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LA REDDITION DE LA BASTILLE

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Les assiégeants voyant que leur canon n'était d'aucun effet revinrent à leur premier projet de forcer les portes. Ils firent pour cela amener leurs pièces de canon dans la cour du Gouvernement et les placèrent sur l'entrée du pont, les pointant contre la porte. M. de Launay voyant ces dispositions du haut des tours, sans avoir consulté ni avisé son état-major et sa garnison, fit rappeler par un tambour qu'il avait avec lui. Sur cela je fus moi-même dans la chambre et aux créneaux pour faire cesser le feu; la foule approcha et le Gouverneur demanda à capituler. On ne voulut point de capitulation et les cris de Bas les ponts! furent toute réponse.

Pendant ce temps j'avais fait retirer ma troupe de devant la porte pour ne pas la laisser exposée au feu du canon de l'ennemi; duquel nous étions menacés. Je cherchai après cela le Gouverneur afin de savoir quelles étaient ses intentions. Je le trouvai dans la salle du Conseil occupé à écrire un billet par lequel il marquait aux assiégeants qu'il avait vingt milliers de poudre dans la place et que si on ne voulait pas accepter de capitulation, il ferait sauter le fort, la garnison et les environs. Il me rendit ce billet avec ordre de le faire passer. Je me permis dans ce moment de lui faire quelques représentations sur le peu de nécessité qu'il y avait encore dans ce moment d'en venir à cette extrémité. Je lui dis que la garnison et le fort n'avaient souffert encore aucun dommage, que les portes étaient encore entières et qu'on avait encore les moyens de se défendre; car nous n'avions qu'un Invalide de tué et deux ou trois blessés. Il parut ne point goûter ma raison; il fallut obéir.

Je fis passer le billet à travers les trous que j'avais fait percer précédemment dans le pont-levis. Un officier ou du moins qui portait l'uniforme d'officier du régiment de la Reine-Infanterie [Elie], s'étant fait apporter une planche pour pouvoir approcher des portes, fut celui à qui je remis le billet; mais il fut sans effet. On persista à crier: Bas les ponts! Et Point de capitulation!

Je retournai vers le Gouverneur et lui rapportai ce qui en était et tout de suite après je rejoignis ma troupe, que j'avais fait ranger à gauche de la porte. J'attendais le moment que le Gouverneur exécutât sa menace; je fus très surpris le moment d'après de voir quatre Invalides approcher des portes, les ouvrir et baisser les ponts. La foule entra tout à coup. On nous désarma à l'instant et une garde fut donnée à chacun de nous. [Note: Relation de l'officier suisse De Flue dans la Revue Rétrospective, t. IV (1834), pp. 289-290.]

Les vainqueurs souillèrent leur victoire du meurtre de De Launay, de son major De Losme, de Flesselles, de quelques autres encore, dont les têtes furent portées au bout des piques.

On ne trouva à la Bastille que sept prisonniers d'État dont la plupart étaient détenus pour des crimes de droit commun.

Les grandes journées de la Constituante

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