Читать книгу La foire aux vanités (Texte intégrale, Tome 1 et 2) - William Makepeace Thackeray - Страница 10

CHAPITRE VI.

Le Vauxhall.

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Le ton sur lequel j’ai raconté cette histoire est jusqu’à présent fort paisible (nous arrivons enfin aux chapitres effrayants), et je dois prier l’aimable lecteur de se rappeler que nous ne l’avons encore entretenu que de la famille d’un agent de change à Russell-Square, où chacun se promène, déjeune, dîne, cause et fait l’amour absolument comme dans la vie ordinaire, et sans qu’aucun événement merveilleux ou passionné marque les progrès de cet amour. Notre sujet peut se résumer de la sorte : Osborne aime Amélia et a invité un de ses vieux amis pour le dîner et le Vauxhall. Joe Sedley aime Rebecca. L’épousera-t-il ? Voilà précisément ce qui reste à apprendre.

Nous aurions pu traiter ce sujet dans le genre aristocratique, romantique ou facétieux. Supposez que nous eussions placé la scène à Grosvenor-Square, aurions-nous eu moins d’auditeurs ? Supposez que nous eussions montré comment Joseph Sedley se sentit pris d’amour ; comment le marquis d’Osborne fit la cour à lady Amélia avec le plein consentement du duc son noble père. Ou bien, laissant là la fine aristocratie, supposez que nous fussions descendus aux plus bas étages et entrés dans le détail de ce qui se passe à la cuisine : comment le noir Sambo était amoureux de la cuisinière, et il l’était en effet, et comme il se battit avec le cocher pour ses beaux yeux ; comment le marmiton fut surpris volant une épaule de mouton froid et comment la nouvelle femme de chambre de miss Sedley refusa d’aller se coucher si on ne lui donnait pas de la bougie de cire. De tels incidents peuvent avoir de quoi provoquer la gaieté la plus vive et passer pour des scènes de la vie réelle. Ou encore, si nous nous étions senti en verve pour des peintures terribles, nous aurions donné pour amant à la femme de chambre un brigand qui, à la tête de sa bande, aurait brûlé la maison et, après avoir égorgé le père, aurait emporté Amélia en camisole de nuit ; il nous eût été facile de fabriquer une histoire d’un intérêt palpitant, dont le lecteur aurait traversé les chapitres fantastiques dans une course furieuse et haletante. Figurez-vous en tête de ce chapitre le titre suivant :

LA NUIT D’ATTAQUE.

La nuit était sombre et lugubre ; les nuages étaient noirs, noirs, plus noirs que la suie ; sur le haut des vieilles masures, les cheminées se tordaient sous l’effort d’un vent déchaîné, et les tuiles tourbillonnaient avec grand fracas dans les rues désertes. Pas une âme ne bravait la tempête. Les gardiens de nuit restaient blottis dans leurs guérites, où des torrents de pluie les inondaient de leurs flots grossis, et le feu retentissant de la foudre les frappait de mort ; c’est ainsi que l’un d’eux avait péri en face des Enfants-Trouvés. Un manteau roussi, une lanterne brisée, un bâton rompu en deux par le feu du ciel était tout ce qu’on avait retrouvé du gros Will Steadfast, dans Southampton-Row. Un cocher de fiacre avait disparu de son siége… Vers quelle heure ? L’ouragan ne donne d’autres nouvelles de ses victimes que les derniers cris de l’agonie, alors qu’il les emporte avec lui. Nuit horrible ! Il faisait noir, aussi noir que dans le tuyau de la cheminée. Pas de lune, non ! pas la moindre lune, pas une étoile. Pas une petite, faible, vacillante, solitaire étoile ; une seule s’était montrée dans la soirée, mais elle avait caché sa face, toute tremblante au milieu du ciel assombri, et s’était bien vite retirée.

« Un, deux, trois ; c’est le signal convenu avec la Visière-Noire.

« Par la taule du raboin, est-ce vous, mes fanandels ? cria une voix sortie de dessous terre ; avec le vingt-deux faites leur affaire en un tour de main.

– Assez de boniments, dépêchez-vous de leur engourdir la falourde pour affurer le négriot ; il faut goupiner avec prudence ; nous pourrons jaspiner quand nous aurons versé le raisiné. Toi, le Rouge, regarde dans la taule du dabe, et mettez la main sur le mauricaud. »

Et d’une voix plus basse et plus caverneuse on ajouta :

« Je vais faire l’affaire d’Amélia. »

Puis ce fut un silence de mort !

« Allongez le crucifix à ressort, » dit la Visière-Noire…

Ou supposez que j’ai adopté le style aristocratique à l’eau de rose.

Le marquis d’Osborne avait envoyé son petit tigre, porteur d’un billet doux pour lady Amélia.

La charmante créature l’avait reçu des mains de sa femme de chambre, Mlle Anastasie.

Ce cher marquis ! quelle aimable prévoyance ! Le billet de sa seigneurie contient l’invitation tant désirée pour Devonshire-House !

« Quelle est cette adorable jeune fille ? dit le sémillant prince G–rge de C–mbr–dge dans un hôtel de Piccadilly, au moment où il arrivait de l’Opéra ; mon cher Sedley, au nom du dieu de l’amour, je vous prie, mon cher Sedley, présentez-moi à elle.

– Son nom, monseigneur, dit lord Joseph, en s’inclinant gravement, est Sedley.

– Vous avez alors un bien beau nom, dit le jeune prince tournant les talons avec un air désappointé, et écrasant le pied d’un vieux monsieur qui, derrière lui, était plongé dans la plus profonde admiration pour la beauté d’Amélia.

– Trente mille tonnerres ! hurla la victime se tordant dans l’agonie du moment.

– Je demande mille pardons à Votre Grâce, » dit le jeune étourdi rougissant et inclinant ses belles boucles dans un humble salut.

Il venait de marcher sur l’orteil du plus grand capitaine de l’époque.

« Hé ! Devonshire, cria le jeune prince à un grand et aimable seigneur dont les traits indiquaient assez qu’il était du sang des Cavendish, un mot s’il vous plaît : avez-vous toujours le projet de vous défaire de votre collier de diamants ?

– Je l’ai vendu deux cent cinquante mille livres au prince Estherhazy.

Und das war gar nicht theuor, postztausend ! » s’écria le prince hongrois, etc., etc.

Ainsi, vous voyez, mesdames, comment cette histoire aurait pu être écrite, si l’auteur avait voulu s’en passer la fantaisie. Car, pour dire la vérité, il connaît aussi bien Newgate que les palais de notre auguste aristocratie ; il a vu l’un et l’autre de ses propres yeux. Mais il ne comprend pas plus les usages et l’argot des filous que ce langage polyglotte1 qui, d’après les écrivains à la mode, se parle dans les salons du grand ton. Nous suivrons notre route, si vous voulez bien le permettre, au milieu de ces scènes et de ces personnages avec lesquels nous sommes en rapport plus familier. En un mot, ce chapitre sur le Vauxhall eût été tellement court sans cette petite digression, qu’il eût à peine mérité le nom de chapitre ; et cependant il ne manque pas d’importance. N’y a-t-il pas dans la vie de chacun de nous de petits chapitres qui semblent n’être rien en eux-mêmes, mais qui étendent cependant leur influence sur tout le reste de l’histoire ?

Retournons maintenant à la voiture qui emmène toute la société de Russell-Square et la conduit aux jardins du Vauxhall. Joe se trouve serré contre miss Sharp sur la banquette de devant, et Osborne est assis sur la banquette de derrière entre le capitaine Dobbin et Amélia.

Chacun dans la voiture était persuadé que cette nuit même Joe proposerait à Rebecca de devenir mistress Sedley. Les parents ne s’opposaient pas à cet arrangement ; mais, pour le dire entre nous, le vieux M. Sedley ressentait pour son fils quelque chose qui était fort voisin du mépris. Il le disait vain, égoïste, engourdi et efféminé ; il ne pouvait endurer ses airs d’homme à la mode, et riait de bon cœur à ses pompeuses histoires de pourfendeur de géants.

« Je laisserai à ce garçon la moitié de mon bien, disait-il à sa femme, et il aura en outre la jouissance du sien, mais je suis convaincu que si vous, sa sœur et moi, venions à mourir demain, il dirait : « le ciel en soit béni ! » et ne mangerait pas un morceau de moins qu’à son ordinaire. Je ne veux donc pas me faire de bile à cause de lui. Laissons-le épouser la femme qu’il voudra, nous n’avons rien à y voir. »

Amélia, d’un autre coté, comme il convenait à une jeune personne de son inexpérience et de son tempérament, était fort enthousiaste pour ce mariage. Une ou deux fois Joe avait été sur le point d’épancher dans son sein des secrets très-importants, et elle était toute disposée à prêter l’oreille à ses confidences ; mais le cœur manquait à ce gros garçon pour se soulager auprès de sa sœur, au grand désappointement de laquelle il se contentait de pousser un grand soupir et de se tourner d’un autre côté.

Ce mystère ne servait qu’à entretenir le trouble et l’incertitude dans le pauvre petit cœur d’Amélia. Si elle ne parlait pas avec Rebecca d’un sujet si délicat, elle prenait sa revanche dans de longues et intimes conversations avec mistress Blenkinsop, la gouvernante, qui en avait laissé transpirer quelque chose auprès de la femme de chambre, qui en passant en avait touché quelques mots à la cuisinière, laquelle, je n’en fais aucun doute, en avait porté la nouvelle à tous les fournisseurs ; en telle sorte que le mariage de Joe était le sujet de toutes les causeries à la ronde dans le monde de Russell-Square.

C’était l’opinion, bien naturelle d’ailleurs, de mistress Sedley que son fils manquerait à son rang en épousant la fille d’un artiste.

« Mais mon Dieu, madame, disait respectueusement mistress Blenkinsop, nous n’étions que des épiciers quand nous nous sommes mariée avec M. Sedley, alors clerc d’agent de change, et nous n’avions que cinq cents livres à deux, et nous sommes assez riches maintenant. »

Amélia était entièrement de cette opinion, à laquelle on finit peu à peu par gagner la bonne mistress Sedley.

M. Sedley restait neutre.

« Laissons Joe épouser celle qu’il voudra, disait-il, ce n’est pas notre affaire. Cette fille n’a pas de fortune, mistress Sedley n’en avait pas davantage. Elle paraît réjouie et adroite, elle le mettra peut-être au pas. Mieux vaut encore celle-là qu’une mistress Sedley toute noire et une douzaine de petits enfants couleur acajou. »

Tout semblait sourire à la fortune de Rebecca ; elle avait pris le bras de Joseph, comme cela était tout simple, pour aller dîner. Elle s’était assise à côté de lui sur le siége de la voiture découverte. C’était un fier gaillard lorsqu’il se trouvait à cette place, plein d’une dignité majestueuse et conduisant son attelage pommelé. Personne ne disait mot au sujet du mariage, et cependant la pensée en était dans toutes les têtes. Il ne manquait plus maintenant que la demande, et c’est alors que Rebecca sentait bien vivement la privation d’une mère ; une tendre mère qui en dix minutes aurait conduit l’affaire à bonne fin, et, dans le cours d’une conversation délicate et confidentielle, aurait amené sur les lèvres timides du jeune homme le précieux aveu !

Voilà où en étaient les affaires lorsque la voiture traversa le pont de Westminster. La compagnie arriva sans autre encombre aux jardins royaux du Vauxhall. Lorsque le majestueux Joseph descendit du fringant équipage, la foule accueillit sa grosse personne avec un frémissement de gaieté. Il rougit et porta sur elle un regard fier et hautain en s’avançant avec Rebecca à son bras. George se chargea d’Amélia, qui était épanouie comme une rose aux rayons du soleil.

« Tiens, Dobbin, dit George, si tu veux prendre soin des châles et de toutes les affaires, tu seras un bon garçon. »

Et, pendant qu’il prenait pour lui miss Sedley, et que Joseph se dirigeait vers les jardins avec Rebecca, l’honnête Dobbin se résignait à prendre les châles sous son bras et à payer à la porte pour tout le monde.

Il marchait modestement à leur suite, sans songer à faire à ses amis la moindre concurrence. Pour ce qui regardait Rebecca et Joseph, il ne s’en souciait guère. Quant à Amélia, il trouvait en somme qu’elle était bien ce qu’il fallait pour le brillant George Osborne, et en voyant cet aimable couple parcourir ces belles promenades, au grand étonnement et au grand plaisir de la jeune fille, il considérait cette joie naïve avec une sorte de plaisir paternel. Peut-être aurait-il désiré avoir quelque chose de plus que le châle à son bras. La foule souriait en voyant ce jeune officier, un peu gauche à porter tout cet attirail féminin ; mais aucun calcul d’égoïsme ne pouvait venir à l’esprit de Dobbin. Aurait-il songé à se plaindre tant que son ami paraissait satisfait ? Ce qui est certain, c’est que toutes les séductions de ce lieu de délices, ces milliers de lampes qui jetaient le plus vif éclat, ces joueurs de violon en chapeau à cornes, qui faisaient retentir les plus ravissantes mélodies sous la conque dorée qui s’élevait au milieu des jardins ; ces chanteurs de romances sentimentales ou comiques, qui charmaient les oreilles ; ces contredanses composées de cokneys et coknesses et exécutées au milieu du bruit, des cabrioles, des bousculades et des rires ; le signal qui annonçait que Mme Saqui allait faire son ascension dans le ciel sur une corde roide montant jusqu’aux étoiles ; l’ermite que l’on trouve toujours assis dans son ermitage si bien éclairé ; ces sombres allées si favorables à l’entrevue des jeunes amants ; les pots de porter présentés par des hommes en livrée vieille et râpée, et ces cabinets tout resplendissants où l’on sert aux joyeux convives des tranches de jambon presque invisibles : rien de tout cela ne provoquait la moindre curiosité de la part du capitaine William Dobbin.

Il promenait de tous côtés le châle de cachemire blanc d’Amélia, et s’était arrêté devant l’estrade des musiciens pendant que mistress Salmon exécutait la bataille de Borodine, cantate guerrière, composée contre l’aventurier corse, qui venait d’éprouver dernièrement des revers contre les Russes. M. Dobbin essaya de fredonner, en s’éloignant, l’air qu’Amélia Sedley avait chanté dans l’escalier en venant se mettre à table. Il se mit à rire de lui-même, car, en vérité, il chantait bien comme un hibou.

Il est bien entendu que nos jeunes gens, ainsi divisés deux par deux, se firent les plus solennelles promesses de rester ensemble toute la soirée ; mais, au bout de dix minutes, ils se trouvaient déjà séparés. Les sociétés se perdent au Vauxhall, mais c’est pour se retrouver au souper, pour se raconter leurs aventures depuis le moment où elles se sont quittées.

Quelles furent les aventures de M. Osborne et de miss Amélia ? Cela est un secret. Mais soyez assurés qu’ils furent parfaitement heureux et irréprochables dans leur conduite, et, comme ils avaient eu de nombreuses occasions de se voir depuis quinze ans, leur tête-à-tête n’offrait rien de bien particulier ni de bien nouveau.

Mais quand Rebecca et son vaillant cavalier se furent perdus dans une promenade solitaire où ils ne rencontrèrent guère plus d’une soixantaine de couples errant de la même façon, ils sentirent tous deux combien leur position devenait délicate et critique, et miss Sharp pensa que c’était maintenant ou jamais le moment de provoquer cette déclaration qui venait expirer sur les lèvres timides de M. Sedley.

Ils avaient d’abord été au panorama de Moscou, où un gros lourdaud avait écrasé le pied de miss Sharp ; elle en était presque tombée à la renverse, en poussant un cri de douleur, dans les bras de M. Sedley. Ce petit accident avait accru la tendresse et la confiance de notre héros à un tel point qu’il lui avait raconté plusieurs de ses histoires indiennes redites pour la sixième fois.

« J’aimerais à voir l’Inde, dit Rebecca.

– Vraiment ? » dit Joseph de l’accent le plus tendre.

Et on peut affirmer que cette adroite question en préparait une autre plus tendre encore ; sa respiration était toute entrecoupée, toute haletante, et la main de Rebecca, placée sur son cœur, pouvait en compter les pulsations fébriles. Mais… ô contre-temps ! la cloche sonna pour le feu d’artifice, et, emportés par le flot impétueux et irrésistible, nos deux amants furent obligés de suivre le courant de la foule.

Le capitaine Dobbin avait eu quelque idée de rejoindre la société pour le souper ; car, en réalité, il ne prenait pas une part bien active aux divertissements du Vauxhall. Il passa à deux reprises devant le cabinet où se trouvaient maintenant réunis nos deux couples, et personne ne fit attention à lui. Les couverts étaient mis seulement pour quatre. Nos amoureux causaient entre eux avec un abandon où respirait le bonheur, et quant à Dobbin, on paraissait s’en souvenir aussi peu que s’il n’eût jamais existé.

« Je serais de trop, dit le capitaine en les regardant avec attention ; je ferai mieux d’aller causer avec l’ermite. »

Il s’éloigna de ce tumulte des cris de la foule, du bruit des plats, pour se rendre à la sombre allée qui conduisait à l’habitation de carton du fameux ermite. Tout cela n’était pas fort gai pour Dobbin, et se trouver seul au Vauxhall, j’en ai jugé à mes dépens, est peut-être le plus désagréable des plaisirs que puisse se donner un célibataire.

Les deux couples se trouvaient fort bien dans leurs cabinets, où régnait la plus aimable et la plus libre conversation. Joe était à l’apogée de sa gloire, donnant ses ordres au garçon avec la plus grande majesté. Il faisait la salade, débouchait le champagne, découpait les poulets, mangeait et buvait la plus grande partie de ce qu’on mettait sur la table. Enfin il insista pour avoir un bol de rak-punch ; on ne va pas au Vauxhall sans prendre un bol de rak-punch.

« Garçon, un rak-punch. »

Ce bol de rak-punch est la cause de toute cette histoire ; pourquoi pas un bol de rak-punch aussi bien que toute autre chose ? N’est-ce pas un bol d’acide prussique qui fut cause que la belle Rosemonde se retira du monde ? N’est-ce pas un bol de vin qui fut cause de la mort d’Alexandre le Grand ? Ainsi le dit le docteur Lemprière2. De même ce bol de punch eut une grande influence sur les destinées de tous les principaux personnages de notre roman. Cette influence s’étendit sur toute leur vie, bien que le plus grand nombre d’entre eux n’y ait même pas goûté.

Les jeunes dames n’en buvaient point, Osborne ne l’aimait pas. La première conséquence fut que Joe, ce gros gourmand, avala tout le contenu du bol ; la seconde conséquence fut qu’après avoir avalé tout le contenu du bol, il éprouva une exaltation qui étonna d’abord, et de plus faillit avoir des suites désagréables. Il parlait et riait si fort, qu’il amassa une haie de curieux autour du cabinet, à la grande confusion de ses innocentes compagnes ; puis il se mit à entonner une chanson, et le fit sur ce ton aigre et insipide particulier aux ivrognes de bonne compagnie. Sa voix attira tout l’auditoire qui se pressait naguère autour des musiciens ; on le couvrit d’applaudissements.

« Bravo, mon gros garçon, dit l’un ; encccôre, Daniel Lambert ! et servez chaud !

– Voilà un gaillard qui ferait bien sur la corde roide, s’écria un autre farceur, dont la plaisanterie excita chez les dames la plus vive terreur, et chez M. Osborne la plus grande colère.

– Pour l’amour du ciel, Joe, lui dit-il, levons-nous et partons ; et les deux jeunes femmes se levèrent.

– Arrêtez, ma petite louloute, » hurla Joseph, aussi hardi qu’un lion ; et il jeta sa main autour de la taille de Rebecca.

Rebecca se détourna, mais ne put l’éviter. Les éclats de rire redoublèrent au dehors. Joe continua à boire, à faire l’amour et à chanter, en clignant de l’œil et en saluant avec grâce l’auditoire de son verre : et il engageait tous ceux qui voudraient à venir boire du punch avec lui.

Osborne se disposait à repousser un monsieur en bottes à revers qui voulait profiter de l’invitation, et une lutte semblait inévitable, quand, par le plus grand des bonheurs, un individu du nom de Dobbin, qui s’était jusque-là promené dans les jardins, s’arrêta devant le cabinet.

« Place ! badauds que vous êtes, » dit le nouvel arrivant.

Il se fraya un passage à travers ces rangs serrés, qui se dissipèrent devant son chapeau à cornes et sa belliqueuse tournure, et il pénétra dans le cabinet, en proie à la plus vive agitation.

« Au nom du ciel, Dobbin, où étiez-vous passé ? » dit Osborne en saisissant le châle de cachemire blanc que son ami portait à son bras, et le roulant autour d’Amélia. Soyez bon à quelque chose : veillez sur Joe pendant que je conduirai ces dames à la voiture. »

Joe se levait déjà pour s’interposer, mais d’un seul coup de main Osborne le renvoya tomber sur son siége, et le lieutenant put emmener les dames en toute sûreté. Joe leur envoya des baisers pendant qu’elles s’éloignaient, et au milieu de ses hoquets leur cria un dernier : « Dieu vous bénisse ! vous bénisse ! » Puis, saisissant la main du capitaine Dobbin et pleurant à faire pitié, il lui confia le secret de ses amours.

Il adorait cette jeune personne qui venait de partir ; il lui avait brisé le cœur, oui, par sa conduite, il lui avait brisé le cœur ; il voulait l’épouser le lendemain matin à Saint-Georges, Hanover-Square ; il voulait aller réveiller l’archevêque de Cantorbéry à Lambeth, il le voulait, et sans retard. Le capitaine Dobbin, profitant de cette pensée, lui persuada adroitement de sortir des jardins pour se rendre à Lambeth-Palace, et, quand une fois il l’eut conduit hors des portes, il fit sans peine monter le tapageur dans un fiacre qui le déposa sain et sauf à son domicile. George Osborne, sans autre accident, reconduisit les jeunes filles chez elles ; puis, quand la porte se fut refermée sur elles, en revenant par Russell-Square, il fut pris d’un fou rire qui laissa tout étonnés les gardiens de nuit.

Amélia regarda son amie avec tristesse, monta avec elle les escaliers, l’embrassa, puis elles allèrent se coucher sans ajouter une parole.

« C’est demain qu’il viendra faire sa demande, pensa Rebecca : il m’a appelée la bien-aimée de son cœur ; il m’a serré la main en présence d’Amélia. Bien sûr la demande sera pour demain. »

Amélia le croyait aussi : et j’ose avouer qu’elle pensait également à la robe qu’elle porterait comme demoiselle d’honneur, aux présents qu’elle ferait à sa bonne petite belle-sœur, à la cérémonie prochaine où elle jouerait un des principaux rôles, etc., etc.

Pauvres créatures ignorantes et crédules ! que vous connaissez peu l’effet d’un rak-punch ! Quel rapport y a-t-il entre le rack qui se trouve dans le punch de la nuit, et le rack qui se trouve dans la tête le lendemain matin ? À cette vérité, ajoutez, s’il vous plaît, qu’il n’y a pas au monde de mal de tête comparable à celui que vous donne un punch du Vauxhall. Dans l’espace de vingt années, je ne puis me souvenir que de l’effet de deux verres ! deux seulement, sur l’honneur d’un gentilhomme ! Et Joseph Sedley, atteint d’une maladie de foie, avait englouti au moins un litre de cette abominable liqueur.

Le jour suivant, que Rebecca espérait voir se lever sur sa fortune, trouva Sedley poussant les lamentations d’un homme à l’agonie, telles que la plume se refuse à les retracer. L’eau de Seltz n’étant pas encore inventée, la bière blanche, le croirait-on ? était la seule boisson qui pût apaiser la fièvre que lui avait donnée l’orgie de la nuit précédente. George Osborne trouva l’ex-receveur de Boggley-Wollah ayant auprès de lui ce breuvage adoucissant, et occupé à geindre sur un sofa. Dobbin était déjà dans la chambre, donnant des soins empressés à cette victime de la nuit dernière. Les deux officiers, après avoir jeté un regard sur le buveur de punch maintenant hors de combat, échangèrent du coin de l’œil un signe d’intelligence qui n’avait rien de très-compatissant. Le valet même de Sedley, homme de l’étiquette la plus irréprochable, aussi grave et silencieux qu’un entrepreneur de pompes funèbres, eut de la peine à faire bonne contenance en regardant son maître infortuné.

« Je n’ai jamais vu M. Sedley en fureur comme cette nuit, dit-il tout bas à Osborne, pendant que ce dernier montait l’escalier. Il voulait battre son cocher, monsieur. Le capitaine a été obligé de le monter dans ses bras, comme un enfant. »

Un sourire passager effleura les traits de maître Brush pendant qu’il parlait, mais ils retombèrent bientôt dans leur impassibilité ordinaire ; en même temps, il ouvrait la porte et annonçait :

« M. Hosbin !

– Comment vous trouvez-vous, Sedley ? dit le jeune visiteur, n’avez-vous point d’os rompus ? il y a en bas un cocher qui a l’œil tout noir et la tête tout enveloppée. Il parle de vous citer en justice.

– Que voulez-vous dire avec la justice ? demanda Sedley d’une voix mourante.

– Oui, pour l’avoir battu cette nuit, n’est-ce pas, Dobbin ? Vous l’avez poussé, mon cher, aussi rudement qu’aurait pu faire Molyneux. Le gardien de nuit dit qu’il n’a jamais vu un pauvre diable renversé aussi rudement. Demandez à Dobbin.

– Oui, vous avez eu une bourrade avec le cocher, dit le capitaine Dobbin, et vous l’avez assommé de coups.

– Et l’homme du Vauxhall à l’habit blanc ! Ah ! Joe, comme vous l’avez bousculé ; et ces pauvres femmes, comme elles criaient : c’était plaisir que de vous voir. J’ai cru que vous autres gens du civil n’aviez pas de courage ; mais je ne me mettrai jamais sur votre route quand vous serez dans les vignes du Seigneur, mon gaillard.

– Oui, je crois que je suis bien terrible lorsqu’on m’excite, » dit Joseph dans son sofa avec une grimace d’une tristesse si burlesque, que la politesse du capitaine ne put y résister plus longtemps, et que lui et Osborne partirent d’un éclat de rire.

Osborne, qui n’était pas fort aise qu’un membre de la famille dans laquelle il allait entrer, lui, George Osborne du ***e régiment, consentit à une mésalliance avec une petite fille de rien, une aventurière de gouvernante, profita de l’état de faiblesse où il voyait réduit le héros du Vauxhall et commença ainsi l’attaque :

« Vous souvient-il de votre chanson d’hier ?

– Laquelle ? demanda Joe.

– Une chanson sentimentale, après laquelle vous avez appelé Rosa… Rebecca, je ne me rappelle déjà plus son nom, vous savez bien cette petite amie d’Amélia, votre petite louloute. »

Et, saisissant la main de Dobbin, il répéta la scène de la veille, pour le plus grand supplice de celui qui y avait joué le principal rôle, et en dépit de tous les efforts du bon Dobbin pour éveiller en lui un peu de pitié.

« Pourquoi l’aurais-je épargné, répondit Osborne aux remontrances de son ami, quand il quitta l’invalide, le laissant entre les mains du docteur Glober. De quel droit se donne-t-il ces airs protecteurs et nous fait-il montrer au doigt au Vauxhall ? Quelle est cette petite institutrice qui le provoque de l’œil pour se faire aimer de lui ? Ma foi ! la famille n’est pas déjà si noble, sans la compter ! Une gouvernante, c’est fort bien, mais j’aime mieux autre chose pour belle-sœur. J’ai des idées libérales mais j’ai aussi une juste mesure d’amour-propre, et je sais ce que je dois à mon rang ; quant à elle, qu’elle ne sorte pas du sien. Je veillerai de près sur ce grand fanfaron de nabab, et je l’empêcherai de se faire encore plus fou qu’il n’est. Aussi lui ai-je dit de se tenir en garde contre toutes les manœuvres de la petite.

– Sans doute, dit Dobbin avec un air qui démentait ses paroles, personne ne peut savoir mieux que vous que vous avez toujours été parmi les tories, et que votre famille est l’une des plus vieilles de l’Angleterre ; mais…

– Venez avec moi voir ces demoiselles, et faites l’amour pour votre compte à miss Sharp, » dit le lieutenant en interrompant son ami ; mais le capitaine Dobbin refusa d’accompagner Osborne dans sa visite aux dames de Russell-Square.

En apercevant dans la maison des Sedley deux têtes qui faisaient le guet à deux étages différents, Osborne ne put s’empêcher de rire.

Le fait est que miss Amélia était à sa fenêtre, interrogeant de l’œil avec la plus grande anxiété le côté du square qui lui faisait face, et où habitait M. Osborne, dans l’espérance de découvrir le lieutenant ; et miss Sharp, de la chambre à coucher située au second étage, s’était mise en observation, comptant bien voir apparaître la masse respectable qui avait nom Joseph.

« Ma sœur Anne est à sa tour, dit Osborne à Amélia, mais elle ne voit rien venir. »

Et, tout joyeux de sa plaisanterie, il prit un malin plaisir à dépeindre en termes grotesques à miss Sedley le fâcheux état de son frère.

« George, c’est très-mal à vous de rire, » lui dit-elle avec un air de reproche.

Mais George n’en continua que de plus belle en présence de sa mine contrite et désappointée, et persista à croire que sa plaisanterie était des plus divertissantes. Lorsque miss Sharp descendit, il la railla beaucoup au sujet de l’effet que ses charmes avaient produit sur le gros employé de la compagnie des Indes.

« Ah ! miss Sharp, si vous aviez pu le voir ce matin, dit-il, vagissant dans sa robe de chambre à ramages et se tordant sur son sofa, si vous l’aviez vu tirant la langue à son apothicaire Glauber…

– Voir qui ? dit miss Sharp.

– Qui ? comment ! qui ! mais ce ne peut être que le bon capitaine Dobbin, dont nous nous sommes si vivement préoccupés la nuit dernière.

– Ah ! nous nous sommes bien mal conduits avec lui ; dit Emmy toute rougissante ; en effet, je l’avais… complétement oublié.

– Oh ! pour cela, c’est vrai, s’écria Osborne redoublant ses éclats de rire ; et puis on ne peut pas toujours penser à Dobbin, n’est-ce pas, Amélia ? n’est-ce pas, miss Sharp ?

– Si ce n’est quand il a renversé son verre sur la table, répliqua miss Sharp d’un air sec et avec un mouvement d’impatience ; je n’ai pas pris garde un seul moment à l’existence du capitaine Dobbin.

– C’est bon, miss Sharp, je le lui dirai, » répondit Osborne.

Comme il parlait, miss Sharp sentit naître en elle un sentiment de défiance et de haine pour ce jeune officier, sans qu’il pût s’en douter le moins du monde. « Peut-être veut-il s’amuser à mes dépens, pensa Rebecca ; peut-être m’a-t-il tournée en ridicule auprès de Joseph ; peut-être a-t-il renouvelé ses terreurs. Et l’autre ne viendra pas. »

Un nuage passa sur ses yeux et son cœur battit plus vite.

« Vous plaisantez toujours, dit-elle avec un sourire aussi ingénu qu’elle put le prendre ; vous avez beau jeu, monsieur George, je n’ai personne ici pour me défendre. »

George Osborne, pendant qu’elle s’éloignait et qu’Amélia le grondait du regard, éprouva un léger regret d’avoir mal à propos chagriné cette pauvre créature, d’ailleurs si à plaindre ; mais bientôt il reprit :

« Ma chère Amélia, vous êtes trop bonne, trop indulgente ; vous n’avez pas encore comme moi l’expérience du monde. Il faut que votre petite amie miss Sharp apprenne à rester à sa place.

– Pensez-vous que Joseph…

– Sur ma parole, ma chère ; je n’en sais rien ; il peut le faire comme ne pas le faire, je ne suis pas son maître. Mais je sais seulement que c’est un garçon très-léger, très-vain, et qu’il a mis dans une très-désagréable et très-fausse position ma chère petite louloute. »

Il se remit à rire d’une façon si drôle qu’Emmy ne put s’empêcher de rire avec lui.

Joe ne vint pas de toute la journée. Mais cela inquiétait peu Amélia, car la petite diplomate avait envoyé le groom aide de camp de maître Sambo, à la maison de son frère, pour lui demander un livre qu’il lui avait promis et s’informer de ses nouvelles. Il fut répondu par le valet de Joe, M. Brush, que l’indisposition de son maître le retenait au lit, et que le docteur était en ce moment auprès de lui. « Il viendra demain, » pensa-t-elle. Mais elle ne se sentait point le courage de rien dire à ce sujet à Rebecca, et cette jeune personne elle-même ne fit aucune allusion à cette affaire dans toute la soirée qui suivit la nuit passée au Vauxhall.

Le lendemain cependant, comme les jeunes dames assises sur le sofa s’occupaient à travailler, à écrire des lettres ou à lire des romans, Sambo entra dans la pièce avec son air d’empressement habituel ; il portait un paquet sous le bras et une lettre sur un plateau.

« Une lettre de M. Joseph pour mademoiselle, » dit Sambo.

Amélia l’ouvrit tout en tremblant.

Voici ce qu’elle disait :

« Ma chère Amélia,

« Je vous envoie l’Orphelin de la Forêt. Je me sentais trop mal pour aller vous voir hier et aujourd’hui. Je quitte la ville pour Cheltenham. Excusez-moi, si c’est possible, auprès de l’aimable miss Sharp de ma conduite au Vauxhall. Priez-la de me pardonner et d’oublier tout ce que je lui ai dit dans l’excitation de ce fatal souper. Dès que je me sentirai mieux, car ma santé est fort ébranlée, j’irai passer quelques mois en Écosse.

« Votre bien affectionné,

« JOE SEDLEY. »

C’était l’arrêt de mort, tout était perdu. Amélia n’osait regarder la pâle figure et les yeux enflammés de Rebecca. Elle laissa tomber la lettre sur les genoux de son amie ; puis, sortant de la pièce, elle alla se réfugier dans sa chambre, où son petit cœur éclata en sanglots.

Blenkinsop l’intendante l’y suivit pour lui prodiguer ses consolations ; Amélia, en épanchant ses larmes dans son sein, reprit un peu de courage.

« Ne vous laissez pas abattre, mademoiselle ; je n’aurais pas voulu vous le dire, mais personne de la maison ne l’a aimée, excepté au commencement. Je l’ai vue, de mes propres yeux vue, lisant les lettres de votre maman. Pinner dit qu’elle est toujours à fouiller dans votre boîte à bijoux et dans vos tiroirs, et dans les tiroirs de tout le monde. Elle est sûre qu’elle a mis votre ruban blanc dans sa malle.

– Je le lui ai donné, je le lui ai donné, » répondit Amélia.

Mais cela ne modifia en rien l’opinion de mistress Blenkinsop sur miss Sharp.

« Voyez-vous, Pinner, je ne me fie pas à toutes ces gouvernantes qui ne sont ni chien ni loup. Elles se donnent les airs et les allures de nos grandes dames, et souvent elles ne sont pas mieux payées que vous et moi. »

Il était désormais évident pour tous les habitants de la maison, excepté pour la pauvre Amélia, que Rebecca devait partir ; et grands et petits, toujours à l’exception d’une seule personne, pensaient que ce départ devait avoir lieu dans le plus bref délai. Cette bonne jeune fille bouleversa tous les tiroirs, toutes les armoires, tous les sacs, passa en revue ses robes, fichus, colifichets, chiffons, dentelles, soieries et falbalas, choisissant une chose, puis l’autre, puis encore une autre, pour en faire un petit paquet pour Rebecca. Puis, allant trouver son père, ce généreux commerçant de la Cité, qui lui avait promis autant de guinées qu’elle avait d’années, elle pria de donner cet argent à sa chère Rebecca, qui en avait besoin, tandis qu’elle ne manquait de rien.

George Osborne lui-même fut mis à contribution, et il ne se fit pas prier. Il alla à Bond-Street acheter le plus joli chapeau, le plus élégant spencer.

« Voilà le présent que George vous fait, ma chère Rebecca, dit Amélia toute fière. Qu’il a bon goût ! il n’y en a pas un comme lui.

– Il n’y en a pas un, répondit Rebecca. Je lui suis bien reconnaissante ! »

Dans le fond de son cœur elle se disait : « C’est George Osborne qui a empêché mon mariage. » Aussi elle aimait George Osborne en conséquence.

Elle fit ses paquets de la meilleure grâce du monde, et accepta tous les jolis petits présents d’Amélia, après y avoir mis tout juste ce qu’il fallait d’hésitation et de résistance. Elle ne manqua pas de jurer à mistress Sedley une éternelle reconnaissance, tout en se gardant bien d’importuner cette bonne dame qui se trouvait un peu décontenancée et avait l’air de vouloir l’éviter. Elle baisa la main de M. Sedley, et lui demanda la permission de le considérer à l’avenir comme son meilleur ami, son plus sûr protecteur. Il y avait quelque chose de si touchant dans toute sa personne, que M. Sedley fut sur le point de lui donner un mandat de vingt livres. Mais il réprima sa sensibilité, et comme la voiture l’attendait pour l’emmener dîner, il s’éloigna en jetant à Rebecca un : « Dieu vous protége, mon enfant ! Vous aurez toujours ici une place quand vous viendrez à la ville ; ne l’oubliez pas… James, à Mansion House. »

Enfin arriva le moment de la séparation pour les deux amies.

Après une scène où l’une prit son rôle au sérieux et l’autre le joua en comédienne accomplie ; après les plus tendres caresses, les larmes les plus pathétiques, où le flacon à vinaigre ainsi que les meilleurs sentiments du cœur purent trouver leur place, Rebecca et Amélia se séparèrent, la première jurant à son amie de l’aimer toute sa vie et encore au delà.

1 Trait satirique contre le langage de l’aristocratie, qui est un mélange d’anglais, de français, d’allemand. (Note du traducteur.)

2 Le docteur Lemprière a fait un dictionnaire qui jouit en Angleterre d’une estime égale à celle qu’a obtenue chez nous le dictionnaire de M. Bouillet. (Note du traducteur.)

La foire aux vanités (Texte intégrale, Tome 1 et 2)

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