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PRÉFACE

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(du Recueil du Cosmopolite)

Il semble que la philosophie ne fasse qu’à regret (pour ainsi dire) des progrès dans l’esprit de l’homme; si elle gagne à quelques égards aujourd’hui, elle perd si considérablement par d’autres côtés, que la compensation n’est pas égale. Les connaissances physiques prennent, il est vrai, de jour en jour, un essor plus rapide, mais combien l’esprit de morale n’a-t-il pas dégénéré?

Tandis que nos philosophes s’occupent de cette attraction qui entretient le jeu des différentes parties de l’univers, l’impression conséquente que doivent leur faire les mots les plus estimables de notre langue leur échappe, ou se métamorphose dans leur imagination, et ces mêmes mots ne présentent presque plus, pour la plupart, le vrai sens auquel ils avoient été attachés.

Faut-il chercher d’autre cause de la différence des mœurs de ce siècle-ci à celles des siècles passés? Sans doute, la naïveté avec laquelle nos pères s’énonçoient, et qu’on a depuis si injustement qualifiée du nom de langage libre, étoit la base et le garant de la pureté de leurs mœurs.

Leur façon de vivre étoit aussi simple que leur langage; parmi eux, oui vouloit dire effectivement oui, et non exprimoit exactement non. Point de ces subterfuges qui sont autant de ressources pour la mauvaise foi, et d’écueils de la solidité de l’esprit.

La malignité des termes équivoques, d’autant plus dangereuse qu’elle fait les délices des petits esprits, et par conséquent du plus grand nombre, n’étoit point encore connue.

Quelle contrainte ces fausses idées qu’on attache aujourd’hui à un grand nombre de manières de s’exprimer, n’apportent-elles pas dans la société? Il faut en exposer ici quelques exemples.

Qu’une femme à qui vous parlerez d’un voyage agréable et curieux que vous aurez fait, vous dise: Je meurs d’envie de le faire, les sots éclatent de rire, et les fausses prudes rougissent.

Céliante se donne la torture pour mettre son gant trop étroit pour sa main; vous n’oseriez jamais lui dire: Madame, voulez-vous que je vous le mette? ni même: que je vous l’ôte? parce que notre esprit corrompu va plus loin que les termes propres ne signifient, et qu’il suppose que, pour l’ôter, il faut l’avoir mis, et qu’il soit dedans.

Si vous vous servez de ces termes simples, vous passez pour un sot, ou du moins pour un mauvais plaisant.

A peine est-il permis de dire que la Marne se décharge dans la Seine, ou qu’un fusil est chargé.

Nos dévots, même de la première classe, avoient voulu faire passer cette réformation prétendue de style jusque dans la manière de faire des enfants à sa femme, et trouvant une idée trop libertine, et une façon trop peu décente de se mettre dessus à nu, ils avoient imaginé de faire un trou chacun à leur chemise, pour opérer, disoient-ils, plus modestement et plus convenablement le grand œuvre de la propagation du genre humain.

Je laisse à juger si ceux qui en agissent ainsi n’ont pas l’imagination plus déréglée que ceux qui tout uniment se mettent dessus, dans la simple nudité que la sage nature nous a donnée.

Avec quelque pureté d’intention que vous employiez les mots d’enfiler, remuer, branler, large, étroit, se retirer et cent autres, ils réveillent à présent des idées licencieuses. Personne n’ignore le rire scandaleux qu’ont excité, dans les derniers temps, ces quatre vers du grand Corneille:

Dis-moi donc, lorsqu’Othon s’est offert à Camille,

A-t-il paru contraint? A-t-elle été facile?

Son hommage auprès d’elle, a-t-il eu plein effet?

Comment l’a-t-elle pris? Et comment l’a-t-il fait?

La saine raison, lorsqu’elle conduisoit les hommes, ne leur avoit point appris à faire une distinction imaginaire d’une expression supposée gratuitement malhonnête, avec une autre qui ne blesse point la pudeur.

On prononce le mot crime sans remords, comme celui de vertu sans édification; on croit avec justice n’être point garant des idées opposées que l’un et l’autre présentent. Par quel égarement va-t-on déshonorer d’autres termes, qui ont le même droit d’être au rang de ceux qui composent la langue? Pourquoi les exclure de la conversation et des ouvrages littéraires, où souvent ils seraient si naturellement amenés?



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