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CAMILLE DESMOULINS AU PALAIS-ROYAL

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Il était deux heures et demie [le 12 juillet]; je venais de sonder le peuple. Ma colère contre les despotes était tournée en désespoir. Je ne voyais pas les groupes, quoique vivement émus ou consternés, assez disposés au soulèvement. Trois jeunes gens me parurent agités d'un plus véhément courage; ils se tenaient par la main. Je vis qu'ils étaient venus au Palais-Royal dans le même dessein que moi; quelques citoyens passifs les suivaient: «Messieurs, leur dis-je, voici un commencement d'attroupement civique; il faut qu'un de nous se dévoue et monte sur une table pour haranguer le peuple»—«Montez-y»—«J'y consens». Aussitôt je fus plutôt porté sur la table que je n'y montai. A peine y étais-je que je me vis entouré d'une foule immense. Voici ma courte harangue que je n'oublierai jamais: «Citoyens, il n'y a pas un moment à perdre. J'arrive de Versailles, M. Necker est renvoyé; ce renvoi est le tocsin d'une Saint-Barthélemi de patriotes; ce soir tous les bataillons suisses et allemands sortiront du Champ-de-Mars pour nous égorger. Il ne nous reste qu'une ressource, c'est de courir aux armes et de prendre des cocardes pour nous reconnaître.» J'avais les larmes aux yeux et je parlais avec une action que je ne pourrais ni retrouver ni peindre. Ma motion fut reçue avec des applaudissemens infinis. Je continuai: «—Quelles couleurs voulez-vous?—Quelqu'un s'écria:—Choisissez.—Voulez-vous le vert, couleur de l'espérance ou le bleu de Cincinnatus, couleur de la liberté d'Amérique et de la démocratie?» Des voix s'élevèrent: «—Le vert, couleur de l'espérance!—Alors je m'écriai:—Amis! le signal est donné: voici les espions et les satellites de la police qui me regardent en face. Je ne tomberai pas du moins vivant entre leurs mains. Puis, tirant deux pistolets de ma poche, je dis: Que tous les citoyens m'imitent!» Je descendis étouffé d'embrassemens; les uns me serraient contre leurs coeurs; d'autres me baignaient de leurs larmes, un citoyen de Toulouse, craignant pour mes jours, ne voulut jamais m'abandonner. Cependant on m'avait apporté un ruban vert. J'en mis le premier à mon chapeau et j'en distribuai à ceux qui m'environnaient. [Note: Camille Desmoulins, Le vieux cordelier, n° 5, éd. Baudouin, 1825, pp. 81-82.]

Les grandes journées de la Constituante

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