciment, de mosaïque, des médailles.
» A l’expiration de la puissance romaine, lié au sort de la province, ce pays subit tour à tour la domination des Visigoths, celle des Francs, celle des ducs d’Aquitaine de la première race, une seconde fois celle des Francs, celle des ducs d’Aquitaine de la seconde race, issus de Louis-le-Débonnaire, et celle des Anglais, jusqu’à ce que l’épée de Duguesclin réunit définitivement la Saintonge à la couronne de France...»
Notre pays fut éclairé par le flambeau de l’Évangile dès l’instant de sa divine promulgation. Saint Martial, l’apôtre de l’Aquitaine, dont il faut aujourd’hui, malgré quelques opposants attardés et grâce aux savantes et judicieuses études d’écrivains modernes, aussi religieux que profonds critiques, reporter la mission au premier siècle de notre ère — vers l’an 75, — vint de la Gaule narbonnaise à Bordeaux, en passant par Toulouse; il aborda en Saintonge et parcourut les rivages mêmes de notre Gironde; il convertit et baptisa le jeune Ausone, des environs de Mortagne, dont il fit un saint prêtre qui, plus tard, placé sur le siège épiscopal d’Angoulême, donna son sang pour la défense de sa foi. En mémoire de ces faits, nos pères reconnaissants mirent sous l’auguste patronage de l’apôtre plusieurs paroisses de cette province. Saint Eutrope, premier évêque et martyr de la ville de Saintes, envoyé dans les Gaules par le pape saint Clément, travailla puissamment à enraciner le christianisme sur le vieux territoire des Santons. Le pays se transforma peu à peu et à mesure qu’il fut empourpré du sang de ses pasteurs et de leurs premiers néophites. Si à saint Martial est revenu la gloire d’avoir évangélisé d’abord certains points de la Santonie, saint Eutrope dut, en pénétrant jusqu’à Saintes, ville gallo-romaine des plus importantes, y porter le premier, la lumière de l’Évangile.
A cet âge de paix, qui succéda pour l’Église naissante, à la longue période de persécutions, nous devons attribuer quelques sarcophages en briques à rebords, des poteries, des médailles, des restes de constructious militaires.
L’espace de temps qui s’écoula sous les rois mérovingiens nous a légué, comme monuments dignes d’attention, de vieux cimetières assez nombreux dans le pays, contenant des auges de pierre fermées par un couvercle, le plus souvent sans signes graphiques, parfois avec inscriptions, comme à Neuvicq, croix grecques, croix de Saint-André, ornements de guerriers en cuivre, argent ou or; armes et poteries placées près des pierres tombales. Généralement, ces sarcophages sont groupés à la manière catholique, dans un lieu spécial et béni, sur le versant d’une colline, près d’un chemin, les pieds des morts sont tournés vers l’Orient, d’où nous est venue la lumière de la foi, et d’où partira le signal du dernier réveil.
Des sanctuaires érigés particulièrement dans les villes, sous le règne de Constantin et les règnes suivants, parfois avec les débris des monuments romains, il n’existe chez nous aucune trace, les barbares du nord en précipitèrent la ruine, comme celle des vieux châteaux. De l’architecture religieuse et civile sous Charlemagne et pendant les deux siècles qui ont suivi, on ne retrouve plus aussi aucun vestige.
Mais sur la fin du XIe siècle, grâce à la révolution qui s’opéra dans l’art d’édifier les églises, par la découverte de l’ogive, grâce encore à une sorte de réaction morale qui eut lieu chez les peuples après l’an mil, passé sans catastrophe, des monuments solides se dressèrent de toutes parts, et ils se montrent encore debout, bravant les injures du temps et de la main de l’homme.
Il convient de noter aussi que les croisades exercèrent une notable influence sur l’architecture religieuse et civile de notre province. Dans ce grand mouvement social qui, s’étendant du XIe siècle au XIIIe, précipita l’Europe en armes sur les côtes de l’Asie, préserva nos contrées de l’invasion musulmane et de la barbarie, fortifia le pouvoir royal en France et facilita l’affranchissement du peuple, la Saintonge fut constamment représentée par plusieurs de ses barons, de ses chevaliers et de ses hommes d’armes.
A la première croisade, de 1096 à 1145, s’offrent Renaud et Pierre de Pons, Raoul de Saintonge.
A la deuxième, de 1145 à 1188, Geoffroy de Rancon, Guillaume de Sainte-Maure, Geoffroy Rudel.
A la troisième, de 1188 à 1195, Humbert et Thomas d’Arces, Pierre de Beaumont, Jean de Belleville, Jean de Chaunac, Hélie et Réginald de Pons, Geoffroy de Rancon, Eustache de Sainte-Hermine.
A la quatrième croisade, qui dura à peine 3 ans, les chevaliers de France s’abstinrent généralement.
A la cinquième, de 1198 à 1220, parurent les Beaumont, les Sainte-Maure, etc.
A la sixième, de 1220 à 1248, s’armèrent Roland d’Ars, Miles de Montendre, Milon de Montguyon.
A la septième, de 1248 à 1268, figurèrent Guillaume d’Asnières, Guillaume de Courbon, Guillaume Maingot, Étienne des Réaux, etc..
Ceux qui ne pouvaient entreprendre le voyage d’outre-mer se vouaient à l’érection et à la réparation des églises, des moutiers, des aumôneries, des hospices. Ces logeurs du bon Dieu, comme on les nommait dans le style naïf de l’époque, avaient droit aux mêmes faveurs spirituelles que les croisés.
Ainsi, les monuments religieux qui appartiennent à la phase de transition du XIe siècle au XIIe, et qui constituent l’école romano-byzantine, selon la dénomination de certains auteurs recommandables , sont fort nombreux dans la Saintonge. Un fait capital frappera donc évidemment ceux qui parcourront ce pays, comme il nous a déjà frappé nous-même lorsque, la plume à la main, nous visitions les églises de cet arrondissement: c’est que la majeure partie de ces édifices a été construite vers la fin du XIe siècle, et que leur restauration ou, si l’on veut, leur agrandissement, surtout par l’abside, a eu lieu vers la fin du XVe et au commencement du XVIe siècle. Peu d’églises de cet arrondissement ont été complètement bâties durant la période ogivale, qui ne leur a légué que des substructions plus ou moins importantes, de sorte que, si la phase gothique a laissé parmi nous peu de monuments complets, du moins y a-t-elle élevé de nombreuses et importantes substructions : un grand nombre de portes, d’absides, et quelques clochers reconstruits pour correspondre à la piété ou au nombre croissant des fidèles.
Mais le XVIe siècle arrivait chargé de tempêtes: les guerres civiles, allumées par l’hérésie qui envahit la Saintonge, dès son apparition, entassèrent les ruines parmi nos monuments religieux. Que de richesses littéraires et artistiques disparurent alors; combien de statues, de tableaux, de reliques des saints patrons, de cartulaires et de pouillés, entassés par les siècles, furent impitoyablement détruits!...
Les arts aimaient surtout la pieuse chapelle,
Où la Reine du Ciel se montre et nous appelle
A son Fils bien-aimé ;
C’est là qu’ils prodiguaient les niches dentelées,
Les roses, les tableaux, les voûtes étoilées,
Le vitrail enflammé.
Si nos autels déchus ont perdu leur prestige,
Si notre art merveilleux a séché sur sa tige,
Oh! n’en triomphez pas!
Vous avez consumé moutier et cathédrale;
Les autels, le jubé, l’escalier en spirale
Ont croulé sous vos pas.
Et cependant, voyez de sa tombe immortelle
L’Église se lever.....
Toutefois, n’anticipons pas sur les évènements. Si nous avons déjà ouï les roulements prolongés du tonnerre, humilions-nous en présence de Celui qui créa ces formidables voix, et sachons qu’une période de tempête présage bien des jours de calme et de sérénité. Par dépit contre la royauté, surtout depuis les réformes radicales et populaires de Louis XI, la plupart des seigneurs, obéissant d’ailleurs à un esprit d’innovation qui semblait être alors de bon ton, peut-être encore pour sauver du pillage et de l’incendie, leurs châteaux et leurs fermes, embrassèrent volontiers les nouvelles doctrines. Nous aurons donc la douleur de consigner dans ces pages, invariablement catholiques, que bien peu de gentilshommes saintongeais, au XVIe siècle, comprirent ce qu’ils devaient à Dieu et au roi; ils firent presque tous bon marché de leur foi religieuse et de leurs serments politiques. Que de défections n’entraînèrent-ils pas alors, et quelle responsabilité terrible n’assumèrent-ils point devant Celui qui, selon le langage énergique de l’Écriture, sonde les reins et juge les consciences!... En faisant le récit de toutes ces péripéties, quelquefois suivies de luttes acharnées et sanglantes, nous professerons charité et bénignité pour les hommes, presque toujours plus légers et plus faibles que méchants; répulsion pour l’erreur, quel que soit son drapeau ou de quelque part qu’elle vienne, amour sans bornes pour la vérité qui nous captive... Sous Louis XIV, nous verrons ces mêmes seigneurs, soit pour avoir des emplois qu’on n’accordait qu’aux seuls catholiques, soit pour donner satisfaction à leurs consciences troublées, rentrer, pour la plupart, dans le giron de l’Église. Mais comment réparer tout le mal? Ils avaient déjà entraîné à leur suite, la bourgeoisie, qui s’était empressée de singer les grands, et celle-ci, vivant au fond des provinces, persista plus longtemps dans sa déviation, remorquant à son tour le petit peuple, toujours guidé par un instinct d’imitation machinale.
En scrutant l’état de nos églises, de quelques communautés, en ruines ou transformées, dont les débris attestent la piété des âges précédents, et des vieux châteaux, généralement ruinés et passés aux mains des laboureurs ou des fils de vassaux des anciens seigneurs, enrichis par l’effet des révolutions continuelles qui agitent la société, et qui, à l’instar d’une balance, élèvent l’un et abaissent l’autre, nous lirons sur ces murs, noircis par le temps, l’histoire intime de notre pays, nous toucherons au doigt les succès et les revers de ses habitants.
Il semble que ce coup-d’œil, jeté sur notre pays, serait incomplet, si nous ne disions quelques mots de son ancienne organisation politique et judiciaire, sur les lois et coutumes qui le régissaient; si, enfin, nous ne faisions un examen rapide de la nature de son sol, de ses produits spontanés et agricoles, des mœurs de ses habitants et de leur industrie particulière.
Des dix châtellenies principales, retracées sur la carte ancienne que nous possédons au regard de notre pays, et dont les délimitations ont visiblement formé, sauf quelques légères modifications, nos cantons actuels, relevaient des seigneuries subalternes, dont les possesseurs prenaient les titres de bannerets, valets, chevaliers et écuyers. Aussitôt que l’ordre leur était transmis, ces écuyers se mettaient à la tête de 20, 40 ou 100 hommes, armés de lances, d’épées, d’arquebuses, et rejoignaient le comte ou haut baron de la châtellenie principale, capitaine-né de cette milice, et qui recevait directement les commandements du roi ou de son représentant dans la province. Ainsi se formait un corps armé, destiné à défendre le territoire. L’étude des anciennes familles, dites justement historiques, nous initie donc aux détails d’action de ce pouvoir politique et militaire, fondé par nos pères ou subi par eux. Chaque paroisse possédait jadis une ou deux familles titrées, qui avaient juré d’âge en âge dévoûment absolu à la monarchie, et dont l’épée, transmise du père au fils, ne devait agir ou se reposer que par ordre direct ou indirect du souverain.
Pour se faire une idée juste de l’antique organisation judiciaire dans notre pays, il serait indispensable de bien saisir l’établissement, au IXe siècle, des vigueries — vicariæ — dont nous n’avons qu’imparfaitement débrouillé l’installation dans la Saintonge. Il ne nous est parvenu que les noms de cinq sièges principaux de cette ancienne juridiction, savoir: Archiac, Aunay, Saint-Julien-de-l’Escap, — Juliacense, — Saintes et Talmont. Un seul, comme on le voit, appartenait à cette portion de province qui fait l’objet de nos études. Aux vigueries principales, alors établies, s’adjoignirent des sous-vigueries assez nombreuses, et dites ensuite vigeries dans notre pays. C’est ce qui explique comment cette dénomination revient encore si fréquemment sur tous les points du pays. Nos pères eurent aussi les bailliages et les sénéchaussées, si multipliées à l’époque de la Révolution.
L’ancienne législation régissant la France, avait été empruntée à tous les peuples, comme à tous les temps. Elle tenait des Gaulois et des Francs l’usage des fiefs, l’ordre des chevaliers et des vassaux, d’où était provenu tout l’arsenal des pratiques féodales. Le douaire acquis à la femme après la dissolution du mariage et indépendamment de toute convention, la dot, la part d’acquêt dans la communauté pour chaque époux, le tout modifié par le temps, remontaient encore aux Gaulois; l’inaliénabilité de la dot pendant le mariage, aux Romains; les lois ripuaire et salique venaient des Francs. On y trouvait fréquemment la réparation des crimes opérée au moyen d’indemnités pécuniaires. Une des principales dispositions de la loi salique, relative à l’hérédité des fiefs passant aux enfants mâles, à l’exclusion des filles, n’avait été admise qu’exceptionnellement dans notre pays, et pour quelques grands fiefs.
C’est à notre province qu’est revenu l’honneur d’avoir fourni le premier code maritime à l’Europe. La loi Rhodienne, régissant la mer et les pays côtiers, fut apportée d’Orient, au XIIe siècle, par la reine Aliénor, qui la modifia ensuite, et la perfectionna au gré de ses inspirations, et en profitant de l’expérience des gens de mer, dont elle s’était entourée dans son île favorite d’Oleron. Cette princesse promulgua solennellement ce recueil dans la même île, et lui donna le nom de Rôles d’Oleron ou Jugements de mer.
Préludant à l’unité si tardive de la législation française, l’énorme collection des ordonnances de nos rois, classée par ordre chronologique, régissait la plupart des provinces, sauf les exceptions particulières à chacune d’elles.
Quant à la Saintonge, elle était spécialement sous l’empire du droit écrit, sauf quelques usances et observances particulières. Le droit civil et commun des provinces coutumières de France représentait surtout un code de procédure, basé sur la jurisprudence des arrêts; et la longue nomenclature des droits féodaux. Le consentement unanime des états, composés des trois ordres, arrêtait et rédigeait chaque coutume; des commissaires délégués par le roi l’approuvaient ensuite et en autorisaient l’exécution. Le droit purement romain n’était pas le droit commun de la France, et ne pouvait être invoqué et servir de règle que pour le cas de silence des constitutions et ordonnances des rois de France, et du droit commun particulier de la province. Pour faire preuve des us de la coutume non consacrés par écrit, on recourait à l’avis du peuple, qu’on divisait par groupes ou turbes de dix personnes au moins; chaque turbe ne valait qu’un témoignage.
Charles VII, après l’expulsion des Anglais, ordonna que les différentes coutumes des provinces fussent revues et rédigées par écrit, et avec le concours des trois ordres. Charles VIII seconda ce projet. En Saintonge, on se mit au travail, mais, dit Béchet, l’ouvrage ne fut pas achevé, de sorte que les habitants de cette province continuèrent à être justiciables d’une coutume établie sur de simples manuscrits, qui passaient de main en main chez Les hommes du Palais, l’interprétant parfois d’une façon arbitraire. Béchet, versé dans l’étude du droit romain et coutumier, fit paraître l’Usance de Saintonge, en 1633, et la fit réimprimer, en 1647. La 3e édition parut en 1701, après la mort de l’auteur. Du Sault donna un commentaire de l’Usance de Saintes, conférée avec la coutume de Saint-Jean-d’Angély.
Sur une superficie d’environ 17 myriamètres carrés, l’arrondissement de Jonzac offre une population généralement catholique, puisque les protestants ou calvinistes ne s’élèvent, d’après le dernier recensement, qu’à 600 et quelques personnes. Sa population, à peu près agricole, tend néanmoins chaque jour, à fournir un large contingent aux professions industrielles et commerciales.
Le patois saintongeais s’efface graduellement et semble, comme les vieux costumes du pays, devoir disparaître bientôt, en présence de l’uniformité d’éducation et d’usages, que favorisent et la législation et les moyens si rapides de communication, résultant de la vapeur. On remarque dans ce patois un mélange d’expressions celtiques, romanes et grecques, assaisonnées, sur les marches de la Saintonge, de français corrompu et locutions gascones . Certaines tournures de phrases vraiment originales se prêteraient difficilement à une traduction. Quant à l’accent, il est bien moins prononcé et redondant que celui de la Gascogne, et décèle bien peu son territoire.
Les mœurs des habitants de notre contrée sont généralement douces et hospitalières; la lenteur proverbiale qui distinguait cette population n’est pas aussi caractérisée que jadis. Les nombreuses superstitions qu’on y observait autrefois, tendent de jour en jour à disparaître du pays. Au fond des campagnes mêmes elles excitent assez généralement un certain rire de pitié. Le chapitre relatif aux superstitions de la Saintonge et de l’Aunis, inséré dans la Statistique du département, n’est pas complètement applicable à notre arrondissement; il a été rectifié et complété au moyen d’un mémoire intéressant, dressé par M. Georges d’Harcourt, élève du Petit-Séminaire de Montlieu . Nous regrettons que son étendue ne nous permette pas de l’insérer ici. Toutefois, il convient de signaler une superstition presque générale et fort enracinée dans les campagnes. Il s’agit du mode usité de faire panser un nombre considérable de maux, et particulièrement les affections scrofuleuses. Rarement la médecine est appelée à les traiter. Chaque canton, presque chaque commune, possède ses devins ou guérisseurs; parfois, c’est la 7e fille d’une maison qui, par le simple attouchement et quelques mots murmurés à voix basse, guérit les écrouelles, les dartres, les verrues, etc., etc. C’est surtout aux jours de grandes fêtes, le matin, avant le lever du soleil, que s’opèrent les prodiges. Le malade, pour guérir, doit avoir foi dans le guérisseur et suivre à la lettre ses prescriptions, surtout ne jamais manger de viande aux quatre fêtes annuelles.
On remarque, dans l’arrondissement de Jonzac, deux grands bassins principaux: celui de la Gironde, qui le borde au S.-O., et celui de la Sévigne, qui le divise en deux parties à peu près égales. La Gironde, par la masse imposante de ses eaux, sillonnée qu’elle est continuellement par les nombreux vaisseaux du commerce des deux mondes , forme un des plus beaux fleuves de l’Europe. On l’appelle encore la mer dans le pays; c’est un souvenir de son état géologique primitif, très-bien développé, de nos jours, par M. Ozanam. Un ancien auteur saintongeais, mu par des considérations moins scientifiques, disait: «On appelle mer la rivière de Garonne, qui borne la Saintonge du côté du midi, d’autant qu’elle est fort large, qu’elle a son flux et reflux, et que son eau est salée.» Sa longueur, depuis le bec d’Ambès jusqu’à la pointe de Grave, est de 74 kilomètres 200 mètres. La longueur des côtes de la Charente-Inférieure, qu’elle baigne depuis Saint-Bonnet jusqu’à Royan, est de 41 kilomètres 500 mètres. Sa largeur, en ne tenant pas compte des îles, est de 3 kilomètres, depuis le bec d’Ambès jusqu’à Blaye; de 4 kilomètres 800 mètres à Pauillac; de 8 kilomètres 500 mètres, au port de By (devant Gosnac); à Richard (vis-à-vis Maubert), elle s’élève jusqu’à 10 kilomètres 750 mètres, ce qui forme son maximum de largeur. Elle correspond au port de Mortagne à 9 kilomètres. A l’embouchure, la pointe de Grave forme un avancement considérable qui la réduit à 5 kilomètres 500 mètres.
Entre Mortagne et Blaye, sur un fond d’argile marine, existe un dépôt d’alluvions fluviatiles, qui proviennent des atterrissements dûs aux eaux extrêmement limoneuses de la Gironde, et qui forment le vaste marais compris, partie dans le département de la Charente-Inférieure et partie dans celui de la Gironde. Ce marais contient 15,000 hectares, dont 6,200 dans la Charente-Inférieure, et est compris entre le fleuve et une ligne de côtes abruptes. Vers Saint-Ciers-la-Lande, il n’a pas moins de 5,500 mètres de largeur; 4,000 mètres vers Saint-Bonnet, et se termine en pointe, vers Mortagne et Blaye. Il présente une vaste plaine, d’aspect uniforme et monotone, dont le sol, inférieur de 1 mètre 50 à 2 mètres à celui du fleuve, est séparé de celui-ci par un bourrelet d’une terre végétale sédimentaire très-fertile. Sa composition, connue par les sondages effectués dans la partie basse du marais de Saint-Louis, est la suivante:
Argile bleue, profondeur indéfinie. Les parties du marais qui ont été coupées de canaux et mises en culture, offrent un sol productif en prairies ou plantes potagères.
La vallée de la Sévigne, à fond crayeux et ondulé, est formée, dans toute son étendue, et sur une épaisseur qui dépasse rarement 10 mètres: 1° d’une couche inférieure de terre franche, de couleur gris-blanchâtre, semblable à la couche arable du terrain de craie environnant; 2° d’une couche moyenne de terre tourbeuse, de couleur et consistance variables, qui s’est moulée sur le fond du bassin qu’elle a comblé. Les couches supérieures, d’aspect ferrugineux, sont mélangées d’une grande quantité de débris végétaux. Les couches inférieures sont plus ou moins compactes, noires, et sans mélanges de débris végétaux. Les unes et les autres contiennent beaucoup de débris de petites coquilles du genre lymnée; 3° d’une couche supérieure de terre végétale très-légère et très-perméable, sans cailloux ni pierrailles, mais avec beaucoup de coquilles semblables à celles des terres tourbeuses. Cette couche est le résultat des dépôts successifs de la rivière, qui déborde chaque année, au temps de la crue. Le sol alluvionnel de la Sévigne diffère de celui de la Charente, en ce que la couche végétale qui repose en cette dernière vallée, sur le bri marin, s’étend ici sur une couche de terre tourbeuse, poreuse, légère et perméable; aussi la vallée de la Sévigne présente-t-elle un grand nombre de sources de fond, qui manquent dans celle de la Charente.
A raison des différences dans la nature du sol, dans le genre de ses productions, dans la température locale, résultant de la marche des saisons, et enfin dans les qualités de l’air et des eaux, la Statistique du département la divise en quatre parties distinctes:
La première, fréquemment désignée sous le nom de mate, de maristus, basse latinité, marais, située à l’O., N.-O., est baignée par la Gironde, et paraît avoir été formée par les alluvions de ce fleuve, que les riverains commencèrent à lui disputer, dès le VIIe siècle. Les prairies, traversées par plusieurs canaux et fossés d’écoulement, donnent généralement une seule coupe de foin salé, très-avantageux, pour les bêtes bovines surtout. Depuis quelques années, on y pratique avec succès, mais d’une manière alterne, la culture des céréales. Leur contenance est d’environ 5,600 hectares pour l’arrondissement de Jonzac.
La deuxième partie confine à la première, et se compose des chaînes de coteaux formant l’ancien continent, et que le Créateur a donné pour limites infranchissables à la mer. Elle s’étend en plaines vers l’arrondissement de Saintes, et est dite parfois le bocage. Elle est assez fertile en blé et en vin. Depuis quelques années particulièrement, cette région s’est couverte d’immenses vignobles, dont les produits ont fait couler l’or à flots sur nos campagnes, et ont contribué, tout en généralisant l’aisance, à amollir les anciennes mœurs, en les livrant à un luxe effréné.
La zone de landes, dont parle la Statistique, et qui traversait diagonalement cette partie, est aujourd’hui réduite à une étroite lisière, remplacée au N.-E., par une bordure de bois de chênes, précieux comme combustible, et que les défrichements continus et l’entraînement exagéré vers la viticulture, auront bientôt réduite à une surface très-minime.
La troisième partie, formant à peu près le canton d’Archiac, est médiocrement boisée, surtout à l’époque actuelle, et se nomme la Champagne. C’est là qu’on recueille ces eaux-de-vie de premier choix, que l’amour désordonné du lucre n’a pas craint, dans ces derniers temps, d’altérer par des mélanges d’origine commune et fort douteuse, et qui ont compromis gravement les produits de ces crûs spéciaux. Les prairies de cette troisième zone sont d’excellente qualité, et d’un prix fort élevé.
La quatrième partie, formant les cantons de Montguyon, de Montlieu, et une partie de celui de Montendre, contient beaucoup de landes sablonneuses et de marais humides, que l’industrie moderne est parvenue à utiliser, et où elle a su créer des forêts de pins productives, des vignes et des prairies d’assez bon rapport.
Nous croyons devoir signaler les différentes couches intérieures, du sol, d’après la carte géologique du département, dressée en 1852 par M. W. Manès, laquelle divise l’arrondissement de Jonzac en sept bandes ou zones principales, de diverses natures de terrains et fonds rocheux qui se dirigent, d’une manière à peu près uniforme, du N.-O. au S.-E.
Terrain moderne: Première bande placée au S.-O., longeant la Gironde (teintée sur la carte en vert d’eau), dépôt fluviatile.
Terrain crétacé : Deuxième bande (teinte jaune), de Saint-Fort-sur-Gironde au Pin-de-Mérignac, remontant ensuite jusqu’à Neuillac; craie grise marneuse ou glauconieuse (craie tufau).
Terrain tertiaire: Troisième bande (faux rouge), passant entre Saint-Germain-du-Seudre et Lorignac, et se dirigeant jusqu’à l’extrémité de l’arrondissement, qu’elle couvre presque en entier, à partir de Chepniers et Chevanceaux; terrain tertiaire inférieur.
Autre terrain crétacé : Quatrième bande (jaune pâle), encastrée, depuis Cosnac, dans la troisième bande, et disséminant ses couches sur Chepniers, Montlieu, Montguyon, et se dirigeant ensuite par Bran, vers Saint-Maigrin, Archiac et Lonzac (craie à ostrea vesicularis).
Idem. — Cinquième bande (rose clair), formant l’intérieur de l’arrondissement, et suivant les bords de la Seudre, depuis Saint-Germain, se dirigeant vers Saint-Hilaire-du-Bois, et remontant ensuite vers Saint-Grégoire (calcaire blanc à rudistes).
Idem. — Sixième zone ou fragment de bande (teinte jaune clair et hachures rouges), paraissant vers Lorignac, passant par Saint-Hilaire-du-Bois et Champagnac, et remontant ensuite vers Antignac et Saint-Grégoire-d’Ardennes (calcaire gris à exogira auricularis).
Idem. — Septième bande (couleur verte), allant de Givrezac à Bois et jusqu’à Saint-Genis (calcaire à caprinelles).
D’après M. Manès, l’arrondissement de Jonzac comprend:
Il offre à l’observateur une superficie des plus variées, et se compose: 1° au N.-O., d’un terrain ondulé de calcaire crayeux qui se divise en pays de bocage, formant la partie méridionale, où les plateaux sont recouverts de terrain argilo-sableux, propre au bois, et où la culture est d’ailleurs très-variée, et en pays de Champagne, formant la partie septentrionale, où la craie argileuse domine, et où les terres sont très-fertiles en vins et céréales; 2° au S.-E., d’un terrain montueux, comprenant des landes stériles, des coteaux sablonneux propres au seigle et au maïs, et de vallées marécageuses.
Les argiles à poterie et faïence se trouvent sur plusieurs points de l’arrondissement.
Poteries communes: il y en a cinq dans les communes de Boisredon et du Petit-Niort (Mirambeau), quatre à La Glotte et une à Clérac.
Faïenceries communes: On en voit une à Soumeras, une à La Trappe de Montendre, une autre chez Vallaux, en Saint-Germain-du-Seudre. Les fabriques de grands carreaux, briques, poterie et faïencerie diverses, remontent, dit M. Manès, au XVIe siècle, et doivent leur origine, dans cette province, au célèbre potier de Saintes, Bernard Palissy.
Les deux verreries du département sont au Gibaud et à Glérac. Toutes deux opèrent avec des verres cassés et achetés à Bordeaux et lieux circonvoisins. On les convertit en verres de gobeletterie. Ces usines marchent, l’une et l’autre, environ deux cents jours par an, et occupent ensemble une vingtaine d’ouvriers. La valeur de leurs produits est d’environ 70,000 francs.
Maintenant, il importe de parler des principales productions spontanées du sol, tapis émaillé de tant de riches couleurs, et composé de plantes si précieuses, écloses au souffle providentiellement fécond de la Divinité. Indépendamment de l’énumération faite dans le cours de cet ouvrage, des plantes principales, qui croissent sur le sol de deux communes, sises aux points extrêmes de l’arrondissement, étudiées par deux hommes spéciaux, et qui semble un court résumé de la flore du pays, nous aurions désiré donner ici les nomenclatures particulières des plantes qui croissent sur nos plages marines, vastes terrains d’alluvion de la Gironde, leur grand nombre s’y oppose; nous engageons le lecteur à recourir à la Flore de l’Ouest: «C’est, dit l’auteur, M. James Lloyd, un riche département que celui de la Charente-Inférieure. S’il renferme autant d’espèces de plantes que tous les autres départements réunis, cette abondance est dûe à son sol calcaire et varié, à une grande étendue de côtes et à sa position quasi-méridionale .»
«Après la région maritime, dit M. Lloyd, il existe une localité que je recommande particulièrement, parce qu’elle forme exception à la végétation du département, c’est celle que j’appelle pays de lande, et qui s’étend de Saint-André-de-Lidon, vers Saint-Genis, Plassac, au-dessus de Mirambeau, et se continue par Montendre et Montlieu, jusqu’à la limite S.-E. du département.....»
Ce terrain sablonneux, occupé par des landes, des bois de pins qui, chaque jour, cèdent la place aux cultures, est caractérisé par des plantes dont l’auteur donne la description. Les nombreuses et intéressantes variétés de bruyères de ces landes n’ont été étudiées qu’en partie, par M. Lloyd.
Grâce à ces données d’ensemble, empruntées par nous à des littérateurs et à des savants qui, à une ou deux exceptions près, ont eu la Saintonge pour patrie, et qui l’ont étudiée avec un soin tout particulier et cet amour du sol natal, qui donne à l’étude un cachet d’actualité et de perspicacité instinctive, le lecteur saura, avant même de pénétrer dans la connaissance historique plus intime et plus détaillée de l’arrondissement, quel est le pays qui s’offre à ses études. Il se familiarisera avec son état politique, dans l’antiquité et dans le présent; il appréciera les mœurs de ses habitants, de même que l’histoire naturelle de son sol, aussi bien à la surface que dans les plus grandes profondeurs connues; ainsi comprise, cette étude d’initiation sera d’un certain secours au lecteur, et justifiera à ses yeux les efforts que nous avons faits pour développer convenablement les différents points de ce travail.
Il convient, peut-être, de dire un mot des noms de lieux terminés en ac, et qui abondent dans notre arrondissement. D’après les auteurs et l’étude scientifique des diverses contrées où ces noms sont usités, on ne saurait soutenir aujourd’hui que la généralité de ces terminaisons eut pour racine le substantif latin aqua, ainsi que l’ont prétendu quelques personnes, il est plus rationnel de chercher leur origine dans le vieux mot celtique acum, qui désignait un lieu élevé et fréquemment couronné d‘habitations. Une circonstance vient fortement à l’appui de cette opinion, c’est que les noms en ac ne se reproduisent fréquemment que dans les pays jadis habités par les Celtes.
Si quelques contradicteurs, par amour exagéré de nos constitutions politiques modernes, venaient à désapprouver notre excursion historique et scientifique au travers des siècles passés, et les réflexions qu’elle amènera, nous devrons nous en consoler, en songeant qu’à côté de ces myopes politiques, plusieurs d’entre nos concitoyens, moins exclusifs, plus enclins à l’étude de l’histoire, ne serait-ce que pour comparer, en connaissance de cause, le présent au passé, aimeront à nous suivre dans une ample investigation rétrospective, tout à fait locale et réellement patriotique. Il s’en trouvera certainement qui ne craindront pas de se salir au contact de la poussière amoncelée sur la voie, par la succession des âges, ni de s’exposer à perdre leurs principes de moderne politique, en s’initiant à des traditions de beaucoup antérieures à 1789. Comme si le patriotisme bien compris ne devait pas raviver ses inspirations chaleureuses, au récit des faits glorieux de toutes les époques de l’histoire!
Nous ne prétendons pas avoir tout dit sur l’arrondissement de Jonzac; mais nous croyons avoir dit cent fois plus que nos devanciers, évidemment trop laconiques au détriment de notre beau pays.
Par reconnaissance, nous devons mentionner ici la collaboration de M. l’abbé Guillement, curé de Sainte-Lheurine; celle de M. Alcide Gaboriaux, de Saint-Dizant-du-Gua et les communications importantes de M. l’abbé Lacurie, ancien aumônier du collége de Saintes, au regard des différents pouillés de l’ancien diocèse de Saintes, qu’il a colligés, annotés et ornés de précieuses cartes, dans le format in-f°.
Pour les noms latins des paroisses, nous avons eu recours à un état manuscrit de la bibliothèque impériale, dressé pour la perception des subsides, sollicités par le pape Jean XXII, dans la province ecclésiastique de Bordeaux, afin d’aider à la répression des méfaits et attentats de certains hérétiques en Italie. L’état et la collecte furent opérés dans le diocèse de Saintes, en 1326 et 1327. Nous indiquerons les emprunts de noms latins faits par nous à cet important manuscrit, par les mots: Etat manuscrit, 1327.
Plusieurs dessinateurs, appartenant à notre Saintonge, ont rivalisé de bon vouloir pour enrichir notre collection de vues de châteaux ou d’églises. Nous devons citer, en leur payant un juste tribut de reconnaissance: MM. Bonhomme, Gaboriaux, Gallut, Gendre, Giraud, L. Laferrière, C. Maud, M. Moreau, A. Rainguet, T. Richard, G. Martin, Torné et Voyer.
Pour le canton de Montlieu, et partie de celui de Montguyon, nous avons assez fréquemment puisé dans les documents recueillis par plusieurs d’entre les élèves du petit-séminaire de Montlieu qui, suivant un cours théorique et pratique d’archéologie, consacrent quelques instants de leurs promenades à l’exploration des monuments du pays. Leurs travaux à la plume et au crayon, bien qu’élémentaires, démontrent combien les études archéologiques, auxquels on les initie de bonne heure, peuvent produire d’heureux résultats chez les jeunes gens des écoles.
C’est ici le lieu de payer un hommage bien mérité à notre très-cher et vénéré frère, M. l’abbé Rainguet, vicaire-général et supérieur du petit-séminaire de Montlieu. Il faut avouer que, sans son concours, sans celui de ses professeurs et des jeunes disciples formés à son école, il nous aurait été bien difficile de mener cette œuvre à bonne fin. Ses efforts et ses conseils nous ont soutenu constamment dans l’entreprise intéressante, mais ardue, que nous avions assumée, sans trop calculer nos forces et apprécier nos faibles moyens d’exécution. Il pourra donc jouir de son ouvrage dans le nôtre, laissant à notre charge les imperfections qui peuvent le déparer.
Pour toutes les parties de l’arrondissement, nous citerons avec plaisir, et chaque fois qu’il y aura lieu, les auteurs des notes et documents qui nous ont été adressés, afin, surtout, de faire de ce livre une œuvre de famille.
Nous avons dû mettre fréquemment à profit, l’ouvrage intéressant, publié en 1861, par un de nos amis, M. L. de la Morinerie, touchant les votants à l’assemblée réunie à Saintes, à l’occasion des Etats-généraux : sorte de prolégomènes d’un nobiliaire de Saintonge et d’Aunis, dont la plume du laborieux écrivain dotera certainement un jour, notre province, si peu riche en ce genre d’ouvrages. Nous avons encore utilisé les Pièces pour servir à l’histoire de Saintonge et d’Aunis, publiées par M. Théophile de Bremond d’Ars, ajoutant au travail de M. de la Morinerie, les votes des membres du Clergé et du Tiers-Etat, en 1789.
Il convient aussi de décerner un hommage de profonde gratitude à la mémoire de feu M. le baron Chaudruc de Crazannes, aussi savant archéologue et numismate, que bienveillant et zélé correspondant; il nous aida constamment pour l’explication des anciennes monnaies. Né au château de Crazannes, près de Saint-Savinien, le 20 juillet 1782, ce compatriote regrettable est mort à Castel-Sarrazin, le 15 août 1862. Sa biographie particulière, imprimée à Montauban, en 1862, et comprenant 24 pages in-8°, atteste combien le laborieux membre correspondant de l’Institut s’est livré à de nombreuses recherches de nos anciens monuments et en a fourni d’utiles descriptions.
C’est grâce à tous ces efforts combinés, à ces labeurs de divers écrivains qui, déjà, se sont occupés de notre belle province, c’est enfin muni de notre bien légère, mais patriotique gerbe, moissonnée par nos mains, dans les champs du pays, que nous venons aujourd’hui, comme l’indique notre courte dédicace, offrir ce travail à Dieu et à la Patrie. — Deo et Patrice. —
P.-D. RAINGUET.