Читать книгу Cours élémentaire d'hygiène en vingt-cinq leçons - Aristide Reinvillier - Страница 6
PREMIÈRE LEÇON
ОглавлениеDéfinition de l’hygiène. — Définition de la santé. — Pourquoi l’hygiène est peu pratiquée. — Constitution physique et morale de l’homme. — Recherche des véritables conditions de la santé. — Impossibilité d’une formule générale. — Influence de l’éducation sur le caractère et le bien-être des hommes.
L’hygiène est cette partie de la médecine qui fait connaître les conditions de la santé et les moyens de la conserver.
La santé est le résultat naturel de l’intégrité des fonctions que les organes sont appelés à remplir et le produit de l’harmonie de ces mêmes fonctions.
Il n’y a donc pas de science plus utile à l’homme que la connaissance de l’hygiène, puisque la santé est reconnue par tous pour être le plus précieux des biens, et l’on ne saurait trop répandre, dans l’intérêt de tous les hommes, les connaissances hygiéniques qui sont si précieuses et si indispensables.
Pourquoi l’homme qui possède non-seulement comme tous les animaux, l’instinct de sa propre conservation, mais qui jouit en outre de la raison, et qui a la puissance d’analyser tous ses actes et d’en tirer des conséquences, pourquoi cet être raisonnable pratique-t-il si peu les lois de l’hygiène, dont l’application contribuerait puissamment à prolonger son existence? Dans beaucoup de circonstances, l’hygiène n’est pas pratiquée parce que l’intérêt du moment, les passions, l’espoir d’échapper à un danger éloigné et une foule d’autres choses viennent s’y opposer; mais trop souvent encore on agit contre les préceptes de l’hygiène simplement parce qu’on les ignore. Les personnes qui se trouvent dans ce dernier cas, loin d’être à blâmer sont réellement à plaindre, aussi doit-on s’empresser de les éclairer. Persuadé de l’importance de cette mission, nous publions ce cours d’hygiène populaire dans l’intérêt des masses, et si notre faible voix ne peut faire tout le bien que nous voudrions répandre, elle contribuera au moins, pour sa petite part, à propager un enseignement utile, à détruire les préjugés et peut-être à stimuler le zèle de ceux qui seront plus forts ou plus habiles que nous.
Commençons par jeter un regard sur la constitution de l’homme, puisque l’hygiène tout entière a pour but la protection incessante de cette constitution.
L’homme a été doué d’une organisation admirable, dont lui seul est en possession dans toute la création. Tandis que les animaux ne peuvent vivre, selon l’espèce à laquelle ils appartiennent, que dans une certaine zône; l’homme, au contraire, parcourt toutes les latitudes, visite tous les climats, se fixe pendant un temps plus ou moins long dans les régions les moins accessibles aux êtres organisés et a à son service mille ressources pour lutter contre les causes de destruction qui viennent le menacer. Il peut, en outre, résister aux plus grandes fatigues et a surtout le privilége de combiner ses moments d’activité et de repos de telle manière qu’un état succédant à l’autre, les difficultés les plus considérables peuvent être vaincues par lui. Ses organes digestifs lui permettent de s’approprier les substances les plus dissemblables: les quadrupèdes, les oiseaux, les poissons, les animaux articulés, les mollusques, presque toutes les classes du règne animal sont mises à contribution pour former la nourriture habituelle de l’homme. Les végétaux de toute nature viennent aussi augmenter son butin, car, depuis le champignon jusqu’aux fruits des plus grands arbres, partout il trouve une ample provision d’aliments. Les fécules de toute sorte qu’il transforme de cent manières différentes, le sucre, les huiles, les liquides fermentescibles, tout vient contribuer à son bien-être et augmenter la variété de sa nourriture.
Toutes ces facultés dont l’homme est en possession, celle de supporter les températures les plus variées, de vaincre les fatigues les plus grandes et de se nourrir des produits les plus opposés ne sont pas les seules dont il jouisse. L’homme a encore à son service autre chose que les êtres organisés, sa puissante constitution s’assimile au besoin une foule de substances appartenant au règne minéral, et les poisons les plus violents, eux-mêmes, habilement dosés et employés, viennent contribuer à vaincre la maladie et à rétablir l’équilibre momentanément interrompu...
De l’examen de la constitution physique de l’homme, si l’on passe à celui de sa constitution morale, on n’est pas moins émerveillé des facultés diverses dont elle est douée et de la puissance qui lui a été octroyée par le Créateur. Ce sont cette puissance et ces aptitudes multiples, plus encore que l’organisation physique, qui font la force de l’homme, et c’est au moyen de son intelligence qu’il règne en maître absolu sur ce qui l’entoure. Faire le récit de tout ce que l’homme a accompli depuis quelques siècles seulement, par la seule force de sa puissance morale, serait chose impossible ici: il faudrait le suivre dans les entrailles de la terre et dans les profondeurs des eaux, le suivre encore dans les airs et énumérer tous les prodiges obtenus par la vapeur et les autres moyens puissants qu’il a su trouver et assujettir à la loi de sa volonté. Nous le verrions transmettre sa pensée d’un bout du monde à l’autre avec la rapidité de l’éclair, arrêter le rayon de lumière au passage pour lui faire tracer une image. Que dis-je? il nous faudrait passer en revue tous les grands problèmes qui ont été résolus par la science, tous les beaux travaux de la littérature et de la philosophie, ce qui nous entraînerait trop loin de notre but.
Cependant le physique et le moral de l’homme ont entre eux une telle liaison que nous ne pouvions passer complètement le dernier sous silence; on sait, qu’à part quelques exceptions, l’esprit perd sa vigueur dans un corps malade, et que l’altération du moral agit généralement d’une manière défavorable sur le physique.
Il ne suffit pas pour l’homme d’avoir été doté d’une constitution physique et morale de premier ordre, il faut qu’il sache conserver ces avantages et rester dans cet heureux équilibre qu’on appelle la santé. La première chose que nous ayons à faire est donc la recherche des véritables conditions de la santé.
Etre né de parents sains et forts est la première condition pour être doué d’une bonne constitution, et, par conséquent, avoir plus de chance de conserver sa santé. Il est presque impossible que des parents malsains, rachitiques et faibles puissent donner le jour à des êtres pleins d’énergie et de vigueur; les constitutions sont héréditaires et les fautes même des parents viennent peser douloureusement sur leurs descendants et atteindre un certain nombre de générations. Remarquons en passant qu’il naît de là une obligation impérieuse pour l’homme de veiller sur sa conduite et d’observer scrupuleusement l’hygiène s’il ne veut pas être le bourreau de ses propres enfants.
Celui qui malheureusement est né faible a beaucoup plus de précautions à prendre que celui qui est venu au monde dans des conditions opposées, et Hippocrate a très-bien signalé cette différence lorsqu’il a dit: «Selon moi, les constitutions qui se ressentent promptement et fortement de leurs écarts sont plus faibles que les autres; le faible est celui qui se rapproche le plus du malade; et le malade est encore plus faible, aussi doit-il souffrir plus que tout autre des fautes du régime .»
Cette différence dans la constitution native indique donc qu’il y a aussi des différences très-grandes dans les moyens de conserver sa santé, et il est impossible de donner une formule hygiénique qui soit convenable pour tout le monde. Autant il est absurde de prescrire les mêmes médicaments, et à des doses semblables, à tous les malades atteints de la même maladie, autant il serait ridicule de faire une prescription identique pour tous ceux qui veulent conserver leur santé.
Chacun a donc à prendre en considération, non-seulement la force dont il est doué naturellement, mais encore ce que sa constitution a perdu ou gagné depuis sa naissance. Il doit aussi considérer l’âge auquel il est arrivé, le sexe auquel il appartient, et enfin certaines particularités d’organisation auxquelles la science a donné le nom d’idiosyncrasies. Il est évident que l’enfant nouveau-né a besoin d’autres soins que l’adulte, et que celui-ci ne doit pas se soumettre à toutes les précautions qui sont indispensables au vieillard. La femme réclame des soins hygiéniques tout à fait spéciaux, et pour donner une idée de certaines idiosyncrasies qui méritent une attention particulière, on peut citer, par exemple, les personnes qui ne peuvent respirer telle ou telle odeur sans subir l’acte du vomissement ou sans avoir une défaillance, Rousseau, qui ne pouvait entendre le son d’une cornemuse sans éprouver une incontinence d’urine, et d’autres faits tout aussi extraordinaires.
Mais nous n’avons pas à étudier toutes ces exceptions, nous voulions seulement les signaler à propos des conditions indispensables de la santé. Disons vite que l’homme qui se porte bien doit manger avec appétit et digérer sans le plus petit malaise, que sa respiration doit être calme, large et facile, que les battements de son cœur, à moins qu’il ne cherche à les apprécier par le tact, doivent passer inaperçus pour lui, que sa démarche doit être assurée, régulière et aisée, son sommeil réparateur, que tous les organes des sens doivent jouir de tous leurs privilèges, son intelligence être nette et précise, enfin que toutes les fonctions doivent être dans un état d’intégrité complet et dans une parfaite harmonie ainsi que nous le disions en commençant. Telles sont les véritables conditions de la santé.
Peu d’hommes possèdent au grand complet tous les attributs de la santé, mais beaucoup ont reçu en partage la presque totalité de ces avantages; cependant, bien peu de personnes savent conserver leur santé, et tandis qu’elles cachent avec soin les trésors et les richesses de convention qu’elles possèdent, de peur qu’ils ne leur soient dérobés, elles négligent la santé, ce bien inestimable dont elles ne connaissent tout le prix que lorsqu’elles l’ont perdu, quelquefois sans retour.
Le manque d’éducation conduit trop souvent à l’inobservance des lois de l’hygiène et à la perte de la santé, aussi tous les cœurs généreux tendent-ils sans cesse à répandre les lumières dans ces intelligences qui sont restées à un très-faible degré de développement faute du stimulant indispensable. Il est évident que celui qui est en possession d’une instruction solide, laquelle a été instituée sur de larges bases, connaîtra presque toujours les dangers qui entourent son organisation et qui tendent à la détériorer; il ne pourra pécher par ignorance et trouvera encore dans le perfectionnement de son éducation première une ressource contre le désœuvrement et un délassement pour ses fatigues. L’éducation religieuse, surtout, vient aider puissamment à pratiquer l’hygiène, car l’homme qui est habitué de bonne heure à se faire une loi de la morale devient nécessairement vertueux, et l’hygiène nous enseigne à chaque pas à pratiquer la vertu.
Il n’est pas possible de se livrer complètement aux soins de l’hygiène sans être vertueux, aussi le genre d’éducation que nous signalons, en influant sur le caractère des hommes contribue-t-il puissamment à leur bonheur. Que de raisons pour enseigner, étudier et pratiquer l’hygiène, et combien d’hommes qui appliquent sans réflexion et dans un but mercantile, l’adjectif hygiénique à la première chose venue, deviendraient circonspects si tout le monde était bien pénétré de la valeur de l’hygiène! Et puisque pratiquer l’hygiène c’est pratiquer la vertu, l’enseignement de cette science devient une espèce de sacerdoce que l’on ne doit aborder qu’avec respect et timidité.