Читать книгу Cours élémentaire d'hygiène en vingt-cinq leçons - Aristide Reinvillier - Страница 7
DEUXIÈME LEÇON.
ОглавлениеInfluence des climats sur l’organisation de l’homme. — Nécessité de la connaître. — Division des climats. — Effets produits par un changement de climat. — Acclimatement dans les pays chauds. — Acclimatement dans les pays froids. — Acclimatement dans les pays tempérés.
Nous avons vu que l’homme a été doué, entre autres privilèges, de la faculté de pouvoir habiter les régions les plus opposées; mais ce don, il ne peut en jouir qu’à une condition, celle d’employer toutes les ressources de son génie pour lutter contre les causes de destruction qui sont inhérentes à tel ou tel climat. Il est donc important de connaître l’influence des climats sur l’organisation de l’homme, et par conséquent les principales conditions que l’on doit remplir pour parvenir à l’acclimatement.
Les personnes qui doivent habiter constamment la même localité, qui sont, pour ainsi dire, fixées au sol, auraient tort de penser que ces questions doivent les trouver indifférentes, car cesser d’habiter un lieu où l’on a vécu longtemps, pour séjourner dans un autre, même voisin, est déjà une chose sérieuse; puis en étudiant les influences climatériques on connaît bientôt celles que déterminent les vicissitudes atmosphériques; et quelle est l’organisation qui ne subit pas les effets des grandes variations de l’atmosphère?
Les géographes avaient autrefois divisé l’espace qui s’étend de l’équateur au pôle en trente climats, mais ces divisions, calculées d’après la longueur des jours comparée à celle des nuits sont beaucoup trop minutieuses et trop compliquées pour l’étude de l’hygiène; il est préférable d’employer la marche généralement adoptée et de diviser les climats en climats chauds, climats tempérés et climats froids.
Chacun de ces trois climats influe d’une manière différente sur l’homme sain et sur l’homme malade; non-seulement certaines maladies sont plus communes dans un climat que dans l’autre, mais elles y revêtissent un cachet particulier, une marche différente. Les habitants du climat chaud sont faciles à reconnaître de ceux du climat froid, et ceux-ci des individus qui habitent un climat tempéré, car les conditions dans lesquelles ils vivent ont modifié profondément leur organisation. Mais c’est surtout sur les personnes qui quittent tout à coup leur climat habituel pour un autre qui est tout différent que l’influence est manifeste et mérite toute l’attention de l’hygiéniste, afin que le nouveau venu apprenne à changer son régime et ses habitudes et à mettre son genre de vie en harmonie avec la nouvelle région qu’il vient habiter.
L’espèce humaine est disséminée sur le globe depuis le 60e degré sud jusqu’au 70e degré nord. L’homme vit passagèrement à des hauteurs considérables ou à une très-grande profondeur au-dessous du sol, et il habite des hauteurs dont quelques-unes atteignent jusqu’à plus de 4,100 mètres au-dessus du niveau de la mer. Cependant s’il se déplace à une grande distance, soit en avançant vers l’équateur, soit en se rapprochant du pôle, il est généralement destiné à une fin prématurée, s’il ne prend pas les précautions nécessaires à sa conservation. L’homme qui change de climat est appelé à vivre d’une autre vie, des modifications immenses vont s’opérer dans ses fonctions, et il est important que ces changements surviennent graduellement, et que de nouvelles habitudes sociales viennent s’y conformer, sans quoi il lui serait difficile d’échapper à la maladie et à la mort. Voyons d’abord ce qu’il convient de faire pour s’acclimater dans les pays chauds.
L’acclimatement dans les pays chauds est beaucoup plus facile pour les habitants des pays tempérés que pour ceux des pays froids, cela se conçoit aisément. C’est pourquoi il est sage, lorsqu’on doit habiter un climat très-chaud, de passer quelque temps dans l’Europe méridionale; puis d’arranger le voyage de telle façon que l’arrivée au lieu de destination coïncide avec le commencement de la saison tempérée; de cette manière on aura devant soi plusieurs mois, pendant lesquels l’acclimatement sera plus aisé. Il est bien entendu qu’au moment du départ la santé devra être très-bonne et que le voyageur doit être doué d’une excellente constitution, non détériorée par une maladie récente.
Après le débarquement il faut s’occuper immédiatement des conditions hygiéniques que réclame ce nouveau climat. L’habitation doit d’abord occuper l’attention: sa meilleure situation est dans un lieu sec, éloigné des endroits marécageux et abrité autant que possible contre l’ardeur des rayons solaires. L’exposition au vent du nord est généralement préférée, mais on ne peut donner de conseils précis à ce sujet, car selon le pays que l’on habite, le vent qui souffle de tel ou tel côté est plus ou moins favorable à la santé; il faut en cela consulter l’expérience des habitants et se conformer à leurs usages.
Le vêtement doit être en rapport avec celui que l’on porte dans les pays chauds. C’est avec raison que les méridionaux se couvrent la tête, les uns avec de larges turbans, les autres avec d’amples chapeaux de paille, c’est un bon moyen de préserver la tête de l’action directe du soleil. Les larges vêtements, dont le burnous des Arabes est en quelque sorte le type, sont non-seulement les plus commodes mais les plus hygiéniques; au moyen de cette ampleur, aucune constriction n’est exercée sur les parties superficielles du corps, et le sang contenu dans les veines n’éprouve aucun obstacle à son libre cours; puis l’air circulant constamment près de la peau diminue sa chaleur et favorise l’évaporation qui se fait à sa surface. Les étoffes de couleur blanche doivent être usitées de préférence, à cause de la propriété bien connue qu’elles ont de repousser, en partie, les rayons du soleil, et d’absorber moins de calorique que celles de couleur foncée. Il vaut mieux qu’elles soient tissées en laine fine et légère ou en coton que d’être en toile de fil, la température de la peau n’en sera que plus uniforme et à l’abri des brusques variations atmosphériques. L’absence de la cravate, et une bonne ceinture de flanelle appliquée directement sur l’abdomen sont deux excellentes choses. La cravate favorise les congestions cérébrales, et la ceinture de laine préserve les organes contenus dans le ventre contre les changements de température, si pernicieux dans ces climats. Il vaut mieux toutefois que la ceinture soit appliquée sur la peau que d’entourer le pantalon, comme on le voit chez les orientaux.
La nourriture de l’homme nouvellement arrivé dans les pays chauds doit être beaucoup moins substantielle que celle dont nous usons dans nos climats. Le sang de l’habitant des pays tempérés est beaucoup plus riche que celui de l’indigène des climats chauds, ses forces sont beaucoup plus grandes, et s’il ne modère pas son régime, il est exposé à contracter des maladies inflammatoires du foie ou des intestins qui ont souvent une très-grande gravité. Il faut donc qu’il se nourrisse principalement de légumes dans les premiers temps de son séjour, auxquels il ajoutera quelquefois des viandes blanches, des œufs frais, du poisson; c’est seulement plus tard que les substances alimentaires pourront être choisies dans une autre catégorie. Les liqueurs alcooliques doivent être sévèrement proscrites, et c’est une grave erreur des Européens que celle qui consiste à croire que les liqueurs fortes réparent les forces et remédient à l’affaiblissement provoqué par l’abondance des sueurs. Aux spiritueux, il vaut mieux préférer, pour les gens non acclimatés, les limonades légères, le lait coupé et toutes les boissons délayantes. Ils peuvent encore user avec modération des fruits agréables qui naissent dans les pays chauds, tels que les pastèques, les ananas, les oranges, les grenades, etc. Nous disons en quantité modérée, car il est d’observation que ceux qui en abusent contractent des maladies graves des organes digestifs. On a souvent vu les militaires nouvellement débarqués dans ces climats se jeter avec voracité sur les oranges, qui sont là à si bas prix, et devenir victimes de leur imprudence.
Quant aux habitudes, elles doivent être toutes différentes de celles suivies dans notre pays; ainsi, les Européens qui méprisent l’indolence des habitants des climats chauds, et qui continuent à se mouvoir avec activité pendant la chaleur du jour, ne tardent pas à devenir malades. Il faut, de toute nécessité, se renfermer pendant les heures où le soleil est très-vif, et ne pas chercher à braver ses rayons; le repos, pris dans un endroit frais, répare les forces et est très-salutaire. Il en est de même du sommeil de la nuit, qui est très-important pour les nouveaux venus; ils doivent coucher sur des lits de crin ou de feuillage desséché, ou encore dans des espèces de hamacs à la manière anglaise. Le sommeil est favorisé par des bains froids pris le soir, lesquels enlèvent au corps une portion de son calorique et lui donnent ce bien-être qui dispose à la somnolence. Enfin celui qui habite nouvellement un pays chaud doit éviter avec soin toute espèce d’excès; jamais il ne doit oublier que les nouvelles conditions dans lesquelles il se trouve le tiennent constamment sur la limite de la maladie, et qu’il dépend presque toujours de sa sagesse de pouvoir l’éviter.
L’acclimatement dans les pays froids est en quelque sorte plus facile, il est d’ailleurs plus favorable à la santé. Dans le nord on acquiert plus de force, l’appétit est plus actif, les digestions s’opèrent mieux, les fonctions des organes respiratoires s’exécutent plus amplement, et stimulé par un air plus pur le sang augmente en richesse et en vitalité, tout l’organisme enfin s’équilibre d’une façon plus solide. On sait que c’est dans les pays froids où s’observent les plus nombreux exemples de longévité.
Le passage des pays chauds dans les pays froids, ou même des pays tempérés dans les derniers, nécessite certaines précautions et un régime particulier qu’il ne faut pas négliger. Ainsi que nous l’avons dit à propos de l’acclimatement des pays chauds, il est important d’arriver dans la saison la plus favorable, c’est-à-dire à l’époque où commence le printemps dans le pays où l’on va habiter. Si le voyageur était prédisposé aux maladies des poumons, et particulièrement à la phthisie pulmonaire, il devrait s’abstenir et ne pas quitter son pays. Quant aux soins hygiéniques à employer, les uns sont indiqués par le simple bon sens, les autres sont nécessairement différents de ceux que nous avons formulés pour le climat opposé, et il est évident que l’habitation et le costume devront être en harmonie avec ce qui est généralement préféré dans la nouvelle localité que l’on habite.
La nourriture ne doit pas être immédiatement modifiée, il faut que celui qui cherche à s’acclimater résiste à l’appétit qui ne tarde pas à se manifester, qu’il se nourrisse de préférence avec des aliments végétaux ou autres peu nutritifs jusqu’à ce qu’un plus long séjour lui permette de modifier son régime et de le mettre en harmonie avec celui des indigènes. S’il négligeait ces soins indispensables, sa santé pourrait en souffrir cruellement.
Les précautions contre le froid devront être prises de diverses façons. Une douce température devra régner dans l’habitation, et à l’usage des vêtements chauds et suffisamment épais il sera bon d’ajouter celui des bains de vapeur; il est nécessaire que la peau, qui était habituée à fonctionner avec activité, soit de temps à autre le siège d’une transpiration abondante. Enfin l’acclimatement dans un pays froid est généralement chose assez simple, puisqu’il est plus facile de se préserver contre l’abaissement de la température que de lutter avec avantage contre son élévation.
L’acclimatement dans les pays tempérés ne peut offrir de règles particulières; elles rentrent nécessairement dans celles que nous avons indiquées pour les températures extrêmes, car le climat tempéré devient le pays chaud de l’habitant du Nord comme il est le pays froid de celui qui quitte les régions équatoriales; ils ont donc, l’un et l’autre, à suivre les préceptes que nous avons tracés.
Telle est l’influence des climats sur l’organisation de l’homme, influence que nous avons examinée d’une manière générale, car il nous resterait encore à envisager dans chaque climat, celles qui résultent du voisinage des eaux courantes ou des eaux stagnantes, celles qui sont inhérentes au sol que l’on habite et celles qui sont relatives à la hauteur de la localité au-dessus ou au-dessous du niveau de la mer, etc. Ces recherches nous entraîneraient trop loin, et nous obligeraient à une foule de détails qui nous éloigneraient de notre but.
Mais quelles que soient les précautions hygiéniques dont celui qui change de climat doit être entouré, il ne faut pas oublier de le préserver de la nostalgie, c’est-à-dire de cette tristesse, de ce mal du pays, comme on l’appelle, qui enveloppe souvent si cruellement celui qui est loin de sa patrie et qui le prédispose aux maladies les plus graves. Contre un pareil mal, on le sent bien, il n’y a que les influences morales qui puissent lutter et avoir quelque chance de triomphe.