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La demande en mariage.

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La demande en mariage est l'événement le plus important de la vie. Point n'est besoin de digresser sur ce chapitre.—Des faits, des faits.

La règle stricte veut que le jeune homme qui a des «vues» sur une jeune fille s'ouvre de ses intentions à une tierce personne qui puisse le mettre en rapport avec la famille de celle qu'il désire pour femme.

Cette personne a un rôle très délicat, très scabreux à remplir; il lui faut pour cela beaucoup de tact.

Elle doit d'abord s'informer discrètement si la jeune fille n'est pas promise, quelle est sa dot, quels sont les désirs et les intentions des parents, si telle situation leur convient, si tel âge leur semble en rapport; en un mot, elle doit préparer les voies au candidat.

Lorsque ces précautions préliminaires sont prises, on doit arranger une entrevue, censément fortuite, entre le jeune homme et la jeune fille. Jadis c'était à l'Opéra-Comique; et la Dame Blanche a été un des premiers témoins de bien des fiançailles décidées en principe.

Mais, quel que soit le lieu choisi pour l'entrevue, la jeune fille ne doit se douter de rien, cela lui enlèverait ses moyens, l'empêcherait d'être naturelle. Cependant son attention sera fort en éveil malgré toutes les précautions et je l'engagerai à être tout bonnement elle-même, à ne pas faire de petites mines enfantines, ou naïves, genre bien usé à présent que les jeunes filles sont un peu élevées à l'américaine.

Est-ce un bien? Est-ce un mal? That is the question. Enfin c'est le siècle qui veut ça, paraît-il!

Une allure trop décidée, des goûts mondains trop montrés, peuvent être des obstacles sérieux pour le jeune homme qui cependant doit se méfier de sa première impression.

Il faut donc être très circonspect en pareille matière, ne pas dire définitivement «oui» ou «non» et demander une nouvelle entrevue; quel homme jeune, fût-il un grand philosophe, peut apprécier en quelques instants le caractère d'une jeune fille?

La meilleure façon d'avoir des renseignements est de s'adresser aux personnes connaissant la famille et la jeune fille depuis l'enfance.

Il est toujours pénible pour la tierce personne d'avoir à notifier un refus; elle doit l'entourer de toutes les délicatesses possibles.

J'engagerai tous les jeunes gens qui désirent se marier et qui ne sont pas poussés par une inclination réelle à bien s'informer de la dot, des «espérances», pour parler le vilain langage de notre siècle, avant de s'avancer. Car reculer sur une question d'argent est humiliant pour la jeune fille et... pas très beau pour le jeune homme.

Même, si la famille de la jeune fille refuse, elle doit offrir des remerciements à la tierce personne et des phrases de regrets polis au prétendant.

Il y a des personnes qui se plaisent à faire des mariages. Elles rendent souvent service aux familles qui n'ont pas beaucoup de relations, et il serait ingrat de leur en vouloir si leurs efforts n'aboutissaient pas.

Si donc vous intervenez, parlez franchement à la famille du jeune homme ou à lui-même s'il est orphelin, à la famille de la jeune fille, ou à son tuteur, jamais à elle-même, cela pourrait la gêner. En réunissant les jeunes gens dans un dîner, dans une soirée où il y a beaucoup d'autres jeunes couples, on peut espérer que la jeune personne ignorera l'intention.

Se trouvant avec des compagnes, elle peut penser que c'est pour l'une d'entre elles que le jeune homme est là et elle se doutera encore moins de quelque chose s'il y a plusieurs jeunes gens.

Après l'entrevue, on doit demander à la jeune fille ce qu'elle pense de «monsieur un tel»; si la réponse est favorable, on la transmettra à la tierce personne qui en fera part au jeune homme; celui-ci, si la jeune fille lui plaît, s'enquiert de suite de la situation, fait connaître la sienne et s'avance un peu plus: il demande à être présenté dans la famille de celle qu'il désire épouser, fait quelques visites pendant lesquelles les jeunes mariés en expectative peuvent s'étudier un peu, trop peu, hélas! car on est sur la défensive, mais cela est inévitable.

Si, après quelques visites, le jeune homme pense qu'il ne pourra pas trouver le bonheur dans cette union, il en fait part à l'intermédiaire, qui, aussi délicatement que possible, avertit la famille de la jeune personne; la même chose a lieu, lorsque c'est du côté de la femme que vient le refus. En tous cas, c'est fort désagréable pour la personne qui s'est entremise, et bien des brouilles mondaines sont venues de là.

Lorsque conformité de goûts, de fortune, de famille, semblent promettre un long avenir de bonheur, le prétendant ne doit pas tarder à faire connaître ses intentions définitives; s'il a son père, celui-ci se charge de la démarche près du père de la jeune fille; sa mère, en cas de mort du père (cette dernière s'adresse: non au père, mais à la mère de la jeune fille); son tuteur, s'il est orphelin et mineur; son oncle; la tierce personne; un ami intime ou lui-même.

La demande peut être faite par lettre ou de vive voix.

Les circonstances dictent les formules de demandes écrites.

Les refus doivent toujours être notifiés poliment; on donne pour prétexte des engagements antérieurs, la trop grande jeunesse de la jeune fille, sa santé délicate; ne jamais invoquer la question de position ou d'argent, si c'est elle qui motive le refus.

C'est le tuteur qui doit recevoir les propositions de mariage relatives à une orpheline.

S'il s'agit d'une veuve ou d'une orpheline majeure, on doit s'adresser franchement et directement à elle-même.

On peut à défaut de parents directs, tels que père, mère, grand-père, grand'mère, s'adresser à un frère, fût-il plus jeune, ou à une sœur aînée, mariée.

Pour faire une demande en mariage, qu'on soit l'intermédiaire ou le prétendant lui-même, une tenue très soignée est de rigueur, mais jamais l'habit et les gants blancs.

Quel que soit le résultat d'une demande, si elle a été faite par les intermédiaires, ceux-ci ont droit à des remerciements très affectueux.

Il est inutile de dire, qu'en cas d'échec, lesdits intermédiaires sont tenus au secret le plus absolu.

Il serait du plus mauvais goût de colporter partout une lettre de demande en mariage, qu'on ait un refus ou une acceptation.

Quelquefois, la jeune fille, bien disposée en faveur du candidat, demande à le connaître un peu plus, avant de donner une réponse définitive; le jeune homme doit se prêter de bonne grâce à cette sorte d'épreuve.

Il n'affectera pas un trop grand empressement et surtout, devant des tiers, rien ne doit faire soupçonner sa recherche.

Les parents de la jeune fille doivent faciliter des entrevues autant que le bon goût et la bienséance le permettent.

Si la demande doit être agréée, on le fait savoir au jeune homme par une tierce personne; celui-ci peut aussitôt formuler sa demande officielle, à laquelle on répond par une lettre d'acceptation qui se peut rédiger de la sorte:

Cher monsieur,

Nous sommes très honorés, ma femme et moi, de votre gracieuse demande.

Nous nous y attendions certes, puisque, avec une délicatesse qui nous a fait plaisir, vous aviez prié le meilleur ami de nos deux familles de pressentir nos intentions.

Votre position, votre situation nous convenant, il ne nous restait plus qu'à consulter la chère fille dont nous rêvons le bonheur et qui si tendrement, toujours, nous a récompensés de nos soins et de notre affection. Sa réponse ne vous est point défavorable.

Présentez-vous donc quand il vous plaira, et croyez, cher monsieur, à nos sentiments déjà très affectueux.

L.

On prend alors jour pour débattre à fond les questions d'intérêts; rien ne doit rester dans l'ombre, car si, pour une question d'argent, un mariage peut manquer, il est inutile de l'engager.

Si l'intermédiaire n'est pas un des amis intimes, il est ennuyeux de dire ce que l'on donne à sa fille, ce qui lui doit revenir, etc., etc.

Il y a là toute une gamme de nuances extrêmement délicates.

On peut faire traiter cette question par les notaires des deux familles.

Que ce soit un refus ou une acceptation qui résultent des démarches matrimoniales, on ne doit pas tarder à faire connaître la décision prise.

Une nouvelle insistance à un refus serait déplacée.

Pendant les pourparlers d'intérêts, la jeune fille et le prétendant doivent s'abstenir de toutes réflexions, ils ont leurs fondés de pouvoir. Une femme seule évite les débats d'argent.

Si, au cours des pourparlers, le prétendant se trouvait déçu dans ses espérances «pratiques» et qu'il voulût se retirer, il écrirait une lettre polie, prétextant un voyage, la maladie d'un parent, etc.; il n'accentuerait pas davantage le refus. Nous avons dit comment peuvent gracieusement se motiver ces refus.

Si, après avoir accepté un jeune homme, une jeune fille refusait, ses parents doivent chercher à la faire revenir sur sa détermination mais non la forcer; de même, lorsqu'elle s'éprend de quelqu'un qui ne convient pas à sa famille doit-on faire le possible pour lui démontrer ce qu'on a à reprocher au prétendant, mais les grands moyens n'ont jamais très bien réussi et le savoir-vivre, le bon sens les interdisent.

Il faut dépayser la jeune fille, la faire voyager, la distraire, et il est rare qu'un sentiment de cœur de vingt ans résiste à ce petit traitement.

Dans les mariages d'inclination, d'amour, je ne trouve nullement déplacé que le jeune homme s'adresse directement à la jeune fille dont il veut faire sa femme ou qu'il charge de ce soin sa mère ou son père, qui demanderont alors: «Mademoiselle ou ma chère enfant, selon le degré d'intimité, vous plairait-il de devenir notre fille?»

Si celle-ci est disposée à accepter, elle peut répondre au jeune homme ou à ses parents que si les siens acceptent elle ne dira pas non, ou même, si les parents du jeune homme lui sont connus depuis longtemps, elle peut simplement les embrasser sans répondre; c'est suffisamment éloquent.

Une grande franchise est, dans tous les cas, indispensable.

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