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LE PIÉMONT.

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La peinture fut appelée en Piémont pour y être, comme dans les autres monarchies, une plante exotique soignée à grands frais, élevée au milieu d'une grande jactance de paroles, et qui ne fleurit jamais.

Quoique les pinceaux soient muets, le gouvernement monarchique, même dans le cas où le roi est un ange, s'oppose à leurs chefs-d'œuvre, non pas en défendant les sujets de tableaux, mais en brisant les âmes d'artistes.

Il n'est pas si contraire à la sculpture, qui n'admet guère d'expression, et ne cherche que la beauté[53]. Loin que je veuille dire que ce gouvernement ne puisse être fort juste, quant à la propriété et quant à la liberté des sujets; mais je dis que, par les habitudes qu'il imprime, il écrase le moral des peuples.

Quelles que soient les vertus du roi, il ne peut empêcher que la nation ne prenne ou ne conserve les habitudes de la monarchie; sans quoi, son gouvernement tombe. Il ne peut empêcher que chaque classe de sujets n'ait intérêt à plaire au ministre, ou au sous-ministre, qui est son chef immédiat.

Je suppose toujours ces ministres les plus honnêtes gens du monde. Les habitudes serviles que donne la soif de leur plaire ont un caractère déplorable de petitesse, et chassent toute originalité; car, dans la monarchie, celui qui n'est pas comme les autres insulte les autres, qui se vengent par le ridicule. Dès lors plus de vrais artistes, plus de Michel-Ange, plus de Guide, plus de Giorgion. On n'a qu'à voir les mouvements d'une petite ville de France, lorsqu'un prince du sang[54] doit passer, l'anxiété avec laquelle intrigue un malheureux jeune homme pour être de la garde d'honneur à cheval; enfin il est désigné, non point par ses talents, mais par l'absence de ses talents, mais parce qu'il n'est pas une mauvaise tête, mais par le crédit qu'une vieille femme, dont il fait le boston, a sur le confesseur du maire de la ville. Dès lors c'est un homme perdu.

Je ne prétends pas qu'il ne soit honnête homme, homme respectable, homme aimable, si l'on veut; mais ce sera toujours un plat homme[55].

On suit bien l'influence de la monarchie lorsque l'on voit les grands qui ont le plus de génie naturel obligés, par tous les liens de Gulliver, à périr d'ennui pour représenter, c'est-à-dire pour tenir école de servilité monarchique[56]. C'est le service que l'archichancelier rendait à Paris à l'empereur Napoléon.

Les artistes ont le malheur de vivre à la cour[57]. Bien plus, ils ont un chef particulier auquel il faut complaire.

Si Lebrun est premier peintre du roi, tous les artistes copieront Lebrun. Si, contre toute apparence, il se trouvait quelque pauvre homme de génie assez insolent pour ne pas suivre sa manière, le premier peintre se gardera bien de favoriser un talent qui, par sa nouveauté, peut dégoûter du sien le roi son maître. Il sera très-honnête homme, je le veux; mais il ne sentira pas ce talent qui diffère du sien. La peinture sera donc toujours médiocre dans les monarchies absolues. Si le hasard y fait naître un Poussin, il ira mourir à Rome[58].

Histoire de la peinture en Italie

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