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ÉTUDE ANTHROPOLOGIQUE

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La définition pathologique, que nous avons précédemment donnée du gigantisme (voir p. 14), tend à nettement séparer l’homme grand du géant et à montrer que, pour mériter cette dernière épithète, à laquelle nous voudrions attacher un caractère de monstruosité, non explicitement précisé jusqu’à présent, il ne suffit pas d’avoir une taille très élevée.

L’objection la plus sérieuse que l’on puisse faire à notre thèse est celle qui, souvent formulée, l’a été pour la dernière fois, en 1896, par un critique très avisé de la Gazette des Hôpitaux, lorsqu’il disait: «On arriverait ainsi à cette conséquence singulière que, sur deux hommes de la même taille, un seul est un géant....» Cette objection ne fait que traduire la pensée beaucoup plus précise de Manouvrier écrivant que: deux statures égales peuvent être dissemblables quant à leur composition numérique.

Si étranges que puissent paraître les conséquences qui résultent de notre définition, il nous paraît nécessaire de les accepter et de reconnaître que, pour être véritablement un géant, il ne suffit pas d’avoir une grande taille, mais qu’il faut présenter encore d’autres stigmates dystrophiques.

En réalité, il ne s’agit que d’une convention verbale nouvelle à introduire dans notre langue, eu égard aux multiples raisons qui légitiment son adoption.

Parmi ces raisons, il importe tout d’abord, de mettre en valeur celles qui sont d’ordre anthropologique. Pour montrer comment, au point de vue anthropologique, le géant se distingue de l’homme simplement et harmonieusement grand par une dysharmonie morphologique caractéristique, il faut tout d’abord étudier le type humain normal, dont le gigantisme représente une déviation atypique et monstrueuse. Il faut aussi rappeler les lois de la croissance normale, afin de chercher à bien établir les anomalies de la croissance gigantesque.

On ne doit pas toutefois s’attendre à trouver ici une précision absolue, qui n’est possible encore que dans quelques rares parties des sciences biologiques. Une limite naturelle et toujours facile à reconnaître ne sépare pas, en effet, le groupe des hommes normaux, petits ou grands, au développement harmonieux, du groupe des géants dysharmoniques et toujours plus ou moins monstrueux. Même en se plaçant au seul point de vue anthropologique, il y a lieu d’insister sur cet argument, déjà présenté, qu’entre l’homme grand et le géant, il y a les mêmes et aussi imprécises frontières qu’entre l’état sain et l’état morbide.

Tout d’abord, le type humain normal, auquel on souhaiterait des caractères assez nettement tranchés pour que toute déformation en soit nettement et facilement appréciable, n’existe pas. Nous ne possédons pas, en effet, cet archétype, idéal rêvé par les sculpteurs et souhaité par les anthropologistes. Le type humain normal est variable à l’infini, même à ne considérer que la taille et les différentes proportions du corps; il varie suivant les races, les pays, suivant aussi un grand nombre de circonstances contingentes; il se modifie encore suivant des influences multiples que Manouvrier a montré récemment être en rapport avec des variations fonctionnelles parallèles (activité musculaire, genre de vie, quantité et forme de travail, etc.).

Nous sommes donc loin de posséder le type humain normal et invariable, imaginé par les sculpteurs pour la construction mathématique de leurs figures, ou désiré par les anthropologistes pour la commodité de leurs recherches, plus particulièrement dans le cas d’anomalies gigantesques.

«Les artistes, dit Papillault, soucieux de prêter à leurs divinités les formes les plus parfaitement belles, convaincus, comme on l’était, en Grèce, qu’il existait quelque part dans la pensée des dieux ou dans le monde des idées pures et réelles, un archétype humain, dont nous ne sommes que des copies imparfaitement réalisées par la matière, essayèrent de deviner, de retrouver, parmi la variété misérable des répliques, la forme parfaite dont l’existence idéale ne pouvait être mise en doute à leurs yeux.

«Les méthodes qu’ils appliquèrent à cette recherche leur furent suggérées par les théories philosophiques qui régnaient autour d’eux. Pythagore avait affirmé que les nombres, et l’harmonie qui en dérivait immédiatement, constituaient l’essence des choses. La forme parfaite était celle qui offrait, comme les figures géométriques, des proportions numériquement définies. Si les nombres parfaits n’y sont pas toujours contenus, c’est que les phénomènes sensibles de la matière ne sont que des apparences obscures et mauvaises. L’artiste a précisément le rôle sublime de négliger ces contingences pour réaliser la perfection.

«On devine tout de suite la conclusion pratique que l’on a dû tirer de ces conceptions: une figure humaine sera parfaite si elle a des proportions qui obéissent à la loi des nombres, et il en sera ainsi si une de ses parties fondamentales est contenue exactement un certain nombre de fois dans les autres. Trouver cette unité et rechercher le nombre qui représente son rapport avec les principales parties du corps fut une des grandes préoccupations des artistes. Pour obtenir ce canon, ils devinrent donc, comme on l’a déjà remarqué, les premiers anthropomètres.

«Depuis l’époque lointaine où Pythagore florissait dans la grande Grèce, les mathématiques et la biologie ont fait quelques progrès. S’a théorie des nombres nous paraît comme le premier balbutiement de la raison humaine; l’on sait maintenant que les phénomènes biologiques sont trop complexes pour obéir aux proportions simples qu’avait entrevues le Sage de Samos, et pourtant ses principes laissent encore des traces en anthropométrie. On a cherché au XIXe siècle, et même de nos jours, le canon des proportions du corps humain , la règle d’or, comme dit C. Schmidt, qui pose devant nous le modèle éternel et parfait dont les individus se rapprochent plus ou moins, et Charles Blanc affirme, dans son ouvrage, d’ailleurs très remarquable, qu’un corps bien proportionné est celui dans lequel un membre ou un segment de membre est la commune mesure de tous les autres. On ne saurait exposer en termes plus adéquats la théorie des nombres de Pythagore appliquée à la forme humaine.»

Aujourd’hui encore, conformément à tous les canons antiques ou modernes, conformément aux lois établies plus particulièrement par Vitruve, Albert Dürer, Gérard Audran, Schadow, Gerdy, on admet et on enseigne dans les ateliers de sculpture les données suivantes:

«Le corps humain est égal à huit longueurs de tête ainsi réparties:


«La tête se partage en quatre parties sensiblement égales:


«L’intervalle entre les deux yeux et la largeur à la base du nez sont chacun égaux à une longueur d’œil. La bouche et l’oreille sont chacune égales à deux longueurs d’yeux.

«La longueur de la main et celle du visage (de la naissance des cheveux au menton) sont égales et forment la neuvième partie de la taille. La longueur du pied et la circonférence du poing sont égales et forment la sixième partie de la taille.»

P. Richer a cherché à rectifier ces données, à augmenter leur précision scientifique, sans diminuer leur simplicité, indispensable à la pratique journalière et a proposé un canon tout à la fois scientifique et artistique. Mais que la tête soit comprise 8 fois (Gerdy) ou seulement 7 fois 1/2 (P. Richer) dans la hauteur du corps, que la cuisse, comme la coudée, soit égale à deux têtes ou bien encore que la longueur du sternum égale celle du pied, toutes ces analogies présentent un intérêt plus grand pour les artistes que pour les anthropologistes.

De telles approximations, basées sur des analogies entre parties assez dissemblables, ne peuvent évidemment représenter que des règles mnémotechniques, destinées tout au plus à limiter les écarts dus à l’inexpérience ou à l’insuffisance de mémoire visuelle des débutants. Elles ne peuvent avoir qu’une valeur relative au point de vue des résultats que doit en attendre l’anthropométrie rigoureuse.

Quételet cependant s’est efforcé, en étudiant avec soin les différents canons utilisés par les artistes de toutes les époques et de tous les pays, de montrer qu’ils ne différaient que très faiblement des mensurations mathématiquement exactes fournies par les recherches anthropométriques. La vérité est que Quételet était, tout autant que les artistes, préoccupé de prouver l’unité de l’espèce humaine au moral comme au physique et de retrouver, sous la variété infinie des individus, la fixité du type humain, autour duquel gravitent de «simples oscillations harmonieuses». Aussi, soucieux de retrouver partout la loi des proportions et des grandeurs, il écrit: «Non seulement le nombre des géants est limité dans une population, mais les individus qui en font partie ou qui s’en rapprochent par leur taille, doivent satisfaire à certaines conditions que l’on observe dans les proportionnements de leurs membres».

Tout en respectant la méthode de Quételet, qui n’est que l’application à l’anthropologie du procédé inductif de généralisation, sans lequel nous ne saurions dominer l’infinie variété des faits (τω̃ν ρ́εóντων oύχ ε̋στιν ὲπιστήμη — fluxorum non est scientia), on doit reconnaître que des conclusions aussi dogmatiques que les siennes ne pouvaient être généralement acceptées par les anthropologistes contemporains, désormais affranchis de l’obligation de toujours contrôler les canons classiques.

C’est ainsi que, rappelant le cas du statuaire et professeur Charles Rochet, qui, tout récemment encore, croyait voir clairement les intentions du Créateur dans ces harmonies mystérieuses des nombres et des formes géométriques, Manouvrier concluait: «On conçoit donc que, même sans aller aussi loin, les maîtres aient pu exagérer dans l’esprit de leurs élèves le respect des canons classiques et que l’observation des variétés individuelles ait été en grande partie abandonnée aux caricaturistes».

Il importe que l’étude de ces variétés et anomalies individuelles soit désormais réservée aux médecins et aux anthropologistes. Plus particulièrement, en ce qui concerne les géants, il est nécessaire que l’étude des proportionnements de leurs membres soit rigoureusement confrontée avec celle des rapports anthropométriques généraux que présentent les principales proportions du corps chez l’homme moyen ou normal.

Les deux remarquables et récents mémoires de Manouvrier et de Papillault nous ont permis d’interpréter les différentes variations anthropométriques et plus particulièrement celles qui s’observent à mesure que la taille s’élève.

Les mensurations de Papillault ont été pratiquées sur 200 sujets (100 hommes et 100 femmes), de nom français, âgés de 24 à 50 ans, choisis à l’École Pratique de la Faculté de Médecine parmi les cadavres provenant des hôpitaux de Paris et ne paraissant avoir eu dans leur développement aucune cause de trouble évidente. Dans les résultats qu’il a donnés, nous négligerons la série féminine, car, dans la majorité des cas, le gigantisme se montre surtout chez les mâles, et ne retiendrons que la série des hommes. Pour la commodité de l’étude, on peut, avec l’auteur, les ordonner en trois groupes comprenant les 50 plus petits, les 40 moyens et les 50 plus grands. Nous ne nous occuperons que du dernier groupe, désireux de montrer en quoi et comment les géants se distinguent des hommes les plus grands. On peut, en se dégageant de la complexité précise des chiffres, résumer de la façon suivante les résultats que donne Papillault, en ce qui concerne le tronc, les membres et la tête.

1° Proportions du tronc chez les hommes grands. — Les proportions relatives du tronc (du sommet du grand trochanter au trou auditif) diminuent légèrement quand la taille augmente, mais d’une quantité moindre que le rachis. Le segment cervical du rachis, de même que la hauteur du cou, sont relativement plus grands; au contraire, cet excès de longueur est compensé par une diminution relative du segment rachidien dorsal.

2° Proportions des membres chez les hommes grands. — a. Avec le bassin, c’est le membre inférieur qui s’accroît dans les plus fortes proportions, compensant ainsi le moindre allongement du tronc.

b. Le facteur taille exerce une action analogue sur l’allongement du membre supérieur, l’excès de développement portant surtout sur l’avant-bras.

c. La longueur relativement plus faible de la main semble compenser l’allongement de l’avant-bras. Il en est de même pour le pied, dont les variations suivent celles du rachis, c’est-à-dire qu’il s’accroît moins rapidement que les membres inférieurs et, par suite, que la taille.

5° Proportions de la tête chez les hommes grands. — a. On sait, depuis les recherches de Manouvrier, que le cerveau ne s’accroît pas toujours proportionnellement aux autres parties de l’organisme, c’est-à-dire qu’il est relativement petit chez les individus de grande taille et relativement grand chez les hommes petits, chez les femmes et chez les enfants.

b. Ce sont les diamètres longitudinaux qui suivent surtout l’accroissement de la taille: l’épaisseur du frontal, en particulier, augmente très rapidement et, par suite, détermine une forte saillie glabellaire, laquelle au contraire est très faible ou nulle chez les enfants. D’où la formule: toute influence ethnique mise à part, les hommes grands sont relativement plus dolichocéphales que les petits.

c. Parmi les diamètres transversaux du crâne, ce sont surtout ceux de la base qui augmentent avec la taille; sur la voûte, il n’y a guère que le diamètre frontal minimum qui s’accroisse d’une manière sensible par rapport aux autres diamètres de la voûte.

d. A la face, le diamètre bizygomatique subit un accroissement relatif mais notable, tandis que le diamètre transverse de la région orbitaire, comme tous les autres diamètres qui dépendent en partie du développement des organes nerveux centraux, sont au contraire peu influencés par l’allongement de la taille. La fente palpébrale varie moins encore que l’orbite; chez les hommes grands, elle est située relativement un peu moins en dehors que chez les petits.

e. Sur le nez, les variations ethniques prédominent, comme aussi les variations morphologiques individuelles (nez convexes, ondulés, droits, concaves) et rendent difficiles des mensurations comparables. Toutefois on peut dire que la hauteur du nez augmente nettement avec celle de la taille. Il en serait de même pour la largeur, en négligeant toutefois l’influence incontestable de la fonction respiratoire.

f. L’augmentation de longueur de la taille influence peu la hauteur des deux rangées de dents; en revanche, comme la hauteur de la symphyse mentonnière est augmentée notablement, ainsi que la longueur de la branche horizontale (diamètre gonio-mentonnier), il s’ensuit (Manouvrier) que les dents sont en retrait sur le menton et qu’il se produit une saillie en avant du menton ou prognathisme, toujours très appréciable chez les hommes grands.

Avant d’aller plus loin, nous tenons à montrer le très réel intérêt que présentent les conclusions de Papillault pour le sujet qui nous occupe.

Tous les caractères de la croissance normale de l’homme grand que nous venons d’énumérer, nous allons les retrouver pour la plupart, mais exagérés morbidement, dans la croissance anormale du géant: aux membres, par exemple, nous retrouverons l’allongement excessif, par rapport au tronc, et portant principalement sur les membres inférieurs; à la tête, nous verrons aussi et la forte saillie glabellaire, signalée plus haut, et l’augmentation du diamètre bizygomatique, et le prognathisme du maxillaire inférieur, tous caractères qu’on se plaît à relever chez les géants acromégaliques .

Faut-il donc conclure que rien ne différencie, anthropologiquement, le géant de l’homme grand? Il nous paraît plus légitime d’admettre, comme nous l’avons fait précédemment, qu’entre l’homme grand et le géant il y a les mêmes et aussi imprécises frontières qu’entre l’état sain et l’état morbide. La Nature, comme disent les philosophes, ne fait pas de sauts (Natura non facit saltus): aucun abîme ne sépare irréductiblement les géants des hommes grands, et les mêmes caractères se retrouvent chez les uns et chez les autres, peu sensibles chez ceux-ci et décelables seulement par les très précises et rigoureuses mensurations anthropométriques, grossièrement accentuées et déjà cliniquement apparentes chez ceux-là seuls qui sont les anormaux et les malades, c’est-à-dire les géants. La difficulté de diagnostiquer les cas intermédiaires ou faits de passage ne saurait aller à l’encontre de cette application particulière d’une loi très générale de la biologie, partout confirmée.

Si Papillault nous a montré les modifications que présente l’homme dans «le proportionnement de ses membres» quand la taille tend à dépasser la moyenne, Manouvrier a, de son côté, cherché à différencier plusieurs types anthropologiques, dont il nous faut résumer tout au moins les caractères. Il est parti de ce principe que: «deux statures égales peuvent être dissemblables quant à leur composition numérique».

En utilisant les chiffres recueillis par Étienne Rollet, à Lyon, sur 100 cadavres (50 hommes et 50 femmes) d’âge connu et ceux, beaucoup plus nombreux, qu’il put trouver dans les fiches d’identification du service anthropométrique de la Préfecture de Police, il lui fut possible d’établir les principales données suivantes:

«Lorsque la taille (hauteur du corps) s’élève, toutes les parties du corps s’accroissent en moyenne.

«Les membres s’allongent relativement plus que le buste. Il en est de même de leurs divers segments.

«Le membre supérieur s’allonge relativement moins que le membre inférieur et devient plus court relativement à ce dernier.

«Les segments proximaux de chaque membre restent à peu près proportionnels entre eux.

«Les segments distaux, main et pied, s’allongent moins, relativement au buste, que les segments proximaux et deviennent plus courts, relativement à ceux-ci.

«Chez l’homme grand, la main diminue un peu relativement au pied et s’allonge, au contraire, un peu chez la femme grande.»

D’autre part, en se basant sur les rapports des deux grandes longueurs (buste et membre inférieur), dont la somme compose la taille ou hauteur totale du corps et qui entraînent les variations de la taille dans la position assise et dans la position debout, Manouvrier a distingué deux types d’individus, très faciles à séparer les uns des autres au premier examen. Vulgairement désignés sous les noms d’échassiers et de courtes-cuisses, il propose de leur donner les appellations plus scientifiques de brachyskèles et de macroskèles (σχέλoς, jambe; βραχύς, court; μαχρóς, long). Ces deux variétés opposées, très communément observées d’ailleurs, sont en rapport avec le développement quantitatif de l’ensemble du corps et aussi avec l’exagération de la croissance en longueur des grands os des membres par rapport à leur croissance transversale. Cela veut dire, par exemple, que la macroskéile s’observe un peu plus souvent chez les hommes grands et surtout chez les hommes grands dont les os se sont excessivement développés en longueur au détriment de la largeur.

Aussi, à côté de la brachyskélie et de la macroskélie, il y a lieu de distinguer deux formes particulières de développement d’ensemble de l’organisme, insuffisamment représenté par la longueur ou hauteur du corps: la mégasomie et la microsomie (σω̂μα, corps; μέγας, grand; μιχρóς, petit). Ces deux manières d’être seraient mieux représentées par le poids que par la hauteur du sujet et, d’une façon beaucoup plus précise encore, par le poids du centimètre de taille. Par exemple, à taille égale, les brachyskèles ou femmes sont plus microsomes que les macroskèles ou hommes.

Si l’on cherche à pénétrer plus profondément le mode suivant lequel se fait ce développement d’ensemble de l’organisme, on est amené à distinguer deux modalités très générales de la croissance: la croissance en long ou macroplastie et la croissance en large, transversale on euryplastie (πλάτσειν, former; μαχρóς, long. εύρύς, large).

Cette distinction, établie dans le développement général de l’individu, correspond à une modalité différente du processus histogénétique qui détermine l’accroissement des os, l’ossification enchondrale et l’ossification périostique.

Sans insister, pour le moment, sur les causes et les conséquences physiologiques qui appartiennent en propre à ces deux types différenciés par Manouvrier, nous tenons à nettement indiquer que l’euryplastie, qui tient sous sa dépendance la mégasomie et la brachyskélie, d’une part, et d’autre part la macroplastie, dont dépendent la microsomie et la macroskélie, méritent également d’être nettement séparées l’une de l’autre au point de vue pathologique. Les conclusions qui résulteront de nos études sur le gigantisme démontreront, en effet, que l’acromégalie, caractérisée par l’hyperostéogénèse périostique, n’est que l’exagération morbide de l’euryplastie normale, de même que le gigantisme, caractérisé par l’hyperostéogénèse enchondrale, n’est que l’exagération morbide de la macroplastie normale.

Le dernier type anthropologique, décrit par Manouvrier, est caractérisé par la rusticité des proportions. Nettement en rapport avec la profession des sujets chez lesquels on l’observe (diminutions organiques par amoindrissement de la sollicitation fonctionnelle), il est en rapport avec l’habitude des durs ouvrages manuels et s’observe plus particulièrement chez les hommes, mais aussi chez les femmes qui ont évolué vers la masculinité. Il se caractérise tout particulièrement par l’allongement excessif des extrémités des membres: les mains, les pieds sont grands, il y a tendance à la brachycéphalie; l’allongement excessif des membres supérieurs par rapport au buste incurvé, raccourci, et au membre inférieur, rappelle beaucoup l’aspect du type anthropoïde. Nous retrouverons ces caractères si particuliers de la rusticité dans certaines variétés de gigantisme acromégalique.

Pour terminer cette revue anthropologique, il nous reste à préciser les lois de la croissance normale, à l’époque de la vie où elle atteint son plein développement, c’est-à-dire à l’adolescence, «Sans parler des variations extraordinaires telles que le gigantisme, c’est pendant l’adolescence, semble-t-il, que se produisent ces allongements excessifs des grands os des membres qui, d’un sujet issu de parents robustes et de moyenne taille, font un homme de 1m,80 et plus, mais court de buste, efflanqué, malingre, sans vigueur musculaire, et dont l’énergie intellectuelle et morale peut être aussi atteinte ().»

En nous permettant de suivre les phases de la croissance aux différents stades de l’adolescence, le récent ouvrage de Paul Godin nous a amené à nettement préciser certains caractères, dont l’anormale persistance à un âge relativement avancé servira de substratum à l’une des formes principales du gigantisme que nous étudions, le gigantisme infantile.

L’accroissement des os des membres et l’allongement de la taille sont sous la dépendance des cartilages juxta-épiphysaires, sur les deux faces desquels se succèdent des phénomènes histologiques aujourd’hui bien connus.

Lorsque la soudure des épiphyses aux diaphyses est complète, en d’autres termes lorsque l’ossification a envahi les cartilages de conjugaison dans toute leur épaisseur, la croissance s’arrête: la taille a acquis des dimensions qu’elle ne dépassera guère et qu’on peut considérer comme définitives.

L’époque de la clôture de la croissance est variable suivant les espèces: relativement précoce chez les animaux, elle est proportionnellement beaucoup plus tardive chez l’homme. Il existe de plus, dans l’espèce humaine, des variations en rapport avec le sexe: l’évolution complète du phénomène est, en effet, un peu plus rapide chez la femme que chez l’homme.

Dans les os longs des membres, chaque masse épiphysaire osseuse résulte de l’extension et de la confluence d’un certain nombre de points d’ossification (points primitifs, points secondaires) dont l’apparition se fait conformément à la loi des fonctions physiologiques formulées par Alexis Julien .

Les épiphyses demeurent séparées, pendant un temps variable pour chaque os, de leurs diaphyses correspondantes par une bande cartilagineuse plus ou moins épaisse, dont la disparition est complète entre 22 et 25 ans, ainsi qu’on peut s’en rendre compte sur le tableau ci-après emprunté aux classiques.


Topinard, de son côté, donne les chiffres suivants rangés chronologiquement:


Ces chiffres , légèrement approximatifs, correspondent plutôt au début de l’ossification des cartilages de conjugaison qu’à leur disparition complète, qui ne s’effectue en général complètement qu’en un ou deux ans.

En pratique, il faut retenir que l’ossification de tous les cartilages de conjugaison des os longs est définitive vers l’âge de 24 à 25. Cet âge correspond à la clôture de la croissance et la taille ne subit plus ensuite que de très légères variations. Si, après 25 ans, elle continue à grandir, il y a état pathologique. Dans ce cas, comme nous avons été les premiers à le montrer , l’examen radiographique des extrémités des os montre que la diaphyse et l’épiphyse des os longs, se traduisant par une image opaque, sont séparées l’une de l’autre par une bande claire plus ou moins épaisse. Celle-ci correspond précisément au cartilage de conjugaison qui continue à être le siège d’une prolifération active et dont la masse n’a pas encore été infiltrée par les sels de chaux. Il est facile, soit à l’aide de l’écran, soit sur des images radio-photographiques de la main et de l’avant-bras, de constater la persistance des cartilages juxta-épiphysaires, qui devraient être, depuis plus ou moins longtemps, disparus. Cette constatation, indice d’une persistance anormale de l’activité proliférative intra-cartilagineuse, a toujours été facile chez les géants infantiles que nous avons observés. Elle a été confirmée aussi par l’examen postmortem des différents os longs du squelette et tout particulièrement chaz le géant Constantin, dont la description sera faite plus loin (page 517).

Soit à l’École des enfants de troupe des Andelys (Eure), soit à l’École militaire préparatoire de Saint-Hippolyte-du-Fort (Gard), Godin a pu pratiquer un grand nombre de mensurations très rigoureuses sur 100 sujets, suivis individuellement de 13 à 18 ans, c’est-à-dire à l’époque où le développement atteint son plein épanouissement. Les tableaux qu’il a pu dresser sont la confirmation des lois posées par Manouvrier et Papillault.

Il résulte tout d’abord de ses recherches que le grand adolescent, tout comme l’homme grand, a un petit buste et de grandes jambes: il est normalement, à une période donnée, brachyskèle. Si l’on compare la hauteur du tronc (de la fourchette sternale au pubis) à la hauteur totale du corps, ou si l’on compare la taille dans la station assise avec la taille dans la station debout, c’est-à-dire la longueur du buste par rapport à la longueur du membre inférieur, les résultats obtenus sont les mêmes: à 15 ans 1/2, par exemple, la longueur du membre inférieur l’emporte de 17 centimètres sur celle de la taille dans la station assise. Deux ans plus tard, c’est-à-dire à 17 ans 1/2, c’est la longueur du buste qui l’emporte de 4 centimètres.

Il est donc avéré que cet allongement excessif du membre inférieur, par rapport au tronc, normal à 15 ans, constitue, lorsqu’il persiste à l’âge adulte, un stigmate évident d’infantilisme, que nous avons estimé à bon droit être l’un des caractères les plus importants du gigantisme infantile.

Pendant l’adolescence, les os des membres ne subissent pas un accroissement continu et régulier. Godin a pu formuler les lois suivantes:

a. La croissance des os longs des membres procède par périodes alternatives d’activité et de repos qui se succèdent avec régularité.

b. Les périodes d’activité et de repos sont contrariées pour deux os longs différents. Pendant le semestre où le tibia s’accroît, par exemple, le fémur reste stationnaire, et inversement.

c. Les repos de l’allongement sont utilisés pour le grossissement et réciproquement. L’os long grossit et allonge alternativement et non simultanément.

Nous avons retrouvé l’application de ces différentes lois en étudiant la croissance anormale et irrégulière de certains géants et avons constaté les poussées qu’elle présente et qui se succèdent, à des intervalles plus ou moins éloignés, même lorsqu’ils ont atteint l’âge adulte.

Parmi les conclusions de Godin, il en est une qui présente encore, au point de vue des applications que nous voulons en faire, une importance très grande. Le poids du centimètre de taille subit une majoration caractéristique entre quinze et seize ans, c’est-à-dire à l’âge vrai de la puberté, lequel est fixé par l’auteur à quinze ans et demi. Il en résulte que «la croissance est surtout musculaire pendant la puberté et surtout osseuse avant elle».

«La puberté, écrit Godin, n’est pas la période d’élancement aux dépens du gros acquis précédemment, mais bien la phase pendant laquelle l’activité de croissance s’emploie, en majeure partie, à grossir et à fortifier l’organisme, en vue du rôle qui va incomber au jeune homme de demain. »

Si, par le fait d’un vice de développement prépubéral, l’insuffisance musculaire persiste, si, en d’autres termes, la musculature ne devient pas adéquate à l’ossature, nous y verrons encore un stigmate pathologique et, pour le dire de suite, il acquiert une intensité marquée chez les géants infantiles; macroplastes, microsomes et hypermacroskèles, et dont le poids n’est jamais en rapport avec les dimensions exagérées de la taille.

Etudes biologiques sur les géants

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