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Savoir-Vivre.

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La Parisienne d'esprit et de goût qui a rédigé ce petit code de nos usages et de nos coutumes en cette fin de siècle, n'a ni la prétention de donner des leçons à ses contemporaines, ni celle de leur enseigner les notions du savoir-vivre.

Ces leçons, qu'on apprenait si difficilement aux gentilshommes de la cour de Louis XIV, nos enfants les savent aujourd'hui dès l'école, et l'éducation dans la famille est aussi généralement répandue que le bon sens dont discourut Descartes et que la civilité rêvée par Érasme.

Cependant en maintes circonstances un peu exceptionnelles, on se trouve soudain embarrassé. Au moment de jouer son rôle dans une des scènes tantôt tristes et tantôt gaies de notre vie, on hésite, on se demande si on aura la tenue correcte, l'attitude convenant aux circonstances; si on se conformera aux règles des convenances, si l'on ne froissera pas l'étiquette, si l'on ne commettra point quelque incorrection.

Sans doute lorsqu'on possède (et c'est, pour ainsi dire, le cas de tous les gens bien élevés), lorsqu'on est doué de cette qualité impalpable qui se nomme le tact, on peut affronter les situations les plus délicates.

Il n'en est pas moins vrai que tel ou tel événement fortuit vous transforme soudain en un témoin, en une marraine ou un parrain, en une demoiselle ou un garçon d'honneur et que ce sont là des emplois pour lesquels... on ne naît pas, auxquels rien ne nous a disposé, quelque parfaite qu'ait été notre éducation première.

Et ces usages particuliers changent, se transforment selon l'époque et la mode. Cette façon d'agir en telle circonstance était, il y a trente ans, parfaitement correcte, exquise même; aujourd'hui elle ferait sourire.

Mais toute affirmation a besoin d'une preuve, et de toutes les preuves littéraires, l'anecdote est la meilleure.

On a prétendu, d'une façon assez plaisante, que le prince de Talleyrand avait une échelle de proportion pour offrir aux convives qu'il recevait à sa table, leur part de tel ou tel plat.

C'était une échelle descendant depuis le titre de Duc jusqu'à la simple dénomination de Monsieur.

Il découpait lui-même et s'adressait à ses convives dans l'ordre suivant:

—Monsieur le duc, Votre Grâce me ferait-elle l'honneur d'accepter de ce bœuf?

—Mon prince (titre romain inférieur à celui de duc); aurai-je l'honneur de vous envoyer du bœuf?

—Monsieur le marquis, accordez-moi l'honneur de vous offrir du bœuf!

—Monsieur le comte, aurai-je le plaisir de vous envoyer du bœuf?

—Monsieur le baron, voulez-vous du bœuf?

Lorsqu'il arrivait au simple Monsieur, dit la légende (un peu arrangée sans nul doute), le diplomate frappait son assiette avec la main, fixait ses yeux sur ceux du dernier convive en lui criant:

—Bœuf?

Quoique certains grands personnages, si l'on en croyait les chroniques, aient imité ce singulier cérémonial, nous ne savons dans quelle maison hautaine on pourrait tenter de le ressusciter aujourd'hui.

Non, la politesse française a, Dieu merci, franchi le seuil de toutes les demeures, et de plus en plus rares sont les fonctionnaires ou les employés qui, sur notre douce terre, malmenaient traditionnellement l'infortuné public.

Il arrive même, chez nous, que les ouvreurs de portières sont uniformément gracieux.

En Allemagne, au contraire, les hommes qui, sur les chemins de fer, sont chargés du contrôle des billets, parlent aux voyageurs selon la «classe» occupée:

A ceux de Première, ils disent, en saluant avec beaucoup de déférence: Bitte die Herrschaft gefælligst die Billette vorzuzeigen, c'est-à-dire «que Leurs Seigneuries aient la bonté de montrer leurs billets!»

A ceux de Seconde, ils s'adressent plus sommairement: Billette, gefælligst, «Vos billets, s'il vous plaît»; enfin aux portières des wagons de 3e classe, ils grognent, en forme de commandement militaire: Billet'heraus! «Sortez billets!»

Ces nuances, ou plutôt ces brutalités, n'apparaissent plus en France qu'à de très rares exceptions.

Il est vrai qu'on a multiplié, je le répète, les traités de bonnes manières.

En l'an 1671, le gentilhomme Antoine de Courtin publiait (et ce n'était pas le premier ouvrage de ce genre) un Traité de la civilité qui se pratique en France parmi les honnestes gens, traité réédité, corrigé, augmenté avec approbation et privilège du Roy, et qui en l'année 1712 se vendait à Paris chez Louis Josse, à la Couronne d'épines, et chez Charles Robustel, au Palmier, deux boutiques voisines, dans la même rue Saint-Jacques.

Un peu plus tard, en 1749, parut la fameuse Civilité puérile et honneste, dressée par un missionnaire, avec des «préceptes et instructions pour apprendre à la jeunesse à se bien conduire dans les compagnies».

Que si on se reporte au temps de la parfaite gentilhommerie selon les classiques, c'est-à-dire à l'époque du Roi Soleil lui-même, on peut se convaincre aisément que ces maîtres laissaient encore beaucoup à désirer.

Le sieur de Courtin déclare, en effet, dans sa Préface, qu'il se trouve que son traité «est très utile non seulement aux personnes qui ont des enfants à élever et aux jeunes gens, mais encore à ceux-là même qui, bien qu'avancez en âge, ne sont pourtant pas assez instruits de la politesse et de l'honnêteté que l'on doit observer dans le commerce du monde».

Ce fut, plus tard et jusqu'à nos jours, une suite ininterrompue d'ouvrages du même genre qui se répandirent d'autant plus que chacun a la juste prétention de se conduire comme un gentilhomme.

La place nous manque pour énumérer les titres de tous ces livres, mais à travers la liste des noms de trois cents auteurs ayant colligé les «usages du monde» nous citerons parmi les prédécesseurs de notre Parisienne, Madame Emmeline Raymond, madame Tarbé, la fameuse comtesse de Bassanville, madame de Waddeville, madame d'Alq, mademoiselle de la Jonchère, madame Alice Vernon, madame Ermance Dufau, la baronne Staffe très estimée.

Sous des titres nécessairement enserrés dans le cercle étroit d'un même sujet, ces femmes instruites et distinguées ont consigné, avec les remarques des autres, leurs propres observations.

En ces dernières années, aux Usages du Monde de l'abbé Bourgeau (1864) précédé par Bescherelle aîné qui écrivit l'Usage du Monde, et suivi par l'homme (également du monde) qui produisit les Usages du Monde en 1880, on a vu paraître «Usages du Monde» de la baronne Staffe, à laquelle nous avons rendu justice.

Avouons qu'il était temps de s'occuper des Usages du Siècle. Ils auront peut-être le succès des anciens.

Cette succession, cette multiplication de livres pour ainsi dire semblables, a été en quelque sorte rendue nécessaire par la continuelle métamorphose des mondaines coutumes.

Ce sont ces transformations qui rendent nécessaire ce qu'on pourrait appeler «la tenue à jour» de nos usages modernes.

Si nos grands principes de politesse sont demeurés en quelque sorte immuables, les manières élégantes n'offrent, en revanche, que l'instabilité!

Elles vieillissent si vite que nous avons cru utile de dresser, pour ainsi parler, un catalogue des renseignements mondains.

Des phrases, non; des conseils, pas davantage, mais, selon l'expression depuis peu consacrée, des documents.

Tel est l'esprit de ce petit livre sans prétention où le lecteur est invité à chercher seulement le renseignement utile à tous.

Un Bibliophile.


Les Usages du Siècle

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