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ОглавлениеDE LA DISPOSITION CONGESTIVE L’HYGIÈNE DES PLÉTHORIQUES
CE que les anciens apppelaient pléthore sanguine, diathèse congestive, et que nous appellerons simplement «disposition aux congestions», est un état général consistant essentiellement dans la tendance à la réplétion circulatoire, au ralentissement et à la stagnation du liquide sanguin dans les vaisseaux. L’atonie ou l’altération des parois vasculaires et la diminution de la force impulsive du cœur sont les causes les plus générales de l’état congestif. Quant à ses effets, ils sont extrêmement variés, suivant les organes atteints: lorsque c’est un viscère important (foie, cerveau) qui est frappé de congestion, on conçoit que le pronostic soit autrement sérieux que s’il s’agit d’une petite articulation (goutte) ou d’une portion limitée du tégument externe (eczéma arthritique).
Nos lecteurs savent que nous leur épargnons toujours les discussions doctrinales et que nous cherchons uniquement à être pratique et utile, ce qui est la seule manière de rester lisible pour les gens du monde étrangers à la médecine. Entrons donc dans le vif du sujet et détaillons ici les moyens pratiques de réfréner la prédisposition aux congestions.
Les pléthoriques (ainsi qu’Hippocrate l’a remarqué le premier) résistent ordinairement aux actions médicamenteuses. Il faut tirer de ce fait l’indication fréquente de désobstruer ces diathésiques par les saignées, les vomitifs, les purgatifs, qu’ils tolèrent, du reste, merveilleusement. On peut penser ce qu’on voudra de la saignée, actuellement si délaissée. Elle n’en est pas moins ce que l’a définie Hufeland: le seul agent à l’aide duquel nous puissions soustraire une partie de la vitalité, en attaquant celle-ci à la source.
L’abstinence et la diète sont de puissants modificateurs de la stase sanguine capillaire. L’un des plus célèbres praticiens français du dix-huitième siècle disait en son testament: «Je laisse après moi deux grands médecins, la diète et l’eau.» Il est avéré, en effet, que l’abstinence alimentaire, en facilitant le mouvement désassimilateur interstitiel, dissipe les obstructions et les engorgements circulatoires. La résorption cellulaire étant activée, accélérée, l’initiative de nouveaux ictus congestifs se trouve ainsi retardée par la diète.
C’est surtout au repas du soir que les congestifs doivent éviter de se charger l’estomac. Dans leur régime, ils rechercheront surtout les aliments peu réparateurs, acidulés, qui restreignent la sanguification non seulement en rendant le processus nutritif moins intense, mais encore en poussant aux sueurs et aux urines.
Le régime relâchant, rafraîchissant, qui convient le mieux aux congestifs, consiste dans le lait et les aliments mucilagineux. En diminuant l’énergie digestive et en humectant la muqueuse gastro-intestinale, ces aliments recèlent une activité doublement laxative. Les décoctions gélatineuses très légères (bouillons de veau, de poulet, de grenouille), les infusions émollientes d’orge, de riz, les émulsions d’amandes, les tisanes de gomme, etc..., ne tardent pas à fluidifier les humeurs et à diminuer, dans la composition du sang, la prédominance oppressive des globules sur le sérum. Il ne faut pas, toutefois, user exclusivement de semblables aliments, dont l’abus déterminerait une débilitation hydrémique, une sorte de diathèse séreuse, plus nuisible parfois que la diathèse congestive. Il faut ajouter au régime laxatif du pain bien cuit, des œufs frais à la coque, et la chair des jeunes animaux, veaux, poulets, agneaux, qui détient une action à la fois délayante et réparatrice.
Le poisson peut aussi prendre place dans ce régime doux, parce qu’il est bien plus riche en eau et en albumine et notablement plus pauvre en fibrine que les viandes usuelles. C’est avec raison que les médecins anglais recommandent aux congestionnés (qui, dans la] race britannique, se nomment légion) la «fish diet», qui est même classée parmi les régimes des hôpitaux. Ils retirent aussi de grands avantages, dans divers cas analogues, de la soupe à la tortue verte (sans exagérer, toutefois, son assaisonnement, comme on le fait, à tort, dans les restaurants londonniens). En Russie, ce sont les laits fermentés (koumys et kéfir) qui jouissent de la renommée laxative. Le lait, additionné, par litre, d’une demi-cuillerée à café de sel gris, constitue, croyons-nous, sous ce rapport, un aliment médicamenteux excellent, capable de fournir, du reste, une ration d’entretien suffisante. En ajoutant à ces divers agents quelques légumes sédatifs du tube digestif et susceptible d’aider la fonction alvine (tels que l’épinard, la laitue cuite, la chicorée) et quelques compotes de fruits cuits, peu sucrées, on obtiendra, pour les pléthoriques et les congestifs, un excellent programme d’alimentation.
Le molimen hémorroïdaire sera favorisé par le pain de son, le pain d’épices, les pruneaux cuits, l’huile d’olive, les figues, etc. Contre les congestions rebelles (poussées d’eczéma ou d’acné, migraines à répétition), rien ne nous a mieux réussi que le régime végétal absolu, avec du thé chaud comme boisson. Les boissons chaudes sont des agents délayants par excellence: prises à dose modérée, elles assouplissent et calment, à la manière d’une fomentation intérieure, le sang épaissi, diminuent ses propriétés phlogogènes, calment la soif et l’état fébrile. Promptement assimilées dans le torrent circulatoire, les boissons chaudes confèrent à notre chair coulante plus de légèreté, éclaircissent sa pléthore globulaire, ouvrent les voies éliminatrices des reins et de la peau, ramènent enfin à leur rythme normal les réactions exaltées, et, de cette manière, secondent et préparent l’action de modificateurs médicamenteux plus énergiques.
Le crédit des boissons chaudes était immense chez les anciens Romains: de nos jours, on connaît l’importance du thé dans la vie des nations septentrionales. Le thé, qui représente et résume le mieux l’action des breuvages chauds, a pour propriétés principales de combattre les funestes conséquences des excès alimentaires carnés, en empêchant les fermentations gastro-intestinales, en chassant de l’estomac et de l’intestin les acidités, les sulfures ammoniacaux, et aussi en faisant obstacle à la formation de ces produits toxiques connus sous le nom général de ptomaïnes. Toute boisson chaude est, d’ailleurs, merveilleuse pour dégager le foie et le tube digestif; son ingestion procure une vive sensation de bien-être. Au bout de quelques jours, de quelques semaines d’usage, le sujet s’aperçoit que sa peau devient moite et souple; ses excrétions sont inodores ou moins odorantes, ses urines moins colorées et plus copieuses. C’est en perfectionnant, en quelque sorte, le lessivage du sang, que l’usage habituel des boissons chaudes préserve contre la goutte, l’obésité, le diabète, l’eczéma, et contre l’alcoolisme même, les sujets prédisposés, c’est-à-dire les congestifs, dont l’organisme devient, par elles, singulièrement plus apte à éliminer les matériaux nuisibles du sang, et comme imprégné d’une alacrité plus parfaite en présence du travail physique ou même intellectuel:
«Fœcundi calices quem non fecere disertum ?»