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LES MAUX D’ESTOMAC
ОглавлениеIL y a bien des variétés de souffrances de l’estomac, et chacun se fait, pour ainsi dire, à soi-même, sa propre dyspepsie. Mais les formes que nous avons le plus souvent, à soigner, dans la pratique, sont les formes flatulente, gastralgique (crampes d’estomac), la dyspepsie des liquides, la dyspepsie acide.
Les gros mangeurs arrivent graduellement à mal digérer, par suite de la distension habituelle qu’ils imposent à leur estomac; celui-ci devient, peu à peu, une poche inerte, incapable de réaction en présence des aliments. En dehors des gros mangeurs, la dilatation de l’estomac s’observe surtout chez les herpétiques (dartreux, eczémateux) qui semblent offrir une laxité anatomique particulière des tuniques gastriques. Chez ces malades, l’anémie et la cachexie surviennent, d’ailleurs, très rapidement, si l’on n’institue pas, de bonne heure, un régime rationnel et un traitement approprié : Gaster est sentina omnium malorum (Van Helmont).
Dans la gastralgie, on voit s’ajouter aux divers troubles digestifs (nausées, vomissements, soif, aigreurs, perversions du goût, constipation), des accès plus ou moins douloureux (crampes d’estomac), qui se calment par une pression, douce et graduelle, avec la paume de la main, — à l’inverse des coliques hépatiques, que cette pression exaspère. — L’abus de l’alcool et l’alimentation épicée constituent peut-être les causes les plus fréquentes de gastralgie.
La dyspepsie acide est également capable d’entraîner des douleurs plus ou moins vives au creux de l’estomac et dans la région des fausses côtes. C’est cette forme qui s’accompagne, d’ailleurs, le plus volontiers, d’insomnie et de spleen. Quatre heures environ après le repas, les malades se plaignent d’éructations et de régurgitations, ordinairement aigres et brûlantes, avec une impérieuse sensation de fausse faim et une soif également très vive. Nous combattons, avec succès, cette variété de maux d’estomac (fréquente surtout chez les gros mangeurs de viande) en administrant au malade, de cinq en cinq minutes, une pastille de bicarbonate de soude comprimé (environ 50 centigrammes), jusqu’à neutralisation des acidités et cessation complète de la douleur. Nous conseillons, en même temps, au malade de mitiger son régime carné par le lait et les végétaux frais.
Et surtout, répétons-le toujours: appliquons-nous à manger lentement. Imitons (en cela seulement) l’empereur Tibère, qui nous paraît avoir été un hygiéniste consommé. Tibère mâchait longuement ses aliments, les triturait, les ruminait, pour ainsi dire... Son beau-père Auguste ne l’appelait, pour cette raison, que vir lentis maxillis. «Bien marcher et bien mâcher, disait Bosquillon: voilà le secret pour vivre longtemps.»
Les boulimiques sont des malades affligés d’une faim excessive, vorace, canine: parfois, la cause en est vermineuse; parfois elle est névropathique, et alors elle s’accompagne, habituellement, de dépravation de l’appétit. Les boulimiques sont sujets à des vomissements quotidiens et à une diarrhée permanente: c’est ce qui nous explique leur maigreur habituelle. Lorsque ces malades succombent (ce qui n’est pas très rare), l’autopsie révèle un estomac d’une amplitude démesurée et un intestin assez analogue à celui des carnivores. Le meilleur remède de la boulimie, c’est l’opium: au moment des fringales, le malade prend, sur du sucre, une à deux gouttes de laudanum de Sydenham. On ajoute à ce traitement l’hydrothérapie méthodique et l’usage de la bière en mangeant.
Lasègue a écrit quelque part: «Les rhumatisants ont l’estomac pendulaire.» Et en effet, nous avons assez souvent soigné la boulimie chez les arthritiques.
Les sujets qui digèrent mal doivent proscrire de leur régime les crudités et les acides; ne pas manger de fruits crus (nous n’excepterons même pas le raisin); cesser l’usage des liqueurs et du vin pur; éviter les travaux excessifs de l’esprit; observer la plus grande régularité dans les repas; remplacer le pain frais par le pain grillé et ne jamais boire d’eaux gazeuses. Les dyspeptiques devront mâcher avec soin (et recourir, si besoin est, à la prothèse dentaire); leur repas du soir sera très léger. La liberté du ventre sera entretenue journellement par les lavements d’eau froide. Un exercice modéré, au grand air, est indispensable, surtout après les repas. L’usage du tabac à fumer devra être très modéré. En outre, l’homme qui veut dîner et digérer son dîner doit, comme le dit Munaret, laisser ses sollicitudes à la porte de la salle à manger.
La dyspepsie atonique et flatulente se guérit par la méthode suivante. Le matin, on prend une tasse de lait, additionnée d’une cuillerée à soupe d’eau de chaux médicinale. Avant chaque repas, huit gouttes d’un mélange à parties égales de liqueur de Fowler et de teinture de Baumé. Voilà pour les médicaments. Au déjeuner, on boira une tasse de thé très chaud, additionné d’une petite pincée de benzoate de soude; au dîner, deux verres de stout, coupé avec un verre d’eau alcaline non gazeuse. Les aliments à préférer seront: le thé de bœuf, les œufs mollets, les biscuits anglais salés et les grissini (digestifs grâce à la dextrine et aux peptones développés par la torréfaction); la cervelle de veau, les pieds de veau et de porc, le poulet bouilli, le rosbif froid, le macaroni au gratin, le risotto à la milanaise, le maigre de jambon fumé, avec un peu de purée de pommes de terre. Il faudra éviter les fromages, les graisses et surtout les potages trop liquides, pour lesquels (Chomel l’avait déjà remarqué) les atoniques de l’estomac possèdent une apepsie invincible. Les lourdeurs après le repas seront combattues par les frictions alcooliques et le massage, et par l’usage de dix à quinze centigrammes de poudre de Dower (préparation à base d’ipéca et d’opium). Chez les anémiques, les névropathes et les convalescents, le séjour à la campagne, à la mer, ou dans une station hydro-minérale, pendant la belle saison, corroborera étrangement les effets favorables du traitement que nous venons d’esquisser.
Les anciens dyspeptiques côtoient, en somme, deux précipices: la dilatation gastrique et l’ulcère rond de l’estomac
La dilatation s’évite par les cures d’eaux minérales, le lavage gastrique, un régime spéciale consistant en pain grillé, viandes braisées, poissons au bleu, œufs mollets, rôtis froids, pâtes et purées, fruits en compote et bière anglaise coupée de moitié d’eau (deux verres au plus par repas). Nous nous prononcerons ici, carrément, contre tout lavage d’estomac Comme nous le disait, naïvement, un de no malades soumis longtemps, avec grand insuccès, à cette méthode de traitement: «Je crois qu’en voulant me retirer le mauvais, on m’a retiré le bon.» Il faut laisser, en effet, aux dilatés leur pepsine, dont ils ont le plus grand besoin, et réserver pour les cancers du pylore, cet expédient du lavage, bien digne des anciens inquisiteurs, qui entonnaient quatre pintes de liquide dans la question ordinaire et huit dans la question extraordinaire, dans le but d’obtenir des aveux de la part des torturés!
Si c’est l’ulcère rond que l’on redoute, on reposera, le plus possible, l’estomac, en lui évitant tout ce qu’il digère avec douleur. Le sujet mastiquera, longuement, ses aliments et les insalivera avec soin, lentis maxillis. Il boira, aux repas, du lait tiède, coupé de décoctions mucilagineuses (orge, riz); on lui donnera des potages à la farine d’avoine, de maïs, de lentilles; du racahout et du cacao; des œufs mollets, des viandes blanches, du poisson et des végétaux herbacés en très petite quantité ; des bouillons de veau et de poulet, des panades et très peu de vin. On lui prescrira le séjour à la campagne, les bains sulfureux et gélatineux tièdes, les frictions sèches au gant de crin, le massage et l’électricité. Deux à trois fois par jour, on lui fera prendre cinq centigrammes d’acide phénique bien pur, dilué dans une infusion de gomme arabique.
Le régime alimentaire doit, pour porter ses fruits curatifs, être suivi, avec rigueur et persévérance, durant de longs mois. Si les succès sont rares dans le traitement des maladies de l’estomac, c’est que les malades ont souvent la funeste habitude de renvoyer trop tôt le médecin... pour rappeler le cuisinier. Non accepimus brevem vitam, sed fecimus.
Il nous reste à indiquer, pour terminer ce chapitre, le traitement de certains symptômes de la dyspepsie. Le vertige stomacal se combat par l’hydrothérapie, les frictions, les bains sulfureux. On évitera de sortir à jeun, de fumer avec excès, de boire du vin pur et des liqueurs. Après chaque repas, on prendra, dans une infusion de menthe poivrée, l’un des cachets suivants:
Lorsqu’on soupçonne une exagération de sécrétion gastrique, il faut conseiller: le régime végétal, les œufs à la coque, les compotes de fruits, les grissini, les purées de pommes de terre, de lentilles et de haricots, les bouillies de châtaignes, de marrons, d’orge et de gruau, les pâtes alimentaires (nouilles et macaroni principalement), et comme boissons, la bière de Strasbourg et les eaux alcalines faibles.
Un symptôme qui se rattache fréquemment à un mauvais état de l’estomac, et qui, lorsqu’il se répète souvent, est, d’ailleurs, assez désagréable, c’est le boquet.
Tout le monde le connaît, ce bruit rauque, de tonalité variable, et accompagné d’une secousse convulsive plus ou moins marquée, que l’on désigne en médecine comme dans le langage vulgaire, sous le vocable imitatif de hoquet. Mais peu de personnes se font une idée précise du mécanisme de ce symptôme, dont l’explication nette n’a, d’ailleurs, été donnée que par les récentes découvertes de la physiologie moderne.
Le hoquet est causé par une contracture spasmodique du diaphragme, le muscle respiratoire placé entre la cavité de la poitrine et celle de l’abdomen. Cette contracture cause une secousse, qui se transmet plus ou moins au thorax et au ventre: en même temps, le creux de l’estomac semble se resserrer et devient le siège d’une vive sensibilité. L’air du poumon, brusquement chassé au dehors par le spasme du diaphragme, fait vibrer les lèvres de la glotte, et sort avec plus ou moins de bruit.
Le système nerveux étant l’agent excitant le plus efficace de la contraction musculaire, il est facile de comprendre pourquoi les individus dont les nerfs sont irritables seront sujets au hoquet. C’est ainsi que les anémiques, dont le système nerveux est en détresse; privés qu’ils sont de cet antispasmodique si efficace qu’on appelle le sang, voient souvent survenir le hoquet, sous la banale influence des émotions morales vives, du rire ou des larmes surtout, parfois même sous l’action légère des moindres contrariétés. Le hoquet est, d’ailleurs, un symptôme fréquent de l’attaque de nerfs chez la femme, c’est-à-dire de la forme bénigne de l’hystérie; de même, il survient comme un phénomène du petit mal épileptique, de la danse de Saint-Guy, et de toutes les névroses en général.
La convulsion spasmodique qui constitue le hoquet est parfois contagieuse, et l’on peut trouver, dans la littérature médicale, de véritables relations d’épidémies de hoquet. Ces épidémies, qui ont existé principalement au moyen âge et presque toujours dans des réunions de jeunes filles, rentrent, évidemment, dans la catégorie de faits décrits sous le nom de contagion nerveuse ou contagion par imitation .
Généralement, le hoquet est un symptôme des maladies du tube digestif, et particulièrement de l’indigestion. On le rencontre facilement (comme nous l’avons dit en notre Hygiène de l’estomac) dans certaines formes de dyspepsie et de gastralgie. Chez les enfants à la mamelle, le hoquet est presque quotidien et souvent très prolongé. Il survient surtout chez les enfants voraces, qui ingurgitent brusquement une grande quantité de lait. C’est un symptôme sans gravité, mais qui indique la nécessité impérieuse de régler les tétées; on le fait cesser, du reste, ordinairement, en administrant à l’enfant une cuiller à thé d’eau de Vichy. Chez les enfants plus âgés, il est bon de savoir que le hoquet est parfois l’un des signes qui indiquent la présence de vers intestinaux.
Le hoquet est parfois un symptôme grave, par exemple dans les obstructions intestinales, la hernie étranglée, la péritonite, la fièvre typhoïde, etc. Il emprunte, dans ces cas, sa gravité à celle des lésions graves qu’il accompagne. Dans tous les autres cas, le hoquet est un symptôme assez bénin, mais souvent très rebelle, surtout quand il survient comme phénomène d’une névrose confirmée (hystérie, chorée, etc.).
Le hoquet cède facilement, en général, à des moyens empiriques, dont la plus réelle action est souvent de faire patienter le sujet en attendant que cesse naturellement la contraction spasmodique du diaphragme. C’est ainsi que l’on a conseillé les longues inspirations suivies d’expirations raréfiées, la course, l’éternuement provoqué, la douleur inattendue produite par un pincement, ou la frayeur subite causée par la décharge d’une arme à feu; la compression du poignet par la main disposée en anneau ou par un lien serré ; l’ingestion, rapide ou lente, d’un verre d’eau fraîche ou d’une cuiller à café de vinaigre pur; la glace en fragments, etc., etc.
Mais parfois, le hoquet résiste à l’application successive de toutes ces recettes. Alors on pratique des frictions aromatiques ou calmantes sur le creux de l’estomac, on y applique des sinapismes ou d’autres révulsifs, tels que les ventouses ou les mouches de Milan. A l’intérieur, on administre les préparations antispasmodiques ou narcotiques: la menthe, l’éther, la valériane, la belladone, l’opium, le musc, le bromure de potassium, etc.
Notre collègue et ami le docteur Barré a fait cesser dernièrement un hoquet incoercible, en introduisant une sonde dans l’œsophage du malade. Piorry a réussi, dans un cas difficile, en touchant le voile du palais avec un pinceau imbibé d’un mélange d’eau et d’ammoniaque. Enfin Rostan a préconisé, dans le cas de hoquet rebelle, la compression du creux de l’estomac à l’aide d’une pelote serrée par une bande ou, si on le peut, à l’aide d’un bandage herniaire.
CONTRE LE HOQUET REBELLE (Marage).
Par cuillerées toutes les trois heures.
Dix à vingt gouttes de teinture de piscidia, ou bien un granule de valérianate d’atropine à 1 milligramme; une dragée de bromure de camphre à 1 centigramme, etc.
AUTRE FORMULE (Weissemberg).
(Une à chaque repas.)
GOUTTES ANTI-DYSPEPTIQUES (A. Robin).
Prendre six gouttes dans une cuillerée d’eau quelques minutes avant le repas.