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DE L’ARTHRITISME. — LE RHUMATISME ET SES MODALITÉS

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On nomme arthritisme ou arthritis la disposition générale de l’organisme qui donne naissance aux affections rhumatismales et goutteuses. Le rhumatisme et | la goutte sont, en effet, comme l’a très bien vu Pidoux, deux branches issues d’un tronc commun. Ce tronc commun est l’état constitutionnel dénommé arthritis.

Le mal peut rester très longtemps à l’état latent. L’arthritique est un sujet présentant ordinairement toutes les apparences extérieures de la santé : le teint rose, la face replète, avec une certaine tendance à l’obésité générale. La peau est facilement moite; les cheveux tombent de très bonne heure; le sujet se plaint volontiers de digestions lentes, de constipations, de migraines et d’étourdissements, d’éruptions fugaces sur les téguments (urticaire, herpès, furoncles, acné). Il est facilement en proie, surtout pendant sa jeunesse, aux angines, au coryza, aux douleurs vagues dans le dos et la poitrine, etc. Un signe presque assuré d’arthritis, d’après Tillot, c’est la sensation de fatigue, si commune chez tant de femmes, lorsqu’elles quittent leur lit le matin: cette sensation disparaît à mesure que la journée s’avance.

A une période plus avancée de l’arthritis, surgissent les attaques rhumatismales et goutteuses, les maladies rebelles et tenaces de la peau (eczéma, psoriasis), la dyspepsie acide, l’asthme, et enfin les lésions organiques viscérales du cœur, du foie ou des reins, fréquemment suivies d’une issue funeste.

Le rhumatisme et la goutte présentent entre eux des différences fondamentales. La goutte sévit surtout sur les adultes et les vieillards: elle affectionne, de préférence, les petites articulations et y produit des concrétions spéciales. Le froid humide influence, en outre, bien moins les attaques de goutte que celles de rhumatisme. Toutefois, la disposition générale, qui donne naissance à ces modalités morbides, en réalité d’allure symptomatique différente, se manifeste par une prédominance constante de l’acide urique dans le sang. Pour favoriser l’oxydation de cet acide et sa transformation en urée et en urates solubles, il faut administrer les alcalins (et notamment le bicarbonate de soude, les sels de lithine), qui possèdent la précieuse propriété d’activer les combustions organiques ralenties. L’action des alcalins s’étend, du reste, à beaucoup d’autres déchets de l’économie, et nos lecteurs verront plus loin qu’il n’existe point de plus fidèles agents pour brûler la graisse chez les obèses et transformer le sucre chez les diabétiques.

On a considérablement exagéré l’action débilitante produite, à la longue, sur le liquide sanguin, par les abus de la médication alcaline. Cette terreur qui agitait Trousseau, déclarant que les alcalins avaient peut-être plus de méfaits à se reprocher que l’iode ou le mercure, — a probablement puisé son origine dans certaines débauches hydro-minérales, si nuisibles en beaucoup de circonstances. Il est certain, dureste, que l’excès des eaux alcalines est bien plus dangereux que celui des sels alcalins. Nous n’avons jamais, pour notre part, enregistré d’accidents, à la suite de la prescription du bicarbonate de soude aux plus hautes doses; tandis que l’exagération dans l’usage de certaines eaux (telle qu’elle existait du temps de Mme de Sévigné, par exemple, et telle que la pratiquent encore certains malades, entêtés à se soigner eux-mêmes) entraîne, assez fréquemment; des gastrites, des congestions du foie, des albuminuries et des néphrites, qui débilitent (et détériorent même profondément) les tempéraments les plus vigoureux.

Le rhumatisme articulaire aigu est caractérisé par une fièvre vive, des sueurs profuses, un engorgement plus ou moins marqué des diverses articulations. Assez fréquemment, il se complique d’inflammation des séreuses externe ou interne du cœur (endocardite, péricardite). Le meilleur traitement du rhumatisme articulaire aigu consiste à administrer, toutes les deux ou trois heures, un gramme de salicylate de soude en potion; et tous les soirs, un paquet composé de 50 centigrammes de poudre de Dower et 10 centigrammes de poudre de digitale. Dans les formes subaiguë et chronique de l’arthrite rhumatismale, il faut préférer à ces agents l’emploi de l’iode et des iodures. C’est également le système curatif à adopter, en thèse générale, pour les rhumatismes viscéraux.

Les douleurs musculaires (qu’on nomme lumbago, torticolis, pleurodynie, suivant qu’elles siègent aux reins, au cou ou à la poitrine) sont surtout justiciables des agents de la médication externe: ventouses, sinapismes, teinture d’iode, liniments, électrisation, bains, massages et frictions. Il faut toujours soigner par le repos à la chambre les douleurs musculaires du rhumatisme: car elles sont, au plus haut point, susceptibles de s’aggraver à l’air libre; fréquemment même, on peut les considérer comme des symptômes avant-coureurs de manifestations arthritiques plus profondes.

Cette remarque est surtout importante à noter dans la saison humide et froide.

Les causes occasionnelles des rhumatismes sont, en effet, le froid et surtout l’humidité : bonne conductrice du calorique, l’humidité soutire au corps humain une plus grande quantité de chaleur que le froid sec. De plus, elle met obstacle au fonctionnement si important de l’épiderme. Le rhumatisme atteint, pour cette raison, les sujets exposés à de brusques variations atmosphériques, ceux qui habitent des locaux humides ou nouvellement bâtis, ceux qui suppriment brusquement leurs vêtements protecteurs habituels, ou qui les gardent mouillés de sueur ou de pluie.

L’hérédité rhumatismale présente ordinairement une physionomie particulière: celui qui en est porteur possède une peau blanche, fine, qui transpire aisément, et un teint coloré, grâce à la facile injection du réseau capillaire sous-cutané.

Les manifestations, très variées, du rhumamatisme ne se traitent jamais complètement par la pharmacie seule: il faut, à toute force, qu’interviennent ici les agents physiques de l’hygiène. C’est ainsi que les articulations engorgées guérissent par les mouvements communiqués naturels et par le massage, qui assouplit les jointures, nourrit les muscles ambiants, élimine les épanchements liquides et fait renaître, avec la circulation déchue, les sécrétions normales. Il serait à souhaiter que le massage s’introduisît, définitivement, dans nos mœurs médicales si routinières: on verrait, chez nous, aussi peu d’arthritisme que dans les pays d’Orient, où il en coûte aussi peu de se faire masser que de prendre un bain simple.

Les frictions bien faites ont tous les avantages du massage: elles développent, de plus, certaines réactions curatives électrogènes. Il n’y a pas que la peau du chat, celle de l’homme aussi produit de l’électricité, lorsqu’on la frotte. Les manœuvres physiques constituent, d’ailleurs, pour les membres, une sorte d’exercice passif, qui allège et émousse la sensibilité nerveuse, renouvelle, régénère et purifie les cellules en souffrance, débarrasse la peau de ses déchets nocifs, détend les parties ligamenteuses, tonifie la vitalité nutritive de notre enveloppe extérieure et invigore, contre les intempéries saisonnières, sa puissance réactionnelle.

Usitées de temps immémorial dans l’Inde et la Chine, les frictions jouissaient, chez les Romains, d’un grand crédit. C’était à l’aide du strygil, sorte d’étrillé, que les anciens stimulaient merveilleusement leur circulation et leur innervation périphériques. On raconte que l’empereur Adrien vit, un jour, aux Thermes, un vieux soldat, qui, faute de cet instrument, se frottait avec énergie contre l’angle d’un mur: simplement, Adrien lui offrit son strygil et un esclave... Aujourd’hui nous possédons le gant de crin, et la brosse de flanelle pour les épidermes délicats. Mais il ne faut pas, dans le rhumatisme, se contenter de frictions sèches: on peut profiter de cette manœuvre pour faire pénétrer, par la peau, certains principes médicamenteux curatifs, et l’on ménagera ainsi, intégralement, la susceptibilité de l’estomac. Nous employons habituellement des combinaisons d’huile camphrée, de chloroforme, de winter-green, de vinaigre salicylé ; et, dans les cas d’atrophie musculaire, la térébenthine, l’ammoniaque, l’huile phosphorée, la teinture de noix vomique.

Il ne faut pas oublier que les déterminations rhumatismales convergent surtout vers les tissus les moins animés, vers ceux dont l’organisation anatomique est élémentaire et la vitalité peu résistante. Quant à la forme aiguë et fébrile du rhumatisme articulaire (qui se complique si volontiers de lésions au cœur), elle est, avec raison, envisagée, de nos jours, comme une sorte de fièvre infectieuse, greffée sur un état constitutionnel, préexistant. Pour vaincre justement cet état constitutionnel, il faut développer, dans les cellules dont la vitalité est abaissée, ce qu’on a appelé la force neurique rayonnante: c’est l’électricité, bien appliquée, qui nous fournira donc l’engin de prédilection à diriger contre la nutrition, ralentie et lymphatique, des rhumatisés.

«Le corps humain, a dit excellemment Onimus, est un assemblage de petites piles, fonctionnant automatiquement, dont les précipités s’évacuent à mesure de leur formation, et dont les usures sont, au fur et à mesure, remplacées par les produits de la digestion.» Pile idéale, qui ne se polarise jamais; mais dont les courants varient, à coup sûr, d’intensité, selon les individus.

Le rhumatisme est l’endémie des climats tempérés. Le printemps et l’été sont les saisons où à Paris, par exemple, on constate principalement ses atteintes, chez les jeunes sujets de quinze à trente-cinq ans, sous l’influence d’un refroidissement subit, le corps étant en sueur et insuffisamment couvert. Le rhumatisme est un véritable Protée; il atteint les articulations et les muscles, la vessie, l’intestin, le poumon et la plèvre, il cause des courbatures, des angines, des points de côté, des maux de tête, torticolis, douleurs de reins, etc. Son essence est catarrhale et son allure essentiellement barométrique. Héréditaire parce qu’il tient principalement à certaines qualités, transmissibles, de notre tégument externe (finesse de la peau, activité de la sueur), il est sujet aux récidives, s’attaque volontiers aux parties les plus fatiguées (articulation des genoux chez les marcheurs, cerveau dans les professions libérales).

Si le rhumatisme se contentait de provoquer de vives douleurs, un état fébrile aigu, une anémie et des accidents mobiles et divers sur les tissus fibreux en général, point ne serait besoin d’exposer ici une hygiène spéciale plus ou moins minutieuse. On pourrait tout résumer, comme le faisait Cullen, dans ces deux mots: Patience et flanelle. Mais le rhumatisme touche souvent l’un des organes les plus nécessaires à la vie comme aussi l’un des plus sensibles au génie morbide: nous voulons parler du cœur. Le rhumatisme articulaire aigu généralisé produit presque toujours (comme l’a démontré Bouillaud) des lésions sur l’organe central de la circulation. Ces lésions sont persistantes et incurables. Il importe donc, pour les éviter, de se mettre rigoureusement en garde contre les affections rhumatismales, et, si l’on y est prédisposé, de suivre, pas à pas, une hygiène spéciale .

Comme l’a écrit le docteur Chevandier: «C’est par la peau qu’entre le rhumatisme, c’est par la peau qu’il doit sortir.» Le rhumatisant a besoin de vivre en plein air et de baigner, sans cesse, sa peau dans une atmosphère vivifiante et pure; il évitera les milieux confinés, où s’entassent des respirations et des combustions multiples. Son logement sera spacieux et aéré, exposé, si possible, au midi. Il évitera d’habiter, dans les villes, les étages inférieurs, trop humides à cause du voisinage du sol. Il évitera également les étages supérieurs, qui favoriseraient son essoufflement et ses palpitations.

Les vêtements seront assez collants pour protéger contre les variations météoriques, pas assez pour gêner les fonctions de la peau. Il faudra éviter de quitter, au moment des transitions saisonnières, les vêtements de supplément. Il faudra changer immédiatement les habits mouillés par la pluie ou par la sueur (que la plupart des rhumatisants sécrètent fort activement). Bien entendu on ne portera jamais de vêtements imperméables, mais on recourra au contraire aux tissus, comme la laine et la flanelle, qui absorbent les liquides lentement et les abandonnent lentement aussi.

Le lit sera en fer, pour permettre à l’air une circulation plus facile; pour les mêmes raisons, il sera pourvu d’un sommier élastique; les matelas seront confectionnés assez durement avec la laine et le crin. La plume et l’édredon seront bannis du lit du rhumatisant, qui sera dépourvu, naturellement, de rideaux et d’alcôve, muni de couvertures légères et de draps de coton. On n’appuiera pas directement le lit contre un mur, mais on interposera, soit une couche d’air (lit de milieu), soit un paravent protecteur. Les diverses pièces du lit seront soigneusement aérées tous les matins, et desséchées, ainsi que la chambre, où l’on fera entrer le soleil; un feu de bois dans la cheminée chassera l’humidité, la plus cruelle ennemie du rhumatisant.

Le rhumatisant évitera toute fatigue corporelle et tout excès de mouvement; il fuira les veilles et les excès alcooliques ou vénériens, pour suivre l’existence la plus régulière. Le mariage fera naturellement partie, à titre de régulateur, de l’hygiène du rhumatisant.

Tous les soirs, en se couchant, il lui sera recommandé défaire soit des frictions sèches générales, soit des lotions vinaigrées sur son corps, soit enfin du massage, qui excite la circulation, réveille la tonicité musculaire et assouplit le jeu des articulations. Tous les cinq ou six jours, le sujet prédisposé au rhumatisme se trouvera bien d’un bain alcalin de vingt minutes à 35° centigrades. Les bains de mer à la lame, joints à une natation modérée, seront également favorables. Si, à la suite d’un excercice fatigant quelconque, le sujet sent une douleur dans les genoux ou les pieds, par exemple, il se reposera aussitôt complètement et protégera par un enveloppement d’ouate salicylée les parties douloureuses, jusqu’à ce qu’il puisse, sans danger, se livrer à un exercice dépourvu d’efforts et de fatigue.

Les professions nuisibles surtout au rhumatisant sont celles qui l’exposent à l’humidité, telles que les professions de blanchisseur, d’égoutier, etc.; celles qui offrent sans cesse, comme la forge ou le four du boulanger, des variations considérables dans la température ambiante; enfin celles qui nécessitent des efforts musculaires constants (comme la profession militaire) ou exagérées (comme celle de fort de la halle).

L’alimentation du rhumatisant devra être douce: il évitera la nourriture succulente, les aliments de haut goût, les viandes fortement azotées, les poissons de mer, gibier et salaisons. Il recherchera les viandes blanches et les légumes verts, boira un bordeaux tonique étendu d’une eau alcaline et ferrugineuse légère; il évitera les excitants modernes, l’alcool, le café et le tabac, qui agissent sur le cœur et le cerveau et peuvent attirer sur l’organisme les décharges de la foudre rhumatismale.

Nous n’ajouterons qu’un mot pour indiquer ici les nécessités d’une bonne hygiène morale. Partout, pour la santé physique, la santé du cœur et celle de l’esprit sont nécessaires, ici surtout, où l’excitation morale peut troubler dans ses mouvements l’organe central de la circulation, et y provoquer des lésions organiques mortelles.

Rien n’est plus mobile que les manifestations rhumatismales. C’est pourquoi il faut se garder de les traiter par les médications perturbatrices trop violentes. C’est ainsi que l’abus du sulfate de quinine prescrit pendant la période aiguë du rhumatisme articulaire a été considéré, non sans raison plausible, comme capable de déplacer le mal du côté des méninges et d’amener cette redoutable complication, presque toujours fatale, qu’on appelle le rhumatisme cérébral. Les injections de morphine ont également à leur passif bien des complications de cette nature... «Soulager la douleur est fairè œuvre divine,» a dit Hippocrate; mais Galien a dit: «Dolor amarissimum naturæ remedium.» C’est au praticien de faire l’accord entre les deux immortels contradicteurs!

Une anémie profonde succède, ordinairement, aux manifestations rhumatismales aiguës, surtout lorsque (fait assez ordinaire) elles ont duré plusieurs semaines. C’est par l’iodure de fer, les bains sulfureux et le régime vestimentaire de laine que l’on triomphera de la débilité et que l’on préviendra le mieux les récidives et les rechutes arthritiques menaçantes.

Ce qui caractérise l’arthritisme, c’est une exquise sensibilité vaso-motrice, qui explique les poussées congestives, soudaines et mystérieuses, que présentent les sujets atteints de cette diathèse. L’électricité bien maniée agit, pour cette raison, d’une manière héroïque, contre certaines manifestations chroniques du rhumatisme. Dans la forme noueuse, si malaisée à guérir, les courants continus, aidés de l’iode et de l’arsenic à l’intérieur et de la balnéation très chaude (choisir de préférence la thermalité minérale naturelle), triompheront de la douleur et des contractures et résoudront les nodosités. Mais surtout, craignez pour les rhumatisants les climats humides et les stations maritimes, quelles qu’elles soient. Il faut surtout à ces malades de l’air sec et du soleil; et nous approuvons de toutes nos forces les Américains qui construisent, dans leurs hôpitaux, des solariums, sortes de grandes cages, vitrées de glaces convexes, où le moindre rayon de soleil est recueilli et intensifié, au grand bénéfice des rhumatisants.

Le grand avantage de tous les agents physiques, c’est qu’ils n’introduisent dans le sang aucun poison: ils agissent plutôt par ce qu’ils emportent que par ce qu’ils apportent. Révulsifs et perturbateurs, ils excitent, mécaniquement, l’activité intime des cellules nutritives, dont ils réveillent le magnétisme vital; en même temps, ils engourdissent et éteignent la sensibilité à la douleur: ce qui les rend, à la fois, lorsqu’ils sont bien maniés, excitants et sédatifs. Ils remplissent donc l’idéal du thérapeute: de plus, ils entretiennent le fonctionnement musculo-articulaire atrophié et le réveillent passivement, c’est-à-dire sans fatigue. Or, n’oublions pas que la fatigue est un élément primordial dans la genèse du rhumatisme: notre illustre maître Michel Peter n’a-t-il pas démontré que c’est à cause d’elle que les genoux et les chevilles sont les articulations, le plus souvent prises de rhumatisme, et que les arthrites du membre supérieur droit sont notablement plus fréquentes que celles du gauche?

On a, dans ces derniers temps, préconisé, contre le rhumatisme, un assez bizarre remède: la piqûre par les abeilles. Si nous en parlons ici, ce n’est pas pour le recommander, mais pour ajouter une page anecdotique à un volume écrit spécialement à l’intention des gens du monde.

Un de nos confrères autrichiens, le docteur Terc, de Marbourg, après avoir étudié, de très près, les piqûres des hyménoptères, estime qu’il faut les rechercher, comme médication... lorsqu’on est rhumatisant. Tout rhumatisant a, d’après lui, le devoir de chanter:

«J’ai, sur l’Hymette, éveillé les abeilles,»

parce qu’il peut, paraît-il, demander à ces «chastes buveuses de rosée» d’ajouter un bienfait thérapeutique à leurs bienfaits alimentaires si appréciés depuis l’origine des siècles.

Le Wiener Médizinal Presse nous a rendu compte des observations empiriques (dans le bon sens du mot. grec, qui veut dire expérience) recueillies depuis une dizaine d’années, par M. Terc, sur cette question. Notre confrère avait entendu parler, par des apiculteurs, de guérisons miraculeuses obtenues sur des rhumatisants, des goutteux, des névralgiques, à la suite de piqûres d’abeilles accidentelles et même intentionnelles. Pour en avoir le cœur net, et avant de rien publier, le consciencieux praticien fit porter ses observations sur cent soixante treize sujets, auxquels il fit subir un total de 39,000 piqûres. On voit qu’il s’agit d’un travail sérieux. Voici, maintenant, les résultats.

Le rhumatisant ne réagit pas comme le sujet bien portant; il possède même, contre la piqûre d’abeilles, une véritable immunité. Cette immunité n’est, toutefois, pas absolue: une seule piqûre ne donne rien; mais plusieurs arrivent à causer des phénomènes de tuméfaction. En augmentant le nombre des inoculations, on constate bientôt que le sujet est définitivement vacciné contre le venin d’abeilles, et l’on observe également que de nouvelles piqûres, en si grand nombre qu’elles soient, n’engendrent plus aucun état inflammatoire. Aussi longtemps que le malade reste dans cet état d’immunité, il est, en même temps, absolument réfractaire aux récidives de la diathèse rhumatismale, — que l’on connaît, pourtant, pour être, par excellence, une maladie à répétitions.

Il existerait donc, entre le venin des abeilles et le principe, encore peu connu, qui engendre les affections rhumatismales, un rapport réel, constant et caractéristique. La lecture des observations de M. Terc ne nous a laissé aucun doute à cet égard. Il ne s’agit pas là d’un simple exemple de révulsion, déplaçant le vice rhumatismal de l’intérieur à l’extérieur des tissus. Il s’agit d’une médication vraiment héroïque, — nous allions dire spécifique, — capable de réussir dans des cas de rhumatismes articulaires graves, généralisés, passés depuis longtemps à l’état chronique, et rebelles aux médications externes et internes le plus rationnellement appliquées.

Notre confrère convient, du reste, lui-même, qu’il est bon d’essayer, avant de faire intervenir les abeilles, le bicarbonate et le salicylate de soude, l’antipyrine et les iodures, etc... Ce n’est qu’en désespoir de cause et dans les formes compliquées, anormales et interminables de la diathèse rhumatismale, alors que toutes les ressources de l’art médical ont été en vain appliquées, que l’on fera bien de songer au remède original du médecin de Marbourg. Il prétend que, pour appliquer soi-même, avec ses doigts, ledit remède vivant et piquant, il suffit d’un tour de main facile, pour tous, à attrapper. Mais nous croyons, quant à nous, qu’il serait peut-être plus scientifique d’isoler de l’insecte le venin en question, d’essayer de le conserver (il est essentiellement altérable), et de l’appliquer, comme antidote du rhumatisme, en injections sous-cutanées, rationnellement graduées.

Quant aux accidents possibles, M. Terc n’en a point observé de sérieux, sur 39,000 observations de piqûres. Toutefois, il faut être prévenu que le venin des abeilles agit principalement sur le système nerveux grand sympathique, et provoque parfois, pour cette raison, des phénomènes généraux, heureusement plus effrayants que graves. Il sera prudent, enfin, de ne point recourir aux piqûres d’hyménoptères chez les rhumatisants affectés de lésions du cœur, viscère d’élection de la diathèse, lorsqu’elle est à l’état aigu principalement.

L'hygiène des riches

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