Читать книгу L'hygiène des riches - Armand Silvestre - Страница 12
ОглавлениеCONGESTION CÉRÉBRALE ET APOPLEXIE
CES redoutables affections sont l’ordinaire apanage des constitutions fortes ou sanguines, dont les apports sont très actifs et les dépenses diminuées ou stationnaires. La congestion cérébrale survient, d’habitude, lorsque la pléthore vasculaire est installée dans l’économie, soit par prolifération des globules rouges, soit par augmentation de la portion liquide ou séreuse du sang (fausse pléthore ou hydrémie). Le contact répété du stimulus sanguin avec le tissu cérébral sollicite, dans ce tissu, un afflux habituel: autrement dit, la congestion appelle la congestion. De plus, le cerveau étant, comme on sait, renfermé dans une boîte osseuse inextensible, toute congestion, en augmentant le volume de l’organe ou de ses annexes, se complique et s’aggrave d’un symptôme nouveau: la compression cérébrale. Enfin, lorsque le tissu des artérioles encéphaliques se trouve altéré, soit par des concrétions, soit par de petits anévrismes (vieillards, alcooliques, etc.), alors, le cours du liquide sanguin se trouve gêné, des ruptures vasculaires peuvent se produire: l’apoplexie ou hémorragie cérébrale est créée.
La congestion cérébrale ou coup de sang, prélude avant-coureur habituel de l’apoplexie, survient, chez des sujets pléthoriques, à la faveur d’un effort violent (rapports sexuels, défécation difficile), d’une émotion vive (grande colère ou grande joie), d’un excès d’aliments ou de boissons, qui arrivent fluxionner soudainement la circulation générale. L’influence du renouvellement des saisons et celle d’une course rapide doivent également entrer dans les causes qui augmentent la pression intra-vasculaire. Enfin, la constriction de certains vêtements joue également un rôle dans la congestion passive du cerveau dont le sang veineux fait alors péniblement retour dans les jugulaires. A ce point de vue, il est certain que les anciennes cravates de l’époque de 1830 devaient jouer un rôle strangulateur, évidemment favorable à la production des coups de sang.
L’état congestif du cerveau se manifeste par des vertiges, des éblouissements, des bourdonnements d’oreilles et des fourmillements dans les membres. Les yeux sont brillants, injectés, sensibles à la lumière: le malade voit rouge; il perçoit parfois des battements artériels intra-craniens, sensibles surtout lorsqu’il appuie la tête; souvent, il éprouve un certain degré de somnolence, avec paresse de la parole et de l’intelligence.
L’apoplexie est trois fois plus fréquente chez l’homme que chez la femme. Elle frappe, entre quarante et soixante ans, les sujets à tête grosse, à col court, prédisposés par l’hérédité et par des congestions antérieures. Celles-ci peuvent évidemment manquer: mais alors la pléthore vasculaire est souvent évidente. Le pouls est plein: le visage, animé et coloré, exprime une vie surabondante: le sujet accuse de fréquents maux de tête, des hémorragies nasales faciles, une remarquable résistance au froid. C’est, cependant, en hiver qu’ont lieu la plupart des hémorragies cérébrales, par lesquelles succombent tant de vieillards: Frigus nervis inimicum.
Une vie molle et oisive, dont la gourmandise et l’ivrognerie remplissent les vides; une existence contemplative (moines, religieux), ou au contraire un ensemble de secousses morales, une vie traversée par l’ambition (politiciens) ou par les revers de fortune (financiers) semblent également faire le lit à l’apoplexie. Mais il est certain que les veilles prolongées, le jeu et la bonne chère, en excitant dans le cerveau de fréquents appels sanguins, constituent des conditions très favorables aux coups de sang. L’habitude de souper, disait Portal, est la cause de la fréquence des apoplexies observées à Paris sous la Restauration. Aujourd’hui, et l’hygiène s’en félicite, on ne soupe plus. Mais on prolonge volontiers, au delà des limites raisonnables, la durée des dîners en ville. Armaingaud attribue, avec raison, l’extrême fréquence de l’apoplexie, à Bordeaux, à l’habitude des réunions gastronomiques et à l’abus des grands vins. Toutefois, l’alcoolisme produit, croyons-nous, plus ordinairement l’hémorragie méningée que l’hémorragie cérébrale. Il faut bien remarquer, du reste, que le résultat est le même...
Pour ce qui est des abus du cerveau, nous pensons que l’exercice constant, mais régulier (et non par secousses) de cet organe, tend plutôt à fortifier son tissu constitutif qu’à l’affaiblir et à le prédisposer aux ruptures vasculaires. L’exercice régulier et permanent des muscles fortifie, de même, ces derniers et ne les rompt point!
Il existe bien des degrés dans l’apoplexie, depuis le simple affaiblissement des membres, jusqu’à la mort rapide et foudroyante. La différence des degrés réside surtout dans l’importance du vaisseau rompu et dans la résistance, plus ou moins forte, que le tissu cérébral oppose à sa déchirure. L’attaque survient tantôt en pleine vigueur, sous l’influence d’un effort violent; tantôt sournoisement, pendant le sommeil et la tranquillité circulatoire la plus absolue. Tout dépend, évidemment, des altérations préexistantes de la substance cérébrale.
On connaît le tragique tableau de la grande attaque ou apoplexie foudroyante. En moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire, le sujet est terrassé dans un coma ou sommeil mortel: la motilité et la sensibilité sont abolies, avec les fonctions du cerveau subitement suspendues; la respiration persiste encore, sous la forme d’un sinistre râle trachéal. La mort, rarement instantanée, survient dans un laps de temps variable de quelques minutes à quelques heures. Dans les autres formes, dites paralytiques, de l’apoplexie, le malade revient graduellement à lui: mais il est toujours paralysé d’un côté, hémiplégique, parfois dépouillé de la parole et de la mémoire, et ordinairement candidat au ramollissement, lorsqu’il n’est pas emporté, auparavant, par une attaque ultérieure.
Le traitement de l’attaque consiste dans la saignée générale, les sangsues anales ou mastoïdiennes, les ventouses thoraciques, les sinapismes aux cuisses, les compresses froides sur la tête. Un lavement purgatif ou bien un drastique administré par la bouche (lorsque la déglutition est possible) rendent également des services. Pour activer, ensuite, la résorption du caillot encéphalique, l’iodure de potassium constitue le meilleur des médicaments.
La plupart des remèdes dits antiapoplectiques sont à base d’alcool et d’aromates, stimulants ou échauffants, qui vont à l’encontre de leurs prospectus! Le meilleur des préservatifs réside dans une sage hygiène physico-mentale. Sobriété, liberté du ventre, et aussi liberté de l’âme, conviennent aux cérébro-congestifs. Ils renonceront à l’alcool, au vin pur, au café, au thé, aux liqueurs; ils vivront dans un air pur et suivront un régime délayant et végétal, consistant spécialement en lait, œufs, viandes blanches et poissons d’eau douce, fromage et beurre frais, végétaux acidulés (asperges, câpres, cornichons, groseilles, oranges, citrons), potages au gruau et au tapioca, lentilles, carottes, melons, potirons, navets, raisins, abricots, prunes, pêches, grenades, confitures, miel, noix, salades, fines herbes. Ils boiront de la petite bière et du cidre. Ils éviteront la constipation, la transition du chaud au froid, et surtout les distractions érotiques post prandia. Leur vie sera tranquille, loin des locaux échauffés, des bals, des spectacles et des réunions stimulantes. Pas d’émotions vives ni d’exercices violents, ni d’insolation, ni de vêtements serrés comprimant le cou. Point de chants, ni surtout du jeu des instruments à vent, passibles de congestionner le cerveau. La chambre à coucher sera fraîche, le lit composé d’un matelas dur, avec oreillers de crin maintenant la tête haute. Il faudra toujours favoriser, et au besoin rappeler, si cela est possible, les flux habituels. L’écoulement hémorroïdaire sera ainsi rétabli par des sangsues à l’anus et par l’administration, tous les trois ou quatre jours, de 10 centigrammes d’aloès du Cap, pris le soir au coucher: car cet écoulement constitue la dérivation la plus utile pour le cerveau.