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AVANT-PROPOS

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Table des matières

Les deux biographies de Mme de Chevreuse et de Mme de Hautefort, font partie d'un ouvrage où nous avons essayé de peindre, dans toute sa vérité et sous toutes ses faces, la lutte mémorable que le cardinal Mazarin eut à soutenir, en 1643, au début de son ministère et de la Régence d'Anne d'Autriche contre les Importants, ces devanciers des Frondeurs [1]. Parmi les nombreux et puissants adversaires que Mazarin rencontra sur sa route, l'histoire nous montre au premier rang deux femmes, qui déjà avaient tenu tête à Richelieu, et qui donnèrent de grands soucis à son successeur. Mme de Chevreuse et Mme de Hautefort. Elles ne nous ont point séduit à leurs opinions et à leur cause; mais en les étudiant avec attention, à l'aide de documents nouveaux et authentiques, nous n'avons pu nous défendre d'une vive admiration pour elles, à des titres bien différents, et nous avons pris plaisir à retracer le génie remuant de l'une et la vertu un peu superbe de l'autre. Il nous semblait que dans le vaste et sérieux tableau que nous avions entrepris, ces deux portraits, d'un coloris moins sévère, pouvaient avoir l'avantage de reposer les yeux sans les distraire, nous souvenant de la méthode de nos maîtres qui n'ont presque jamais manqué d'introduire dans leurs plus didactiques compositions d'apparents épisodes, devenus bientôt la lumière et la gloire de leurs ouvrages [2]. Mais, à la réflexion, nous avons reconnu que de tels exemples n'étaient pas faits pour nous, et nous nous sommes décidé, non sans quelque regret, à publier séparément ces deux morceaux, pour faire suite à nos études sur la société et les femmes illustres du XVIIe siècle. Mme de Chevreuse et Mme de Hautefort prennent bien naturellement leur place à côté de Jacqueline Pascal et de Mme de Longueville, et dans la noble et charmante compagnie que Mme de Sablé rassemblait à Port-Royal.

Seulement, on voudra bien remarquer que ces deux biographies se ressentent de leur destination première. Nos deux héroïnes nous avaient occupé surtout comme adversaires de Richelieu et de Mazarin, et comme les deux actrices les plus intéressantes du grand drame de 1643. Ce drame terminé, nous devions nous borner à une simple et rapide esquisse du reste de la vie encore bien agitée de Mme de Chevreuse; et nous aurions changé de sujet si, après avoir fait connaître Mme de Hautefort, nous nous étions engagé dans l'histoire de la duchesse de Schomberg. Un jour nous retrouverons Mme de Chevreuse dans la Fronde [3], et nous avons déjà vu la duchesse de Schomberg chez la marquise de Sablé [4].

Avertissons encore que, sous une apparence un peu romanesque, c'est toujours ici un livre d'histoire, pour lequel nous osons réclamer le mérite d'une scrupuleuse exactitude, et où même, s'il nous est permis de le dire, on pourra reconnaître le premier essai d'une méthode assez nouvelle qui consisterait, d'une part, à laisser là les récits convenus pour percer, à force de recherches, jusqu'aux faits réels et certains, si difficiles à retrouver après tant d'années; et, de l'autre, à ne se point contenter de la figure extérieure des événements et à tâcher de découvrir leurs causes véritables, non pas des causes générales, éloignées et en quelque sorte étrangères, mais ces causes particulières, directes, vivantes, qui résident dans le cœur des hommes, dans leurs sentiments, leurs idées, leurs vertus et leurs vices; à poursuivre enfin dans l'histoire l'étude de l'humanité, qui est, à nos yeux, la grande et suprême étude, le fond immortel de toute saine philosophie.

Nous exposerons plus tard cette méthode en l'appliquant sur une plus grande échelle. Dans les limites de la biographie, elle était naturellement de mise: on verra donc ici les passions des individus composer leur destinée, et sous les scènes extérieures auxquelles s'arrête ordinairement l'histoire, les scènes secrètes et mystérieuses de l'âme, dont les premières ne sont que la manifestation à la fois brillante et obscure. On entrera dans un commerce plus intime avec les deux grands Cardinaux qui ont continué et fait prévaloir la politique d'Henri IV; on apprendra à mieux connaître leur vrai caractère, les ressorts cachés de leur conduite, leur génie si semblable et si différent. On pourra aussi se faire une idée de ce qu'étaient les femmes en France dans la première moitié du XVIIe siècle par les deux types opposés que nous présentons. Mme de Hautefort, si nous ne l'avons pas trop défigurée, est à peu près assurée de plaire par le pur éclat de sa beauté, la vivacité généreuse de son esprit, la délicatesse et la fierté de son cœur, et son irréprochable vertu. Nous ne donnons pas Mme de Chevreuse comme un modèle à suivre; mais nous espérons que tant d'intrépidité, de constance, d'héroïsme, bien ou mal employé, obtiendront grâce pour des fautes que nous ne pouvions taire. Nous sommes sûr au moins que son exemple ne sera point contagieux. En vérité, il ne semble guère à craindre que, sur les pas de Marie de Rohan, l'ambition ou l'amour égarent les femmes de notre temps jusqu'à leur faire entreprendre la guerre civile, tramer des conspirations formidables, regarder en face deux victorieux tels que Richelieu et Mazarin, jeter au vent la fortune et toutes les douceurs de la vie, préférer trois fois l'exil à la soumission, et combattre sans relâche pendant trente années pour ne se reposer que dans la victoire, la solitude et le repentir. Non: le foyer où s'allumaient de pareilles passions, est éteint; l'aristocratie française, avec son énergie aventureuse, avec ses vertus et ses vices, est depuis longtemps descendue dans la tombe; il n'y aura plus de Mme de Chevreuse ni de Mme de Longueville; le moule en est brisé pour toujours, et les belles dames du faubourg Saint-Germain et de la Chaussée-d'Antin peuvent lire aujourd'hui sans danger le récit des orages de ces vies extraordinaires, comme elles lisent sans en être fort émues les discours de l'Émilie de Corneille, ou les incomparables amours de Chimène et de Pauline, de Mandane et de la princesse de Clèves.

Du moins il reste démontré que désormais il est impossible d'écrire l'histoire de Richelieu et de Mazarin sans y faire à Mme de Chevreuse, comme à son amie la reine Anne, une place éminente, un peu au-dessous des deux grands politiques.

Nous ne craignons pas aussi d'appeler l'attention du lecteur sur les Appendices qui forment une partie considérable de ces deux volumes, et contiennent des pièces entièrement nouvelles, du plus grand intérêt pour l'histoire politique et pour l'histoire des mœurs.

1862. V. C.

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Madame de Chevreuse

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